Le gouvernement a beau multiplier les imprécations contre les jusqu'au boutistes du pétrole engagé dans des grèves reconductibles: une large majorité des Français,-63 % selon le dernier sondage de l'IFOP-, soutiennent toujours le mouvement social. Et 46% d'entre-eux, selon BVA, le blocage des raffineries.
Propulsé nouvelle icône médiatique, bonnet rouge vissé sur le crâne et corpulence de docker, Charles Foulard le teigneux délégué central Total, convainc encore lorsqu'il martèle que « l'objectif de ses camarades n'a jamais été de bloquer le pays mais de contraindre le gouvernement à revoir sa copie sur les retraites. »
De fait cette semaine au Havre, pétroliers, cheminots et fonctionnaires militants à la FSU qui avaient dressé de multiples barrages, ont été plus applaudis que klaxonnés. Et bien que les sites de Donges (Loire Atlantique) et de Feyzin près de Lyon, aient d'ores et déjà reconduits leur mouvement de grève jusqu'au 29 octobre, de tout l'hexagone, des chèques de soutien affluent vers les raffineries.
Dès lors dans ce combat frontal dans les coulisses de l'or noir, n'en déplaise à Jean-Louis Borloo, c'est plutôt l'exécutif qui, de réunion de crise en réunion de crise, semble accumuler mensonges et non dit. Primo, après avoir annoncé en fanfare un retour à la normale des approvisionnements des stations service dès ce weekend-end, le ministre de l'environnement et des transports a dû concéder qu'un quart d'entre elles n'étaient toujours pas approvisionnées. Ce que les Français, avaient déjà constaté par eux même en patientant dans de longues files d'attente...
Secundo, ce premier ministrable dont on vante la fibre sociale s'est bien gardé de reprocher publiquement quoi que ce soit au groupe Total. Or si aujourd'hui 6 des 12 raffineries installées sur le territoire sont à l'arrêt c'est d'abord parce que la première entreprise du CAC 40, arguant de contraintes de sécurité, a préféré fermer temporairement ces sites classés Seveso plutôt que de réduire leur débit. Accessoirement cette chute de production va ramener ses stocks de carburants très importants à des niveaux moyens en lui permettant de réaliser une belle plus value. Une aubaine pour un pétrolier plombé par ses surcapacités en Europe et dont la marge de raffinage a plongé au troisième trimestre de 47%...
Dans ce contexte économique, il est donc d'autant plus choquant que les préfets procèdent comme en Seine et Marne pour le site de Grand Puits, à des réquisitions de l'ensemble des personnels des dépôts au mépris du droit syndical de grève, comme l'a jugé le Tribunal de Melun. Quand dans les raffineries, les personnels qui n'auraient pas souhaité faire grève, se retrouvent, eux, au chômage technique.
En réponse à ces grandes manœuvres, la solidarité à la base s'est déjà organisée. Jusqu'à ce week-end, les grévistes les plus pénalisés recevaient une part du salaire de leurs collègues réquisitionnés, ainsi que des chèques de soutien collectés auprès de la population.
Dans le Nord comme en Normandie ou dans le Midi, ce soutien est d'autant plus vif que le combat des salariés du raffinage menacés par des délocalisations de production au Moyen Orient et de fermetures - celles de la raffinerie des Flandres à Dunkerque et celle de Reichstett près de Strasbourg viennent d'être confirmées - n'est pas perçu comme une bataille corporatiste ni même une grève par délégation. Mais comme une mobilisation décisive pour obtenir dans un univers qui croule sous les bénéfices - 7 milliards d'euros en 2009 pour Total - une nouvelle répartition des richesses entre amont, aval et sous-traitants, entre salariés et actionnaires. Tout en arrachant un maintien des emplois dans l'hexagone. « « Nous sommes bien placés pour savoir qu'avec les gains de productivité que nous avons réalisés, l'argent est là à profusion et que d'autres solutions sont possibles pour défendre nos systèmes sociaux à commencer par la sécurité sociale. » martèle Daniel Bachelet représentant CGT du site de Total de Gonfreville qui s'interroge sur l'affiliation de son groupe à la mutuelle Malakoff Médéric, dirigée par Guillaume Sarkozy, frère du président de la République.