[J’avais eu à diverses reprises l’occasion de vous dire deux mots de l’Imprimerie 34 et de l’ AAEL (Association pour l’art et l’expression libre), joyeux et créatif nid d’anars toulousains, éditeurs de quelques bouquins décapants (comme une Anthologie de la connerie militariste déclinée en plusieurs volumes, quatre ou cinq à ce jour, car la matière ne manque pas …), et de son créateur et animateur Bernard Réglat [1], dont j’apprends ce dimanche qu’il a quitté ce monde de cinglés. Lymphome.
Ses amis et compagnons m’envoient cet hommage, auquel je m’associe, et vous associe, bien volontiers …]
Insoumis jusqu’au bout
Bernard Réglat a quitté à 70 ans une vie pleine d’idées et d’actions avant d’avoir réalisé les mille projets qui fourmillaient dans sa tête.
Réfractaire à la guerre d’Algérie à moins de 20 ans, sa vie n’a été depuis lors qu’un combat, où la solidarité, le refus de la résignation et de la soumission à un ordre social, économique et politique, dominé par les nantis de tout poil, étaient primordiaux.
Ce qui était important pour lui, c’était la résistance et la désobéissance permanentes. Il était persuadé que la parole ne suffit pas et qu’il faut la mettre en actes, en dehors de l’embrigadement des partis politiques, des syndicats et autres chapelles. L’autonomie était son rêve comme ceux des personnes avec lesquelles il a mené ses combats, partagé sa vie et s’est donné les moyens de vivre cette utopie. Pour lui rien n’était impossible et beaucoup de ses rêves sont devenus des réalités.
C’est dans cet esprit qu’il a rencontré en 68 la plupart des compagnons avec lesquels il a créé l’Association pour l’art et l’expression libre (AAEL) en 1972, l’imprimerie 34 en 1973 (qui édite Flashebdo Toulouse). Pour lui et ses copains, fondateurs de la SCOP, l’imprimerie n’était pas qu’un moyen de survie, mais surtout un moyen d’expression « autonome », dont ils se sont servis allègrement pendant toutes ces années.
Et même s’ils n’ont pas hésité eux-même à le mettre en danger en s’impliquant dans des actions illégales, personne n’a pu et ne pourra les en priver. Quand ils ont participé à ces actions, filé des coups de main à des personnes recherchées par la police ou sans papier, quand ils buvaient un coup entre potes, ce n’étaient pas pour faire les vedettes ou les importants mais tout simplement pour vivre libres en se foutant pas mal des conventions en tout genre.
Ni chef, ni patron, ni terroriste, ni esclave, ni courtisan, Bernard Réglat était un gars généreux sans compromission, bref un humain qui n’a jamais cessé de lutter contre l’autorité, la connerie et la lâcheté. Il disait souvent « quand c’est insupportable, on ne supporte pas » , ses compagnons de route continuent, malheureusement sans lui, cette bagarre joyeuse et furieuse.
Ni Dieu, ni maître !
(Ses amis de la SCOP I 34)