Photo : Evo Morales, pendant la marche d’ouverture du Forum. © Jean de Peña / Collectif à-vif(s)
« Nous sommes la solution », peut-on lire sur les pancartes fièrement portées par un groupe de femmes africaines, défendant l’agriculture familiale et la souveraineté alimentaire. Un groupe de jeunes écoliers défilent, portant des T-shirts invitant à « soutenir un but » : « l’éducation pour tous ». À Dakar, dimanche 6 février, le 11e Forum social mondial s’est ouvert par une marche réunissant plusieurs dizaines de milliers de manifestants, venus du monde entier. Militants d’ONG d’Europe ou d’Amérique, enfants des rues et syndicalistes du Maghreb, paysans en lutte contre les OGM et les agro-carburants, associations de femmes africaines ou initiateurs de radios communautaires, collectifs d’Amérique latine ou d’Afrique luttant contre les industries minières qui pillent leur territoire... Tous se mélangent dans cette manifestation colorée, d’où fusent des slogans hétéroclites. Une diversité à l’image de ce forum social.
« Soutien au peuple en lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et l’oppression », proclament des banderoles. « L’Afrique n’est pas pauvre mais appauvrie par l’Europe », « La Terre est au paysan ce que l’eau est au poisson. La lui enlever est un assassinat ». Des slogans qui font écho au discours prononcé à l’issue de la marche par Evo Morales, le président bolivien. « Le capitalisme est à l’agonie », affirme-t-il. Il demande la réappropriation des ressources naturelles, qui ne peuvent être laissées aux mains des multinationales. Et évoque les réalisations de son gouvernement, pour l’accès à l’eau ou aux services publics de base. Des revendications portées par les mouvements sociaux présents à Dakar. Une manière de montrer qu’au-delà des revendications débattues lors des forums mondiaux, la mise en œuvre des propositions, à l’échelle d’un pays comme la Bolivie, est tout à fait possible.
- Pour voir la vidéo : IMG/flv/Basta_FSM_Dakar_Ouverture.flv
Après la marche d’ouverture, ateliers et conférences se succèdent pendant cinq jours, à l’université Cheikh-Anta-Diop. Dans des conditions parfois chaotiques. Lors de la première journée, le programme imprimé – outil essentiel du participant pour se repérer dans les centaines d’activités organisées – arrive à l’université en début d’après-midi, alors que depuis le matin bon nombre d’ateliers ont été déplacés, faute d’un nombre suffisant de salles disponibles. Deux jours auparavant, à part la présence de quelques banderoles, difficile d’imaginer que 50.000 personnes étaient attendues. Panneaux indicateurs, stands et chapiteaux semblent avoir poussé en une nuit. Les coupures d’électricité, plusieurs heures par jour dans la ville de Dakar, perturbent également l’organisation du forum. Et suscitent débats et discussions sur l’accès à l’énergie, et le nécessaire développement des énergies renouvelables, notamment solaire, dans le pays. Une préoccupation qui ne semble pas être la priorité du président Abdoulaye Wade, malgré la forte exaspération de la population et des « émeutes de l’électricité » régulières.
Deuxième forum mondial organisé sur le continent africain, après celui de Nairobi (Kenya) en 2007, ce forum de Dakar est fortement marqué par les problématiques africaines. Lors du précédent forum à Belém au Brésil en 2009, les mouvements indigènes ont amené le débat sur la crise de notre civilisation et la gestion des ressources naturelles, à travers la situation de l’Amazonie. À Dakar, les réflexions portent notamment sur l’accaparement des terres et la destruction de la petite paysannerie sur le continent africain. Ce forum est aussi une étape dans la construction d’un mouvement planétaire pour la liberté de circulation des migrants. Sur l‘île de Gorée, d’où sont partis des centaines de milliers d’esclaves vers les colonies antillaises et d’Amérique du Sud, une « Charte mondiale des migrants pour un monde sans murs » a été débattue.
Ce forum s’inscrit dans une dynamique de long terme. Plus de quarante événements ont été organisés depuis un an, comme le Forum social des États-Unis, le Forum des Amériques, le Forum mondial de l’éducation en Palestine. De nombreux forums, au Maghreb et au Machrek, ont aussi « nourri les révolutions tunisiennes et égyptiennes ». À Dakar, le souffle des soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte est présent dans tous les esprits.
Texte : Agnès Rousseaux
Vidéo : Sophie Chapelle et Maxime Combes
Photos : Eros Sana