Révélations de documents sur le Proche-Orient : l'impossible paix

Rue 89. Le 23 Janvier 2011 par Pierre Haski

 

 

C'est une nouvelle « bombe » qui sort des documents diplomatiques ce dimanche soir, simultanément dans The Guardian britannique et la chaîne panarabe Al Jazeera : 1 600 télégrammes consacrés au conflit israélo-palestinien, couvrant les vingt dernières années, qui risquent de se révéler embarrassants pour tous les protagonistes. Des documents qui ne rendent pas optimiste, car ils montrent, comme le titre The Guardian, « la lente mort du processus de paix ».

Attribués initialement à WikiLeaks, ils sont en fait décrits comme « révélés par Al Jazeera » qui les a partagés avec le Guardian, sans doute pour les crédibilliser. Le modus operandi est toutefois celui instauré par WikiLeaks, une diffusion massive de documents confidentiels analysés par une équipe rédactionnelle professionnelle. Il reste à voir si WikiLeaks n'est pas en fait derrière, sans vouloir apparaître cette fois.

Comme le souligne Jonathan Freedland, le spécialiste de cette région au Guardian, si on peut se demander qui sortira le plus « endommagé » de ces révélations, c'est d'abord le « sentiment de fierté palestinien » qui risque d'être le premier affecté. Notamment par certaines révélations qui, dans certains cas, sont des confirmations.

On apprend en effet à la lecture de cette sélection de documents que les négociateurs de l'Autorité palestinienne ont été prêts à concéder à Israël la souveraineté sur « le plus grand Yerushalayim [Jérusalem en hébreu, ndlr] juif de toute l'histoire juive », selon l'expression de Saëb Erekat, l'interlocuteur palestinien d'Israël depuis plus de quinze ans, et dont Freedland estime qu'il risque d'y perdre pour toujours sa crédibilité.

Toutes les colonies de Jérusalem-Est sauf une

L'Autorité palestinienne a en effet proposé dès 2008, répété en janvier 2010, d'entériner toutes les colonies israéliennes à Jérusalem-Est sauf une, dans un règlement définitif du conflit. Une concession massive qui sera sans doute jugée inacceptable par une grande partie des Palestiniens pour qui Jérusalem-Est, considéré internationalement comme un territoire occupé depuis juin 1967, doit revenir à un futur, hypothétique Etat palestinien.

Les Palestiniens ont également proposé de diviser la vieille ville de Jérusalem, et de laisser à Israël le contrôle du quartier juif et d'une partie du quartier arménien.

« Que puis-je donner de plus ? », s'est exclamé en janvier 2010 le négociateur palestinien Saëb Erekat à Washington !

Parmi les autres concessions, les Palestiniens se disaient prêts à limiter à 10 000 le nombre de réfugiés palestiniens autorisés à retourner dans ce qui est devenu Israël après la partition de 1948, et de reconnaître Israël comme un Etat juif, comme le demandent ses dirigeants. Deux concessions de taille jamais acceptées par la partie palestinienne auparavant.

Parmi les autres révélations explosives, figurent des détails sur la collaboration étroite entre les services de renseignement israéliens et de l'Autorité palestinienne dans la lutte contre le terrorisme, et le fait que l'Autorité présidée par Mahmoud Abbas avait été informée par avance par le gouvernement israéllen du déclenchement de la guerre contre le Hamas à Gaza, en décembre 2008 et janvier 2009.

Ces révélations seraient acceptables pour les Palestiniens si elles avaient été suivies d'un déblocage des négociations et d'une amélioration de leur sort sur le terrain. Mais on sait que tel ne fut pas le cas et que ces négociations sont aujourd'hui au point mort. Ces révélations risquent de renforcer le discours des islamistes qui accusent l'Autorité palestinienne de « collaborer » avec Israël, sans que l'occupation ne cesse.

Il y a bien un « partenaire pour la paix »

Toutefois, comme le souligne Jonathan Freedland dans son analyse des documents dans The Guardian, ces révélations montrent que, contrairement à ce qu'a longtemps affirmé le gouvernement israélien, il avait bien en face de lui un « partenaire pour la paix » :

« Ces documents font voler en éclat une des pierres angulaires de la diplomatie publique israélienne : l'affirmation qu'il n'y a pas de partenaire palestinien. Ce thème, qui se répète depuis des années dans la bouche des porte paroles israéliens, est contredit par ces documents, qui montrent que non seulement il y a bien un partenaire palestinien, mais qu'il est plus accomodant que tous ceux qui lui succèderont. »

Il ajoute que les optimistes verront dans ces documents matière à « réveiller » les négociateurs, mais qu'au Proche-Orient, ce sont les pessimistes qui ont généralement raison. Difficile de lui donner tort.


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Dernière mise à jour de cette page le 24/01/2011

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