Les mots ont un sens. 21 janvier 2010 par Napakatbra
Les députés UMP ont tranché. Il n'y aura donc pas d'enquête parlementaire sur les sondages de l'Elysée. Tout juste quelques investigations au niveau gouvernemental... La transparence s'arrête là où les magouilles commencent ?
"Pour que le budget de l'Elysée et de la Présidence de la République obéisse à des conditions de transparence indispensables dans notre pays", Nicolas Sarkozy avait promis le 12 Juillet 2007 qu'il demanderait "au Président de la Cour des Comptes de contrôler le budget de la Présidence de la République, ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent". Ahrg... L'Elysée aurait-il perdu le contrôle de l'UMP, qui s'oppose violemment à l'examen de ses dépenses par le parlement ?
En fait, non. Sarko a bien fourni quelques facturettes à la Cour des Comptes. Assez pour que feu Philippe Séguin mette à jour une vaste folie sondagière. D'obscurs contrats passés sans appel d'offre avec des sociétés amies, des enquêtes d'opinion régulièrement publiées telles quelles par des médias amis (Figaro, TF1)... En 2008, ce sont 190 sondages qui ont ainsi été réalisés, la douloureuse s'élevant pour cette seule année à 3,3 millions d'euros (dont 1,5 million pour la société Publifact, gérée par Patrick Buisson, conseiller du Président). A prix d'ami...
Président à responsabilité limitée
Cette révélation a mis en rogne l'opposition, qui a dans la foulée demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire. Laquelle a donc finalement été refusée, hier, au gré d'un amendement excluant explicitement les dépenses de l'Elysée du champ d'investigation des députés. Mais pourquoi donc, puisque notre président manifeste un tel désir de transparence ? Parce qu'une telle procédure serait anticonstitutionnelle ; "La responsabilité politique du chef de l'Etat [...] s'exerce devant le peuple et en aucun cas devant l'Assemblée" déclarait en novembre dernier le président de l'Assemblée Nationale Bernard Accoyer, oto-rhino-laryngologiste de profession et spécialiste de la langue de bois.
Panique à l'Alcazar cozy
Le problème avec cet argument de "responsabilité limitée", c'est qu'il ne tient pas la route. Comment "le peuple" pourrait-il mettre en cause la responsabilité du chef de l'Etat s'il n'est pas informé (par sa représentation nationale en l'occurrence) ? D'ailleurs, en 2007, Sarko n'avait-il pas accepté la commission d'enquête sur la libération des infirmières bulgares ? Qu'elle nous parait bien lointaine, cette Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont l'article 14 précisait que "tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique [et] d'en suivre l'emploi" !
Un "détournement de fonds publics" ? Mazette !
Alors... pourquoi ? L'hypothèse la plus crédible est que la Présidence aurait abusé de sondages "orientés". On se rappelle, par exemple, de ce "sondage secret" publié par Le Figaro qui annonçait une victoire fracassante de Valérie Pécresse lors des primaires de l'UMP pour l'investiture des Régionales, au détriment de Roger Karoutchi. L'Elysée avait alors solennellement démenti être à l'origine de cette enquête. Sauf que la Cour des Comptes a mis à jour la facture correspondant à cette enquête de l'Ifop. Oups...
Enquêtes à charge
Alors... posons la question autrement. Que se passerait-il si l'on apprenait que l'Elysée dépense l'argent du contribuable pour répartir les postes à l'UMP, y compris celui de Prince Jean, comme on a pu l'entendre ici ou là ? Cela ferait mauvais genre. Pire. Techniquement, cela pourrait constituer un "détournement de fonds publics", disent les opposants au régime en place. Loin de moi l'idée de me laisser aller à croire à de telles sornettes, vous n'y pensez pas un instant (j'espère...) ! Mais pour définitivement enlever le doute aux quelques sceptiques réticents, il aurait fallu... une enquête. Qui ne viendra pas. Dommage, et le doute persistera...
Arrêter les frais ?
Devant ce pataquès, l'Elysée a promis de réduire ses folles dépenses. La belle affaire... puisqu'en parallèle, la Présidence de la République a déjà annoncé son intention de recourir davantage aux études du Service d'Information du Gouvernement (SIG), dont le budget a quadruplé en 2009 (l'enveloppe sondage a doublé), selon le Canard Enchainé. D'autant que les budgets sondages des différents ministères vont aussi augmenter en 2010. +39% pour l'Agriculture, 60% pour l'Education, +1,26 million d'euros pour le Travail et les Affaires Extérieures. Les autres ministères ne dévoilent pas leurs secrets de cuisine. Comme quoi le gouvernement sert encore à quelque chose...
Président irresponsable !
Les socialos fulminent : "Le président de la République est déjà politiquement et pénalement irresponsable. Avec votre amendement, il devient également budgétairement irresponsable", a fustigé Jérôme Cahuzac (PS). Et le patron des députés PS, Jean-Marc Ayrault, de fustiger les responsables de la majorité qui "ont tellement peur que l'on dévoile le système de Nicolas Sarkozy de manipulation de l'opinion qu'ils sont prêts à violer le règlement de l'Assemblée qu'ils ont voté. Ce règlement donne aux groupes minoritaires le droit de demander une fois par session une commission d'enquête".
L'Elysée appréciera. Quant aux électeurs... vite, un sondage !
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