Blog de Superno. 15 décembre 2009
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Il y a les films qui attirent des millions de spectateurs victimes d’une attirés par une campagne marketing poursuivie par un buzz mondial. En ce moment, il y a Twilight. Plus classique, le navet américain à gros budget avec une pléiade de vedettes mondiales, des criminels impitoyables, des flics courageux, des blondes siliconées, un scénario indigent basé sur scènes de cascade et des bus qui explosent, du sur mesure pour attirer des bandes d’andouilles dans des multiplexes où le Coca et le pop corn coûtent plus cher que le film lui-même.
Et puis il y a les films militants. Michael Moore est un militant qui a réussi, qui est mondialement connu, et qui a désormais accès aux multiplexes pour diffuser ses idées et sa révolte dans le monde entier. J’ai ici même raconté ce que j’ai retenu de “Capitalism : A Love Story”
Avec un budget sans doute inférieur à celui de la première seconde de Twilight, Gilles Perret, 40 ans, a fait un film passionnant. “Walter, retour en résistance”, qu’il est venu présenter hier soir au Caméo de Metz.
[Désolé, mon flash était à bout de piles, alors à plus de 20m et 3200 ISO…]
C’est son 11ème film, et le précédent “Ma mondialisation”, qui évoque l’influence de cette mondialisation sur les usines familiales de décolletage, l’industrie reine de la région, a connu un certain succès. J’ai acheté le DVD à l’issue de la projection, j’y reviendrai donc sans doute.
Gilles Perret a simplement filmé au quotidien son voisin Walter. Walter Bassan, 82 ans. Un personnage attachant dont la jeunesse et la pertinence du jugement sont étonnants. Résistant haut-savoyard qui distribuait des tracts à Annecy, il fut dénoncé, arrêté et déporté à Dachau à l’âge de 18 ans. Il y passera 11 mois, et en reviendra miraculeusement, contrairement à son frère et à la plupart des autres.
Du reste de sa vie, on se saura pas grand’chose. Malgré la présence en masse de responsables et de militants locaux du PCF, à commencer par Jacques Maréchal, responsable de la section messine qui a présenté la soirée (et sans oublier Brigitte Blang, du PG, sans oublier de nombreux lecteurs de ce blog), le film n’est en rien un outil de propagande communiste. On apprendra juste que Walter fut syndiqué à la CGT et a simplement passé sa vie à résister.
Car le vrai sujet du film, c’est la notion de Résistance, à travers le personnage de Walter. Et un parallèle particulièrement saisissant entre celle de 1940 et celle de 2009. N’en déplaise aux petits pontes poussifs de l’UMP, qui font semblant de ne pas comprendre et s’en indignent.
Allez, un peu d’histoire, celle que Sarkozy veut désormais supprimer des classes de Terminale S, pour la remplacer sans doute par des mathématiques financières… Le Conseil National de la Résistance est né en 1943 pour fédérer tous les mouvements de résistances locaux.
Son responsable était Jean Moulin, héros dont l’histoire est si connue qu’il est inutile d’y revenir. Il était évidemment placé sous l’autorité morale du Général de Gaulle, alors en exil.
Grande difficulté, les mouvements de résistance étaient d’origine fort diverses. En étant un peu manichéen, il y avait des résistants de droite, notamment gaullistes, mais aussi des communistes. Réunis dans l’intérêt commun de vaincre l’occupant, mais que tout le reste séparait.
Fait admirable, Le Conseil National de la Résistance, malgré cette diversité, et en dépit de toutes les difficultés matérielles dues au circonstances, la difficulté de voyager et de se rencontrer, n’a mis que quelques mois pour mettre au point son programme… Quand on pense que plus de 25 ans après l’abandon des idées de 1981, le Parti Socialiste n’a toujours pas fini la première page du sien…
Ce programme peut se diviser en deux parties. La première concernait les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre l’occupant et le bouter hors de France. C’est de l’histoire, mais ce n’était pas le sujet du film.
Au contraire, la seconde partie est toujours d’une actualité stupéfiante. Car après avoir viré l’ennemi, il convenait de reconstruire la France sur des bases solides. Mais lisez plutôt :
“3) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d’occupation ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par les gouvernements de l’axe et par leurs ressortissants, dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable”
Ne pourrait-on pas remplacer les mots “traîtres” par “banquiers” ou “financiers” ?
“4) Afin d’assurer :
- l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
- la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
- la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
- la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
- l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
- le respect de la personne humaine ;
- l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ; “
Il n’y a pas besoin de faire preuve de beaucoup d’idéologie pour remarquer que 65 ans après :
- Le suffrage universel est bafoué (cf le TCE)
- La liberté de pensée, de conscience et d’expression devrait permettre de brandir une pancarte “casse-toi pov’ con“®, crier “Sarkozy je te vois”, qualifier d’”inénarrable” un procureur ou lire “l’insurrection qui vient” sans encourir les foudres de la justice, mais ce n’est manifestement pas le cas.
- L’indépendance de la presse à l’égard des puissances d’argent : permettez-moi de me gausser bruyamment ! Avec quelques heureuses exceptions qui ne font que confirmer la règle, la presse est aujourd’hui possédée par des grands groupes industriels, et sa survie est subordonnée à la présence en ses pages de publicités vantant les produits des multinationales.
- Allez parler de liberté de manifestation aux pacifistes, altermondialistes ou antinucléaires qui se font régulièrement tabasser à chaque manif. Sans négliger le torrent de propagande de la presse dominante contre les grévistes “preneurs d’otages“…
- le secret de la correspondance n’a pas résisté aux coups de boutoir des Hadopi et des Loppsi;
- Demandez ce qu’ils pensent du respect de la personne humaine aux Afghans renvoyés par Besson dans leur pays en guerre.
- L’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ne s’applique manifestement pas aux politiciens ni aux richissimes cinéastes…
Je passe sur l’économie, l’époque de la reconstruction et de la production à tout crin simplement pour nourrir tout le monde n’est évidemment plus d’actualité, c’est le moins que l’on puisse dire…
Par contre, sur le plan social, on est en plein dedans, jugez plutôt !
”- le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
- un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
- la garantie du pouvoir d’achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
- la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
- un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
- la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
- l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; “
- Le droit au travail se passe de commentaire : le code du travail est laminé en permanence (Christine Lagarde, à peine débarquée en provenance des États-Unis, voulait carrément le supprimer…), les inspecteurs du travail sont en nombre archi-insuffisant.
- Les salaires ? Il suffit de constater que de nombreux salariés sont à la rue simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer un loyer !
- Le syndicalisme est laminé, discrédité. La plupart de ses dirigeants sont jaunes et corrompus.
- La Sécu est petit à petit démantelée à coup de déremboursements, de “franchises” et surtout d’assèchement de son financement sous prétexte de “baisses de charges”. Le but ultime de la manœuvre, qui est son bradage au secteur privé, a été repoussé en raison de la crise financière, mais il reviendra sur le tapis, n’en doutez pas !
- La sécurité de l’emploi ? Quelle blague ! Tout est fait au contraire pour que le travailleur soit en insécurité permanente, condition première de sa docilité…
- L’élévation du niveau de vie des agriculteurs ? Combien sont aujourd’hui tenus par les couilles, l’une serrée par le Crédit Agricole et l’autre par les multinationales de l’agroalimentaire ou les centrales d’achat de la grande distribution, à la merci d’une “baisse des cours” qui les oblige à vendre à perte leur lait, leur cochon ou leurs fruits….
- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ? Oui, mais à 70 ans, et après avoir travaillé toute sa vie, dimanche compris… Est-ce bien là l’esprit de la Résistance ?
Bon, désolé, j’ai été un peu long, le film ne s’apesantit guère sur ce texte, simplement parce que sa lecture n’est pas assez “cinématographique”… Mais il y a les blogs pour cela… La presse aussi, en principe…
Le film oscille donc entre la terrible histoire du jeune Walter, résistant victime de la répression nazie, bien aidée par la milice et les collabos de l’époque, et le vieux Walter, qui jette un regard atterré sur la Sarkozie dont il suit les péripéties à la télé, sur son autoradio ou dans le journal local… On y voit sa rage contenue et son accablement quand il entend qu’un clandestin est mort en se défenestrait pour échapper à la milice police, ou encore qu’Hortefeux va remonter les bretelles des préfets qui n’ont pas rempli leurs objectifs d’expulsions d’étrangers…
Entre ces deux époques, il n’a pas changé, nous dit-il. Les méthodes de certains non plus. Walter et ses camarades ont été dénoncés, sans doute par un “bon patriote” alléché par les primes…. Mais aujourd’hui encore il s’en trouve toujours pour dénoncer les familles en situation irrégulière aux flics de Sarkozy (ou dans un autre genre dénoncer à leur patron leur collègue qui tient un blog…)
Walter nous raconte les tortures à Annecy, la prison Saint Paul de Lyon (récemment fermée) où il fallait fermer les yeux pour pouvoir manger la soupe sans voir la couche de moucherons qui y surnageait…
Puis la déportation dans le camp de concentration bavarois de Dachau, où étaient principalement détenus des “politiques”. Contrairement à Auschwitz, qui était un outil industriel d’extermination massive, principalement des juifs, il n’y avait pas de chambre à gaz à Dachau. [EDIT : suite à un commentaire, j’ai vérifié l’information, et il semble qu’effectivement il y aurait eu une chambre à gaz à Dachau, mais qui n’a pas été utilisée de manière massive. Le film n’en parle d’ailleurs pas. Lire ici]. Mais le destin de ceux qui y entraient par le sinistre portail dominé par la célèbre devise “Arbeit macht frei” (dont une traduction moderne pourrait être “travailler plus pour gagner plus”) était bien de ressortir par les cheminées des fours crématoires. En effet le prisonnier devait subir un traitement insupportable, toujours obligé de courir, frappé, humilié, affamé, devant supporter -20 degrés en hiver, sans espoir de retour. Sur les 25 résistants savoyards déportés en même temps que Walter, seuls 10 ont survécu à ces 11 mois d’enfer.
Et encore, la solidarité entre les détenus était-elle exemplaire. Anecdote stupéfiante : afin de réserver une plus grosse ration aux prisonniers les plus faibles, les autres, qui souffraient pourtant terriblement de la faim, sacrifiaient une cuillère de leur assiette. Sur 200 assiettes, ils arrivaient ainsi à obtenir une vingtaine d’assiettes supplémentaires. Solidarité difficile à croire aujourd’hui.
Transposée en Sarkozie, la scène aurait plus vraisemblablement ressemblé à ça : les 10 élus UMP réquisitionnent d’emblée 150 assiettes pour eux qu’ils distribueront à leurs adhérents. Ils embaucheront quelques vigiles pour que les autres ne se révoltent pas, tout en leur préparant un débat sur l’Identité Nationale pour les occuper à autre chose que l’essentiel. Un dirigeant de la grande distribution achètera les assiettes restantes et les revendra trois fois le prix. Un banquier créera une bourse de la soupe, dont le cours fluctuera en fonction de l’offre et de la demande. Un diplômé en finance créera des produits dérivés sur le cours de la soupe. Un publicitaire mettra des banderoles “par ici la bonne soupe !”. Au final, une poignée finira par souffrir du diabète, et tous les autres mourront de faim.
Bon, j’exagère sans doute. Enfin, un peu.
Le film relate aussi des rencontres avec d’autres résistants. John Berger, écrivain, 82 ans lui aussi, et qui écrit à l’occasion pour “Le Monde Diplomatique”, réfute le terme d’utopie concernant les militants qui veulent changer le monde, et estime au contraire que “s’il y a une utopie tyrannique, c’est l’utopie du néolibéralisme qui prétend qu’en cherchant des profits, en détruisant la Terre, en négligeant les gens, que, quelque part ça représente la liberté”.
Walter Bassan rencontre aussi Stéphane Hessel, 92 ans, autre grand résistant largement honoré par la République, et auteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948. D’une incroyable vivacité d’esprit, et d’un optimisme dont j’aimerais bien avoir ne serait-ce que la moitié ! Il croit encore en l’esprit de résistance de la jeunesse, qu’il résume en ces termes :
“Il suffit qu’il y ait une minorité active, solide, des jeunes qui en veulent, qui considèrent que l’engagement ça signifie quelque chose, il suffit qu’ils soient le levain qui fait monter la pâte, et à ce moment-là nous aurons une France résistante”
Walter est une célébrité locale. Il donne des conférences dans les écoles, explique aux gamins ce qu’étaient la guerre, la résistance.
Une scène amusante montre les gamins qui chantent “Bellacio” sous la direction de leur instit. C’est autre chose que la Marseillaise que Sarkozy (et Royal) voulaient nous faire ingurgiter de force !
La caméra le suit lors du voyage à Dachau de lycéens lauréats d’un concours. Il leur commente la visite du camp à l’aide d’anecdotes. Ils semblent intelligents, curieux, et en tout cas beaucoup plus évolués que l’idée que je me fais du lycéen moyen. (Idée renforcée par la rencontre cette semaine dans la salle d’attente d’un dentiste d’une lycéenne qui a passé son temps à afficher sur son téléphone portable des photos du héros de Twilight, en soupirant à sa mère “Il est trop beau”…). Dans le bus du retour, ça parle politique. Ces lycéens décidément bien dégourdis, philosophent sur les dangers de la propagande, sur la difficulté de démêler le vrai du faux, la nécessité de multiplier les sources d’information… Oui, mais attention, cela ne suffit pas… Gilles Perret leur demande pour qui ils auraient voté à la présidentielle. Et là, grosse désillusion : Sarkozy et Bayrou sont au coude à coude.
Cette scène a frappé beaucoup de monde dans l’assistance, et Gilles Perret est revenu dessus lors du débat. En précisant que l’un des lycéens avait voté Besancenot, mais qu’il n’avait pas osé le dire au vu des réponses précédentes…
Cela repose néanmoins le problème crucial de l’éducation politique, totalement inexistante. Ce qui arrange évidemment Sarkozy, qui en fait des tonnes dans le brouillage des cartes… Il mélange allègrement Jaurès, Guy Môquet, Kouchner, Besson, le pape, Bolloré… Bayrou mélange la droite, la gauche… Et plus personne n’y comprend rien sauf à réfléchir et s’informer, ce qui est fatigant…
Mais comment faire, quand on ne s’appelle pas Walter, et qu’on n’est pas prof, pour apprendre ces notions pourtant fondamentales ?
Avec l’exemple de la visite de Sarkozy sur le plateau des Glières, Gilles Perret raconte comment travaillent les journalistes des “grands” médias : ils ne filment que ce qu’on les incite à filmer, l’armée est même là pour fournir des images sur mesure s’il en manque. Le service de presse leur fournit un discours clés en main qu’il suffira de copier/coller, au mieux de paraphraser, pour que l’article sorte le lendemain. Qui sera donc forcément le même partout, et conforme aux souhaits des services de communication du monarque. A titre d’illustration, voici le compte-rendu de la visite de cette année, par Le Figaro. Du travail d’orfèvre (et de cireur de pompes).
Mais revenons à la séquence du film, tournée le 18 mars 2008 : le sujet du jour, c’était donc Sarkozy qui venait se refaire une stature nationale en rendant hommage aux résistants, quelques jours après le “casse-toi pov’ con” qui l’avait un peu écornée. Et ça l’amuse tellement qu’il souhaite désormais réitérer l’exercice tous les ans, en faire son Solutré à lui, sans doute avec Accoyer dans le rôle de Lang ou de Kiejman…
Et pendant que les journalistes “ordinaires” se précipitaient au buffet offert par le seigneur des lieux, Accoyer, Gilles Perret laisser traîner sa caméra, pour saisir cette scène hallucinante et indécente d’un Sarkozy qui fait le bouffon et le fier à bras pour amuser les vieilles dames, et va même jusqu’à interrompre un résistant qui était en train de lui parler du transfert d’ossements d’une fosse commune vers un monument plus digne… “C’est quoi la cascade, là ? C’est magnifique !”. Une vraie définition du mot “honte”.
Puis Gilles Perret interroge Bernard Accoyer. Accoyer, c’est le président de l’Assemblée Nationale, qui s’est distingué cette semaine en accusant, avec son compère Patrick Ollier, l’association Greenpeace de bafouer la démocratie lorsqu’ils ont voulu attirer l’attention sur les vrais enjeux du sommet de Copenhague en faisant de l’alpinisme dans l’Assemblée… Le plus drôle, si l’on peut dire, c’est que ces deux tristes sires sont les marionnettes de l’industrie semencière, à commencer par Monsanto, qui est à peu près aussi démocrate que Balladur est gauchiste. Voir ici ou là.
Accoyer est aussi maire d’Annecy-le-Vieux, qui touche Annecy-tout-court. J’y suis allé l’an dernier, et j’en ai gardé une impression mitigée, notamment un malaise dû à l’odeur de pognon, et à l’omniprésence des caméras de vidéo-surveillance.
Gilles Perret agace rapidement Accoyer en osant faire un parallèle entre les valeurs de la Résistance et la manière dont le gouvernement qu’Accoyer soutient les taille en pièces. On le sent bouillir intérieurement sans vouloir le laisser transparaître. Mais au fur et à mesure que les questions se font plus insistantes, l’agacement se transforme en colère, qui finit par éclater une fois que la caméra s’arrête. Enfin, s’arrête à moitié, puisque nous pouvons profiter du son. Le ton se fait interrogateur, puis menaçant : vous allez diffuser ces images ? Lesquelles ? Qui êtes-vous ? Si vous diffusez ces images, vous aurez de mes nouvelles, c’est scandaleux de faire un amalgame politique entre la résistance et la période actuelle…
Si scandaleux, vraiment ? Anecdote, l’un des groupes de FTP, résistants communistes donc, évoqué dans le film, s’appelait “Liberté Chérie”. C’est aujourd’hui le nom d’un groupuscule néolibéral français, dont le programme consiste entre autres à supprimer les fonctionnaires, les syndicats, les grèves, la sécu, les retraites, pour tout privatiser… Quelle ironie…
Accoyer est filmé sans fard. Car ces gens-là souhaitent se faire mousser en exaltant les valeurs de la résistance, le courage, le dévouement, l’héroïsme (tout ça ne mange pas de pain tant que ça reste théorique). Ils pensent même récupérer un peu de l’aura des résistants en vue des prochaines élections… Mais il ne faut surtout pas parler de politique. Gilles Perret cite le célèbre film de Claude Berri “Lucie Aubrac”, dont la trame est formée par l’extraordinaire histoire d’amour de Lucie et Raymond Aubrac, agrémentée par les scènes d’action associées aux actions résistantes… Mais de politique, point… Et cela convient très bien aux Sarkozy et aux Accoyer… A noter que Raymond Aubrac, 95 ans, a beaucoup apprécié le film de Gilles Perret…
Il ne faudrait pas croire que je m’acharne sur l’UMP en épargnant par exemple le P”S”. On sait qu’il furent les plus grands artisans de la reprivatisation sous Jospin, que le même Jospin signa avec Chirac à Barcelone ces accords félons qui ont abouti à la dérégulation du secteur de l’énergie qui est un des principaux sujets d’indignation ici-même… Un spectateur qui s’exprimait au nom de Collectif Mosellan de Lutte contre la Misère a raconté pendant le débat que cherchant à loger les demandeurs d’asile sans abri sur Metz (ils sont actuellement une quarantaine) , ils ont l’impression de parler à des murs, qu’ils s’adressent à la préfecture de droite ou à la municipalité de “gauche”…
Le film est sorti en Haute-Savoie, et connaît un succès certain, malgré une collusion entre les médias locaux et l’UMP pour le dézinguer. Vous pourrez lire les réactions sur le site du film , voici celles de la doublette UMP d’Annecy, vous savez, les complices du détricotage du programme du CNR…
Bernard ACCOYER, président de l’Assemblée Nationale :
“Les méthodes utilisées par Gilles Perret sont scandaleuses. Il fait un amalgame entre deux périodes qui n’ont rien à voir. Ce sont des procédés d’idéologues, les mêmes qu’utilisaient les staliniens. Je me sens profondément choqué et trahi.”
Pierre HÉRISSON, sénateur UMP de Haute-Savoie :
“Ce film est une une caricature de l’action du président de la République et du président de l’Assemblée Nationale. On ne peut pas utiliser le devoir de mémoire à des fins politiques.”
Ce n’est pas pourtant pas l’opinion de ce gros porc de Denis Kessler (mes excuses à la SPA) ex-adjoint de Bébéar chez Axa et de Seillière au MEDEF, le plus cynique et décomplexé de nos dirigeants patronaux. Lui ne s’embarrasse pas des pudeurs ou de l’hypocrisie d’un Sarkozy ou d’un Accoyer : il dit ce qu’il pense, tout simplement. http://www.challenges.fr/opinions/1191448800.CHAP1020712/adieu_1945_raccrochons_notre_pays_au_monde_.html
Et ce qu’il pense est parfaitement résumé par le “chapeau” de l’article : “Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie.” À ceci près que le mot “réformer” est un euphémisme : dans l’article, il dit “défaire méthodiquement”, ce qui reflète exactement sa pensée. Il faut dire qu’il dirige l’une des plus grosses sociétés de réassurance, et que la privatisation de la sécu et des retraites lui assureraient la chute de moult millions d’euros dans sa cagnotte pourtant déjà bien garnie…
Sarkozy veut effacer le souvenir de mai 1968, Kessler veut “défaire méthodiquement” 1944. C’est logique. Et 1789, qui s’y colle ?
Les résistants n’étaient pas nombreux en 1940. Ils ont pourtant réussi à gagner leur combat. Avec toute la modestie qui sied à ce genre de comparaison, il faut y voir un heureux présage. Nous sommes archiminoritaires. Pour une petite centaine de personnes dans la salle, combien étaient en train de regarder un feuilleton américain à la con sur leur télé géante ? À nous d’être assez malins et créatifs pour combler ce handicap numérique et devenir les nouveaux résistants à l’oppression sarko-libérale !
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