Les vaccins prévenant le cancer du col de l'utérus mis en cause

Les inquiétudes grandissent sur les effets à long terme des vaccins antipapillomavirus destinés aux adolescentes.

Une adolescente se fait vacciner contre le papillomavirus humain à Dallas en 2007 (Jessica Rinaldi/Reuters).

Cette semaine, on a beaucoup entendu parler de vaccins, dont les Français auraient peur. Mais peu de Gardasil, ce vaccin censé protéger contre le cancer du col de l'utérus sur lequel les inquiétudes grandissent à l'étranger. Pour Roselyne Bachelot qui a autorisé son remboursement par la Sécurité sociale (à hauteur de 65%) en 2007, le Gardasil est « une grande avancée pour la santé des femmes ».

En 2008, Gardasil, produit en Europe par Sanofi Pasteur MSD, et son concurrent Cervarix (produit par GlaxoSmithKline, qui détient une part mineure du marché), ont coûté 146 millions d'euros à l'assurance maladie pour 1,65 million de vaccins. Selon plusieurs organismes de recherche étrangers, ses bénéfices à long terme ne sont pas encore démontrés. Une association de consommateurs américains dénonce même des effets secondaires importants. Une internaute de Rue89 nous a alertés à ce sujet.

Sanofi Pasteur MSD a créé un site « éducatif » judicieusement appelé « passez l'info » avec sons et vidéos. De jolies femmes et jeunes filles donnent envie de se faire vacciner dans la seconde. Irrésistible le spot passé à la télé française lors de la mise sur le marché en 2007, qui explique aux mamans que si elles « se préoccupent de l'avenir de leur fille », elles peuvent les protéger dès l'âge de 14 ans contre certains virus transmis par contact sexuel grâce à Gardasil. (Voir la vidéo)


Interrogé sur les doutes entourant le Gardasil, Sanofi Pasteur MSD se contente de répondre :

« On ne fait pas de marketing mais de la publicité pour un vaccin recommandé par les pouvoirs publics, distribué dans 104 pays et dont aucun effet indésirable sévère n'a été démontré. »

Une publicité mensongère ?

Les prospectus distribués en pharmacie et reproduits sur le site promotionnel du Gardasil insistent sur la progression du cancer du col de l'utérus : en 2005 plus de 3000 nouveaux cas par an ont été détectés et c'est le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes de moins de 44 ans.

La communication est organisée de telle sorte que le grand public a tendance à retenir que Gardasil protège contre le cancer de l'utérus. En fait, il protège contre quatre types de papillomavirus humains impliqués dans 70% de ces cancers. Si, comme le précise le site promotionnel du vaccin, près de 70 % des femmes sont contaminées par les papillomavirus humains au cours de leur vie, très peu d'entre elles développent ce cancer et le vaccin ne protège pas contre les lésions
existantes.

Le frottis n'est-il pas plus efficace pour lutter contre le cancer du col ?

Martin Winckler, médecin et écrivain, remarque qu'en Scandinavie où le frottis est obligatoire, le cancer du col de l'utérus a pratiquement disparu. L'auteur de La Maladie de Sachs remet en cause le « service médical important » que Gardasil est censé rendre selon la fiche « bon usage du médicament » publiée par la Haute Autorité de Santé :

« Nous présenter Gardasil comme une question de santé publique est crapuleux. Ce serait vrai si c'était un cancer très fréquent et s'il n'y avait pas d'autre manière de le prévenir. Or il n'y a que 1500 décès par an liés à ce cancer. »

Certes, tous les documents diffusés au public suivent la recommandation de l'Afssaps, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, selon laquelle il faut continuer à dépister ce cancer par frottis. Mais l'information passe visiblement mal. Ce que déplore Martin Winckler :

« Tout l'argent consacré à ce vaccin n'est pas mis dans la
sensibilisation au frottis. Seulement 50% des femmes sont dépistées régulièrement, essentiellement parce que trop peu de médecins généralistes pratiquent le frottis. »

Que sait-on des effets secondaires ?

En février dernier, deux jeunes filles espagnoles ont perdu connaissance peu de temps après avoir reçu une injection de Gardasil. L'Afssaps a conclu qu'une relation de cause à effet avec la vaccination était « très improbable » et recommandé la poursuite de la vaccination. En Espagne, une pétition demandant un moratoire sur l'utilisation du Gardasil « au nom de la défense du bien public » a recueilli 8745 signatures.

Un groupe de médecins américains a lui aussi demandé une enquête du département de la Santé. Car l'affaire prend de l'ampleur aux Etats-Unis, où une famille suggère que 29 décès inexpliqués seraient imputables à Gardasil et où les parents de prétendues victimes s'organisent. Le petit film diffusé par l'institut des sciences médicales de Baltimore relaie ces craintes. (Voir la vidéo)


Toutefois, il reste très difficile d'établir un lien entre des morts inexpliquées et le vaccin. Pour la sérieuse et indépendante revue Prescrire, qui se base sur les conclusions de la Haute autorité de santé, même si « on ne connaît encore ni les effets en termes de prévention
du cancer du col de l'utérus, ni la durée de protection conférée
au-delà de cinq ans » de Gardasil, le pari de la vaccination reste « raisonnable ».

Le lobby des labos à l'œuvre ?

Selon le New York Times, le laboratoire Merck, qui commercialise le Gardasil aux Etats-Unis, mène un lobbying efficace : il n'aurait pas hésité à embaucher des centaines de médecins (à 4500 dollars la journée ! ) pour donner des conférences sur les bienfaits de ce vaccin.

Le docteur Bernard Guérin du Masgenêt, gynécologue à la maternité du centre hospitalier Gustave-Dron, à Tourcoing (Nord), estime dans une interview à la Mutualité Française que les patientes ont intérêt à « s'informer, écouter, douter et se méfier ». Et craint « un progrès très marginal pour un coût très élevé entre le groupe des femmes bien dépistées
et le groupe des femmes bien dépistées et vaccinées ».

Photo : une adolescente se fait vacciner contre le papillomavirus humain à Dallas en 2007 (Jessica Rinaldi/Reuters).

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Dernière mise à jour de cette rubrique le 27/04/2009