Bakchich. 20 décembre 2009 par Nicolas Beau
Le contrôle judiciaire des 10 mis en examen dans l’enquête sur des sabotages de lignes TGV fin 2008 se réduit désormais à l’interdiction de communiquer entre eux. "Un désaveu pour le parquet", selon leur défense.
La cour d’appel de Paris a allégé le contrôle judiciaire imposé aux inculpés de Tarnac en ne maintenant que l’interdiction de communiquer entre elles.
"L’étau judiciaire dont ils dénonçaient le caractère inique est allégé mais notre réaction est mitigée car est maintenue l’interdiction de communiquer entre eux", a réagi l’un des avocats des mis en examen, Me William Bourdon, vendredi 18 décembre. Selon lui, "c’est un désaveu pour le parquet général qui avait requis le maintien des mesures de contrôle judiciaire".
Le 3 décembre, dans une tribune parue dans Le Monde, les dix mis en examen affirmaient qu’ils ne respectaient plus le contrôle judiciaire. En plus de les empêcher de se rencontrer, ce contrôle leur interdisait de résider à Tarnac et les obligeait à se présenter régulièrement dans un commissariat.
Le 25 novembre dernier, les avocats de la défense avaient vigoureusement présenté l’affaire comme « un scandale d’Etat ». Disons que ce dossier relativement simple de sabotage d’une caténaire sur une ligne de TGV par une nuit froide du 7 au 8 novembre 2008 a fait virevolter les plumes.
Dans les jours qui ont suivi l’interpellation de Coupat et de ses amis, l’épicerie de Tarnac en Corrèze où le groupe avait créé une communauté de vie, était érigée en bastion de la criminalité terroriste ! « L’ultra gauche déraille », titrait Libération, laissant entendre que Coupat et ses amis avaient cherché à faire dérailler le train. Et voici maintenant les policiers anti-terroristes qui, depuis des mois, avaient mis ces écolos turbulents sur écoutes, transformés en dangereux ennemis des libertés élémentaires !
"Une affaire qui n’existe pas", tranche même l’avocat Thierry Lévy. A l’origine de cette défense un brin amnésique, se trouve Julien Coupat, qui, depuis sa sortie de la Santé, passe ses journées à décortiquer le dossier, à y traquer la moindre incohérence et à en diffuser les meilleurs morceaux aux journalistes. Sans, pour autant, ouvrir à quiconque la totalité de la procédure, où Coupat a servi plusieurs versions sur son emploi de temps de la nuit. Dont celle d’un câlin avec son amoureuse le long des voies ferrées à quatre heures du matin, à l’endroit justement où la caténaire du TGV a été sabotée.
Le groupe de Tarnac, baptisé un peu vite d’ultra-gauche, était surveillé, depuis la dernière élection présidentielle, par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Le 6 novembre en fin d’après midi, les flics de la DCRI prennent en filature Julien Coupat et sa compagne depuis la Corrèze jusqu’à un pizzeria en Seine-et-Marne où ils dinent. En partant, ils jettent dans une poubelle, après d’infinies précautions, un horaire de train et le papier d’emballage d’une lampe torche. Au petit matin, les deux jeunes, suivis de loin se rendent le long d’une voie ferrée, s’y attardent vingt minutes.
Dès le couple parti, les flics descendent sur les voies qu’ils balaient de leurs lampes torches. Pas un instant, ils ne pensent à lever les yeux vers les caténaires. Nos redoutables limiers ne comprendront leur erreur que le lendemain, lorsque le TGV est ralenti par le sabotage de la veille.
Le 11 novembre, Coupat et ses amis sont arrètés par des forces armées jusqu’aux dents. Le Parquet de Paris présente Julien comme « le cerveau d’une cellule invisible » ; la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot Marie, plus proche à l’époque de la porte que de l’augmentation, veut jouer à la bonne élève sécuritaire et en rajoute lors d’une conférence de presse. Présent ce jour là, le patron de la SNCF, Guillaume Pépy, qui veille à ses précieux TGV comme à la prunelle de ses yeux, n’est pas le dernier à attiser les braises.
Cet emballement surprend totalement les forces de l’anti-terrorisme, soucieuses de poursuivre tranquillement leur filature après l’incident des caténaires. « Nous avions au frigo des bananes qui étaient un peu vertes, explique un des patrons de la PJ, on nous a demandé de les sortir prématurément en nous expliquant qu’elles étaient mûres. Le résultat, on le voit, un Julien Coupat transformé en chevalier blanc ».
Tout est bon aujourd’hui chez les avocats pour démontrer « le complot policier » : une erreur de transcription sur le PV de constatation, le faux témoignage d’un agriculteur de Tarnac qui croit ainsi s’acheter auprès des gendarmes locaux une vertu entachée par l’incendie volontaire de sa grange. Une histoire de cornecul que l’on veut faire passer pour une affaire d’Etat !
Julien Coupat et son groupe ont raté l’occasion de médiatiser leur légitime combat en faveur de l’aménagement du territoire, qui leur tient à cœur. Ces esprits brillants ont depuis toujours dénoncé les effets pervers d’un TGV desservant les seules grosses agglomérations . Le sabotage d’un TGV s’apparentait à l’arrachage d’OGM par Jose Bové.
José aujourd’hui est député européen et Julien un dangereux terroriste, Cherchez l’erreur !
Le courant ne passe visiblement pas entre le juge Fragnoli et Julien Coupat. Orphelin et ancien instituteur, le magistrat ne supporte pas le prévenu, fils de bourgeois et ancien d’HEC. En privé, le petit juge dénonce "la morgue" de Coupat.
Les preuves ont beau se multiplier sur le caractère bénin des faits de vandalisme reprochés à la bande de Tarnac, le juge s’accroche à la qualification de "terroriste".
Pas question donc pour le magistrat de se dessaisir du dossier et de renvoyer l’affaire devant un banal tribunal correctionnel. Quoi qu’il arrive, l’instruction du dossier restera dans les mains de la justice antiterroriste. Dans sa croisade, le magistrat est servi par la définition particulièrement extensive du terrorisme en France. Il suffit qu’il y ait "’intimidation", sans même menaces sur la vie humaine, pour que la qualification puisse être retenue. La France a-t-elle vraiment été "intimidée" par quelques retards de TGV ?
1. A. BLANQUI Le 20/12/2009 à 17:20