Parmi les plus de 1300 documents secrets et confidentiels du Département d’Etat divulgués par Wikileaks durant les deux dernières semaines, une quantité significative traite des efforts de fonctionnaires états-uniens pour isoler et contrecarrer le gouvernement du Venezuela.
Depuis qu’Hugo Chavez a gagné la présidence du Venezuela en 1998, Washington a appuyé de multiples efforts pour le renverser, incluant un coup d’Etat qui a échoué en avril 2002, un arrête pétrolier à la fin de la même année, et de nombreuses interventions dans les processus électoraux dans le pays. Au travers des agences du Département d’Etat, comme l’Agence Internationale du Développement (USAID) et la National Endowment for Democracy (NED), Washington a versé des millions de dollars à des organisations, partis et médias d’opposition au Venezuela, dans le but de saper le gouvernement démocratique du Président Chavez et de le forcer à quitter le pouvoir. Et durant les dernières semaines, des congressistes états-uniens ont augmenté leurs appels pour “affronter directement” Hugo Chavez et il y a même eu des discussions dans les médias états-uniens sur son potentiel “assassinat” comme solution.
Dans les câbles du Département d’Etat publiés par Wikileaks il ressort qu’en plus de l’appui interne au Venezuela aux groupes anti-chavistes, la diplomatie états-unienne a réalisé de multiples efforts dans les dernières années avec différents gouvernements du monde pour isoler le gouvernement vénézuélien et affaiblir son influence et pouvoir régional. Certains de ces gouvernements, comme celui d’Alvaro Uribe en Colombie, de Felipe Calderon au Mexique et de José Luis Zapatero en Espagne, ont offert leur aide pour “contenir” le gouvernement de Chavez.
PLAN DE “CONTENTION” D’UN “ENNEMI FORMIDABLE”
Dans un document secret rédigé par l’actuel Assistant Secrétaire d’Etat Adjoint pour l’Amérique latine, Craig Kelly, et envoyé depuis l’Ambassade des Etats-Unis à Santiago en juin 2007, Kelly propose “six zones principales d’action pour le gouvernement des USA dans sa tentative de limiter l’influence de Chavez”. Kelly, qui fut le principal interlocuteur avec les putschistes au Honduras durant le coup d’Etat contre le Président Manuel Zelaya en 2009, classe le Président Hugo Chavez comme un “ennemi”dans son rapport. “Connaître l’ennemi : Nous devons mieux comprendre ce que Chavez pense et ce qu’il propose...Pour contrecarrer efficacement la menace qu’il représente, il est nécessaire de mieux connaître ses objectifs et comment il entend les mettre en oeuvre. Cela nécessite de meilleurs renseignements dans tous nos pays”. Ensuite, Kelly avoue que le Président Chavez “représente un ennemi formidable”, mais ajoute t-il, “sans doute on peut le vaincre”.
Depuis l’année 2006, Washington a activé une Mission de Renseignements pour le Venezuela et Cuba par la Direction Nationale du Renseignement (DNI), organisme qui coordonne les 16 agences de renseignement des Etats-Unis. La Mission, dirigée par le vétéran de la CIA Timothy Langford, est une des quatre missions de renseignement de Washington pour des pays spécifiques. Les autres sont pour l’Iran, la Corée du Nord et l’Afghanistan/Pakistan, ce qui met en évidence la priorité que les Etats-Unis ont donné au Venezuela comme une cible d’espionnage et d’opérations clandestines.
Parmi les autres suggestions de Kelly, on trouve la recommandation d’augmenter la présence des Etats-Unis dans la région et d’améliorer les relations avec les forces militaires latino-américaines. “Nous devons continuer à renforcer des liens avec les leaders militaires dans la région qui partagent notre préoccupation sur Chavez”.
Kelly suggère aussi un plan d’ “opérations psychologiques” contre le gouvernement vénézuélien pour exploiter ses faiblesses. “Quand nous détenons une information concrète sur un sujet sur lequel nos amis dans la région partagent notre préoccupation...nous devons la partager... Et quand les programmes de Chavez alimentent les appétits des élites locales pour être impliqués dans la corruption ou ne pas remplir leurs promesses, nous devons le faire connaître...Bien sûr nous devons aussi nous assurer que la vérité au sujet de Chavez-sa vision creuse, ses promesses, ses relations internationales et dangereuses avec l’Iran-se fasse jour publiquement.
Kelly propose plus de visites de fonctionnaires étatsuniens à la région pour “montrer notre valeur et expliquer directement aux populations notre point de vue sur la démocratie et le progrès”. Il apporte aussi des détails sur la façon dont Washington pourrait exploiter les différences entre gouvernements latino-américains pour isoler le Venezuela.
“Le Brésil a une influence démesurée sur le reste du continent...il peut être un puissant contrepoids au projet de Chavez... le Chili offre une autre excellente alternative à Chavez... Nous devons trouver d’autres manières de donner le leadership au Chili...mais sans faire apparaître qu’ils sont nos marionnettes ou subordonnés... L’Argentine est plus complexe mais néanmoins présente des caractéristiques spécifiques qui doivent guider notre point de vue dans la lutte contre l’influence de Chavez dans ce pays”.
PRESSIONS SUR LE MERCOSUR
Kelly révèle aussi les pressions de Washington sur le Mercosur pour qu’il n’accepte pas le Venezuela comme membre plénier dans le bloc commercial régional. “Quant au Mercosur, nous ne devons pas être timides pour affirmer que l’entrée du Venezuela va affecter les intérêts des USA...”.
MEXICO, BOGOTA ET D’AUTRES DEMANDENT DE LUTTER CONTRE CHAVEZ
Les documents divulgués par Wikileaks non seulement mettent en évidence les efforts de Washington pour isoler le gouvernement vénézuélien, mais aussi les demandes de plusieurs gouvernants et politiques régionaux pour “lutter contre” le Président Hugo Chavez.
Un câble secret sur une réunion du Président du Mexique, Felipe Calderon avec le Directeur National du Renseignement des USA, Dennis Blair, en octobre 2009, révèle que le chef de l’Etat mexicain était “en train d’essayer d’isoler le Venezuela à travers le Groupe de Rio” (Instance régionale informelle qui regroupe 22 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, Ndt).
Calderon indiqua aussi au chef du Renseignement états-unien que “La région a besoin de la présence visible des USA...Le plus important, a dit Calderon, est que les Etats-Unis doivent être préparés pour se rapprocher du prochain président du Brésil. Le Brésil, a indiqué Calderon, est clé pour freiner Chavez. Néanmoins, Calderon “regretta que le Président Lula ait résisté à le faire”.
URIBE SUGGERE UNE ACTION MILITAIRE CONTRE LE VENEZUELA
Dans divers documents secrets envoyés depuis l’Ambassade des USA en Colombie, sont manifestes les grands efforts de l’ex-Président Alvaro Uribe pour que Washington mène des actions implacables contre le gouvernement d’Hugo Chavez.
Dans un câble non classifié de l’Ambassade US à Bogota de décembre 2007, l’Ambassadeur rapporte une réunion entre Uribe et une délégation de congressistes des EU, comprenant le leader du Sénat, Harry Reid. Uribe, selon le texte, indiqua aux congressistes états-uniens que la “menace que Chavez représente en Amérique latine est égale à la menace que représentait Hitler en Europe”.
Un autre document secret de l’Ambassade à Bogota de juillet 2005 relate une réunion entre le Sous-Secrétaire des USA Nicolas Burns et Uribe. Le câble secret révèle comment le “Président Bush était considéré au Venezuela et espérait parler du sujet dans son ranch de Crawford” avec Uribe. L’ex-président colombien dit également au fonctionnaire états-unien que Washington devrait “améliorer ses relations avec l’Uruguay et d’autres dans la région que Chavez pensait être ses alliés”, pour ensuite les utiliser contre le mandataire vénézuélien.
Durant une réunion entre le Chef de l’Etat Major Conjoint des EU, l’Amiral Michael Mullen, et Uribe en janvier 2008, ce dernier recommanda une action militaire contre le Venezuela. Le câble secret de l’Ambassade des USA à Bogota de cette date relate que selon Uribe, “La meilleure manière de contrecarrer Chavez est l’action-incluant l’usage des forces armées”. Dans le même document, Uribe affirma qu’il autoriserait l’ “entrée de militaires colombiens en territoire vénézuélien”.
Toujours dans ce document secret, l’ex-président colombien “pria instamment le Gouvernement des EU de prendre la tête d’une campagne publique contre le Venezuela et pour contrecarrer les progrès de Chavez”.
DES DIRIGEANTS DE L’OPPOSITION DEMANDE L’AIDE DES USA
Dans une réunion avec l’Ambassadeur des EU à Bogota ressortant d’un câble secret d’octobre 2005, l’ex-président et putschiste équatorien Lucio Gutierrez indiqua que s’il revenait à la présidence de son pays, “il serait un fort allié des EU dans la lutte contre Chavez”.
“Gutierrez et, surtout, [Patricio] Zuquilanda [ex Chancellier de l’Equateur], passèrent beaucoup de temps à dénoncer le président vénézuélien Hugo Chavez comme une menace pour “tout le monde, pas seulement pour l’Amérique du Sud”. “Nous devons nous unir comme amis pour lutter contre Chavez”, dit Zuquilanda à diverses reprises, relate le document secret.
Jusqu’à un archevêque vénézuélien demanda au gouvernement des USA de prendre des mesures contre son propre gouvernement et président, Hugo Chavez. Dans un document confidentiel de l’Ambassade des EU à Caracas, l’Ambassadeur d’alors, William Brownfield relata que dans une réunion en janvier 2005 qu’il eut avec l’archevêque vénézuélien Baltazar Porras, le chef religieux demanda que “le gouvernement des EU devrait être plus explicite dans ses critiques contre Hugo Chavez. Porras demanda à la communauté internationale plus de participation pour contenir les aspirations régionales de Chavez...”.
De plus, le câble affirme que “Porras s’offrit pour faciliter les efforts du gouvernement des Etats-Unis au Venezuela...au travers de l’église catholique”, mettant en évidence jusqu’à quel point allaient les stratégies et tactiques pour renverser le gouvernement vénézuélien, qui utilisaient jusqu’à l’église pour promouvoir la déstabilisation.
Ce qui est révélé par ces documents secrets du Département d’Etat sur les plans d’agression contre le Venezuela peut être corroboré par d’autres actions déjà connues de Washington contre le pays sud-américain, comme l’augmentation en financement des agences états-uniennes à des groupes d’opposition au Venezuela durant les dernières années et l’escalade dans le discours hostile du gouvernement états-unien contre le Venezuela.
Eva Golinger
Source : www.aporrea.org/tiburon/a113890.html
Traduit de l’espagnol par GJ