Le Lot en Action mag n°24. Mis en ligne le 22 novembre 2010. Par Bluboux
A la suite du communiqué de presse du GADEL (Groupement Associatif de Défense de l'Environnement du Lot), que vous trouverez ci-dessous, nous avons contacté Jean Launay, député de la circonscription Nord Lot, pour connaître sa position sur l’arasement de la chaussée du barrage du Martinet. Le député déclare ne pas comprendre la position du GADEL et surtout « le procès personnel » qui lui est fait par l’association, « avec qui nous travaillons en bonne intelligence d’autre part ». Le député tient à préciser que, s’il a bien demandé une réunion avec l’ancien exploitant du barrage et Super Préfet, c’était pour attirer l’attention de ce dernier sur le fait que ce barrage est historique, puisque c’est grâce à cet ouvrage que St-Céré a pu bénéficier de l’électricité en 1921, et qu’au moment où l’on tente de promouvoir les énergies renouvelables, en circuit court, il serait dommage de sacrifier ce barrage. Cette position semble pertinente, même si nous devons constater que les arguments apportés par le GADEL, notamment en ce qui concerne les investissements nécessaires à la remise en état de l’ouvrage (réhabilitation, mise aux normes, installation d’une échelle à poissons) rendent la reprise de l’activité par un opérateur privé peu probable. On peut également se demander pourquoi la commune de St Céré ne s’est pas penchée sérieusement sur le problème, en étudiant la possibilité d’une reprise de la centrale, y compris en « forçant » EDF à financer une partie de l’investissement nécessaire à la réhabilitation, puisque l’opérateur s’est rendu coupable de ne pas avoir entretenu l’ouvrage et d’avoir « oublié » d’assumer ses responsabilités légales dans sa mise en conformité (échelle à poissons).
Le Préfet nous a réaffirmé que la décision d’arasement, déjà notifiée par un arrêté préfectoral, était maintenue.
Saint Céré : barrage du Martinet sur la Bave
Communiqué de presse du GADEL
La Bave est l’un des principaux cours d’eau lotois affluents de la Dordogne. C’est une rivière qui présente encore un intérêt écologique et piscicole certain malgré les aménagements qui jalonnent son cours et l’impact potentiel qu’exerce encore l’agglomération de St-Céré sur sa qualité. La Bave est donc considérée, au niveau du bassin de la Dordogne, comme une priorité de préservation et de restauration écologique. Mais en la matière, le travail est long, laborieux et les avancées, aussi modestes soient-elles, sont on ne peut plus incertaines, comme vient de nous le démontrer l’intervention récente et incompréhensible du Député Jean LAUNAY sur le dossier du barrage du Martinet.
Resituons d’abord le décor. Onze barrages sont implantés sur la Bave et font obstacle à la remontée des poissons migrateurs depuis la Dordogne. Il s’agit principalement de petites chaussées d’anciens moulins. Faisant l’objet d’un classement réglementaire, tous ces barrages auraient dû être arasés ou équipés de passes à poissons depuis 1994. Mais malgré de nombreux programmes publics montés depuis cette date, seuls 3 ou 4 barrages ont aujourd’hui été aménagés de façon convenable. Autant dire que ce projet a suivi une progression particulièrement difficile.
Parmi les barrages restant à traiter figure le barrage du Martinet. D’une hauteur de près de 3 mètres, il crée un obstacle quasi infranchissable pour les poissons. Il alimente une petite centrale électrique, propriété de la SHEMA (filiale d’EDF), mais inexploitée et désaffectée depuis près de 20 ans.
Après des années d’atermoiements sur le devenir de cet ouvrage, EDF, sommée par l’Etat de trouver une solution, a décidé de l’abandonner et de détruire le barrage pour remettre les lieux dans leur état initial. Cette décision a été accueillie très positivement par les acteurs de l’eau car susceptible de redynamiser fortement la reconquête de la Bave. Elle est le résultat d’un raisonnement simple qui repose sur les arguments suivants :
- l’usine n’est plus rentable pour EDF ;
- l’équipement actuel, qui permet de développer une puissance électrique de 180 kW, est illégal ; le droit d’eau réel ne permet d’exploiter de façon légale qu’une puissance de 20 kW, c'est-à-dire à peine plus qu’une installation domestique ; ceci amoindrit encore considérablement la rentabilité de l’ouvrage et le rend économiquement non viable, même pour un petit producteur autonome qui vendrait une électricité au tarif d’achat maximum.
- le barrage, dans un état de délabrement avancé, nécessite des travaux de réparation importants ; des investissements de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d’euros sont nécessaires.
- Le barrage ne dispose pas, à ce jour, de passes à poissons efficace, malgré les obligations réglementaires liées au classement « rivière à migrateurs ». Plusieurs procès-verbaux ont été dressés par la police de l’eau. Sans construction imminente d’une passe à poissons, ce qui implique encore des investissements supplémentaires, le barrage se trouvera donc sous le coup d’une procédure judiciaire.
L’arasement est donc apparu comme la solution la plus évidente et la plus économe pour tout le monde. Elle est de plus la plus efficace sur le plan écologique car une passe à poissons, même parfaitement conçue, est insuffisante pour rétablir de façon complète le transit des poissons au niveau d’un barrage.
Pourtant, le Député Jean LAUNAY s’insurge devant cette solution. Il est intervenu en personne auprès du Préfet du Lot, fin août, à la veille du démarrage des travaux de démantèlement, pour essayer de faire annuler l’opération. Pour tenter de justifier sa position, Monsieur LAUNAY occulte tous les arguments exposés par EDF (SHEMA), met en doute la réalité de la situation de droit exposée par l’administration et contredit toutes les évidences exposées par les biologistes.
A première vue, cette intervention est totalement incompréhensible de la part d’un homme qui a été rapporteur dans le débat parlementaire de la loi sur l’Eau en 2006, et qui a défendu des amendements qui mettaient en avant cette nécessité de restaurer la continuité écologique des cours d’eau.
Rappelons qu’il est également administrateur de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne qui développe actuellement des programmes conséquents pour le rétablissement du bon état écologique des cours d’eau et qui fait une promotion tout à fait exceptionnelle pour les projets de démantèlement des anciens barrages inutilisés, en finançant ces opérations jusqu’à 80%.
Comment expliquer que monsieur LAUNAY en arrive à développer des arguments fallacieux, irréalistes et infondés pour tenter de faire échouer ce que tous s’accordent à considérer comme une avancée importante. Le fait de vouloir maintenir, coûte que coûte, un barrage faisant obstacle à la continuité écologique, sur un cours d’eau aussi important que la Bave pour les poissons migrateurs, le fait de vouloir forcer la légalité d’une situation pourtant claire, tout cela pour justifier quelques kilowatts absolument négligeables dans le défi que nous connaissons aujourd’hui sur l’énergie, tout cela ne saurait relever de l’intérêt général. S’agirait-il alors de quelque intérêt particulier caché derrière cela ? Il ne saurait en être question et nous ne saurions même imaginer une telle idée.
Rappelons donc monsieur le député LAUNAY à la raison en lui demandant de retrouver une vision plus équilibrée et plus soucieuse de l’intérêt collectif sur ce dossier du Martinet, sur ceux qu’il est encore nécessaire de faire avancer sur la Bave, et qui concernent les autres barrages appartenant à la ville de St Céré, et d’une façon générale sur la question de l’énergie hydroélectrique, dont le développement ne doit pas avoir lieu sans discernement, en détruisant les derniers et rares cours d’eau qui abritent encore un peu de vie.
En toute logique, le préfet du Lot devrait malgré tout signer l’arrêté autorisant le démantèlement de l’ouvrage…
Jacques Philbert
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