Un message des faucons de Washington

L'Info Décodée. 2 juillet 2009 par Stella Calloni  

  
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Le coup d’Etat militaire du 28 juin au Honduras (qui en réalité avait commencé à la mi-juin, lorsqu’avait été attaquée la voiture transportant le président Manuel Zelaya Rosales) est un ballon d’essai pour les nouveaux schémas putschistes préparés par les Etats-Unis pour cette région.

Du fait que sa méthode de contre-révolution ‘civique’ ne réussit pas à déstabiliser des gouvernements, comme on l’a vu en divers pays d’Amérique latine.

Le président a été séquestré à son domicile par des militaires au matin du 28 juin et transporté au Costa Rica dans le meilleur style des coups du terrorisme d’Etat du passé.

Cette très grave situation qui s’est poursuivie par des mesures répressives, des assassinats, séquestrations de fonctionnaires et de journalistes, et même de la ministre des Affaires étrangères Patricia Rodas ainsi que des ambassadeurs de pays étrangers, met au défi l’administration US de Barack Obama.

Tous les témoignages indiquent une implication des services de renseignement et militaires des Etats-Unis. Une réalité est incontournable : ce pays maintient une base militaire à Palmerola, dans la région de Comayagua et est occupé à en construire une autre, soi-disant pour la lutte anti-drogues, sur la côte atlantique.

Avec de telles installations, avec la surveillance du groupe militaire de l’ambassade et des institutions comme la CIA et le FBI, plus des fondations indépendantes, qualifiées de ‘démocratiques’, il était impossible aux Etats-Unis d’ignorer le coup d’Etat.

A Palmerola, entre San Pedro Sula et Tegucigalpa, se trouve la base aérienne stratégique José Enrique Soto Cano, où opère la Force de frappe conjointe Bravo des Etats-Unis. Une base imposée par les schémas de la Guerre froide, dans les années 80, lorsque Washington menait une guerre clandestine contre le Niacaragua sandiniste. A l’époque, l’ambassadeur envoyé par les Etats-Unis, John Negroponte ( 1981-1985) était surnommé ‘Vice-roi du Honduras’ car il contrôlait la situation intérieure du pays et de toute l’Amérique centrale.
Le Honduras est un pays extrêmement surveillé et, au siège diplomatique des Etats-Unis, on ne pouvait ignorer ce qui se préparait contre le président Zelaya.

Les premiers heurts entre le président et Washington se produisirent le 27 janvier 2006, huit jours à peine après son installation, lorsque l’ambassadeur US Charles Ford lui demanda l’asile politique pour le terroriste cubano-américain et agent de la CIA Luis Posadas Carriles. Le président le raconta à des journalistes de son pays le 29 janvier. Il annonça qu’il rejetait cette demande parce que Posada Carriles « était une personne fortement soupçonnée d’actes terroristes au niveau international ». Ce dernier avait été détenu en mars 2005 aux USA, accusé d’être entré ‘illégalement’ dans le pays, mais il s’agissait d’une opération de la CIA visant à protéger un de ses agents. Il avait été arrêté avec plusieurs compatriotes pour détention d’explosifs lors du sommet ibéroaméricain. L’objectif était d’assassiner Fidel Castro et Hugo Chavez.

Posadas Carriles est aussi accusé par le Venezuela d’avoir été le commanditaire d’un attentat contre un avion de la compagnie Cubana aviación qui s’écrasa dans les Barbades en 1976, faisant 73 victimes. Evoquant ces faits, Zelaya constatait que les Etats-Unis défendaient ce type de terrorisme, il rappelait les nombreuses ingérences des Etats-Unis en Amérique latine, et comment son pays fut victime de la Guerre Froide des années 80 quand le Nicaragua était attaqué à partir de son territoire.

Mais l’opposition hondurienne s’est mise en branle lorsque Zelaya décida d’adhérer à l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (Venezuela, Bolivie, Nicaragua, Cuba, etc…) . Visitant le Honduras en juin 2008, Negroponte, alors sous-secrétaire d’Etat, fut accueilli par des protestations populaires. On l’accusa d’être responsable de la disparition forcée de plus de 200 Honduriens et étrangers, poursuivis, emprisonnés et éliminés dans les années 80. C’est lui qui avait organisé avec la CIA le transfert de militaires de la dictature argentine pour appuyer la sale guerre des mercenaires de la ‘contra’ nicaraguayenne. Tout cela a été dénoncé internationalement sur base de témoignages et de documents déclassifiés.

Son souci était que le président Zelaya pensait ouvrir un grand aéroport commercial à Palmerola à cause des risques de sécurité qu'il y avait à l’aéroport international de Tocontín et Tegucigalpa. Les Etats-Unis pensaient que la construction d’un tel aéroport entraînerait leur retrait de la base militaire. Negroponte rencontra Zelaya mais aussi la présidente de la Cour Suprême de Justice, Vilma Morales, et le président du parlement Roberto Micheletti. Tous deux participants actifs du coup d’Etat. Negroponte rencontra aussi divers opposants dont les ex-présidents Carlos Flores et Ricardo Maduro. Après cette visite, l’opposition déchaîna sa campagne contre le président et l’ambassade des Etats-Unis y joua un rôle prépondérant.

La main qui les nourrit

Une étude de l’Observatorio Social Centroamericano indique parmi les promoteurs du coup d’Etat les multinationales pharmaceutiques qui possèdent plusieurs laboratoires en Amérique latine. Elles ont appuyé le renversement de Zelaya parce que celui-ci a lancé, au début de l’année, l’achat de médicaments génériques à des prix permettant de satisfaire la demande du peuple hondurien, dont la santé était négligée depuis un demi-siècle.

Y ont activement collaboré les Fondations de la CIA, comme la National Endowment Foundation (NED) (soi-disant Fondation pour la Démocratie) et USAID (Agence Internationale pour le développement) et particulièrement leur nouveau rejeton « UnoAmérica » (Unión de Organizaciones Democráticas de América Latina) plus dangereux de jour en jour.

Financée par la NED et entraînée par les militaires et paramilitaires des précédentes dictatures, les mercenaires et les fascistes, UnoAmérica s’est fait remarquer par sa tentative d’assassiner le président bolivien Evo Morales.

La presse hondurienne a précisément défendu le coup d’Etat en mentionnant le soutien de ces groupes criminels et des déclarations faites en Colombie contre le président. De nombreux militaires honduriens ayant participé à la sale guerre sont actifs dans le coup d’Etat ; ils font partie de cette organisation née lors de la sinistre Opération Condor, coordination criminelle des dictatures d’Amérique du Sud et du centre. Le journaliste Jean Guy Allard la nomme à raison  “Alianza Fascista Panamericana”.

Mais le facteur extérieur fondamental pour justifier le coup, c’est la volonté des Etats-Unis de préserver leurs bases militaires au Honduras. Ils désirent contrôler ce pays car la géographie de l’Amérique centrale ne les favorise pas.

Fin 2007, le groupe d’Etudes de l’Amérique Latine et des Caraïbes (GEAL) a signalé que Washington considère que l’Amérique centrale constitue sa « frontière sud », et cherche à la conserver grâce à une forte présence militaire. Ceci s’est concrétisé avec le nouveau plan de sécurité régionale pour le Mexique et l’Amérique centrale où Washington a prévu d’injecter 1,4 milliard de dollars.

Sandino Asturias, director de l’ONG “Centro de Estudios Guatemaltecos”, affirme que « le plan Maya-Jaguar y Palmerola, avec l’appui des garde-côtes d’El Salvador, les hélicoptères US du Guatemala et du Honduras, ainsi que le rôle important de l’agence anti-drogues DEA et le centre de radars de l’aéroport militaire salvadorien, expliquent la stratégie US. Ce Plan, lancé en 1998 et renouvelé chaque année, établit la présence de soldats US au Guatemala pour réprimer le narco-trafic. »

Ces activités des troupes US (qui forment et encadrent les policiers et les militaires) sont appuyées par des unités d’infanterie et navales de la Force Aérienne de Palmerola. Asturias rappelle y avoir vu la piste d’atterrissage la plus longue d’Amérique centrale : 2.600 mètres, longueur nécessaire aux plus gros avions US. « Il existe un triangle Salvador – Guatemala – Honduras qui renforce la présence militaire des Etats-Unis. »

Responsable de la commission des Droits de l’Homme du Honduras, Ramón Custodio dénonce « l’occupation militaire que constitue Palmerola » dans son pays. A cette présence envahissante s’est ajoutée une nouvelle création. Le 6 février 2009, l’ambassadeur US Hugo Llorrens a posé la première pierre d’une base prétendument antidrogues qui devrait être achevée en mars 2010. Le Département de Gracias a Dios, où est située cette base, forme la frontière avec le Nicaragua et est stratégique dans les plans de Washington. On dit que c’est par ce corridor que passe la drogue provenant de Colombie et destinée aux Etats-Unis, se prolongeant par le département des îles de la Bahía (Utila, Roatán, y Guanaja).

L’amiral James Stavridis, chef du Comando Sur de l’Armée US, a déjà annoncé l’installation de technologies de pointe, l’envoi d’avions et de bateaux rapides. Des troupes y seront stationnées.

Pour les ‘faucons’ de Washington, toute possibilité qu’un président comme Zelaya reste en fonction ou soit suivi par un autre défenseur de la souveraineté nationale et d’une indépendance réelle envers Washington ne convient pas dans une région comportant plusieurs gouvernements non soumis.

Traduit par Michel Collon et révisé par Magali Urbain pour Investig'Action.

Source: Envoyé par l'auteur

Image: Allan McDonald

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Dernière mise à jour de cette rubrique le 14/07/2009