L’enseignement dans un Etat sécuritaire

L'école Démocratique. Le 22 Novembre 2010 par Latifa Amezghal

 

L’institution scolaire est destinée à transmettre le savoir et les compétences qui permettent aux jeunes d’agir en citoyens critiques. Cependant, en des temps où le souci de sécurité publique se trouve en tête des agendas politiques, il semble que l’enseignement n’ait pas échappé au paradigme sécuritaire. Dans cet article, l’argumentation partira de témoignages et de cas concrets, qui illustrent comment la cohabitation école - police - justice s’est organisée autour de la prévention des problèmes, au cours de la dernière décennie. Et comment, suite à une régulation et une politique restrictives, des jeunes se sont retrouvés dans le collimateur.

 

 

« Les écoles de certains arrondissements judiciaires sont de plus en plus demanderesses d’actions antidrogue avec chiens policiers. Parallèlement, ces écoles exigent une information par le parquet concernant les suites données aux faits signalés par l’école et demandent copie des arrêts du juge de la jeunesse. Elles insistent en outre pour obtenir des informations sur l’affaire. Le parquet est prié de donner des explications si le jeune se retrouve à l’école le lendemain des faits. Celui-ci est pourtant tenu au secret professionnel »

« Des jeunes sont sanctionnés, notamment exclus de l’école, pour des faits commis après les cours aux environs de l’établissement, donc dans l’espace publique. La motivation de l’école : c’est un élève à risque, qui a déjà reçu suffisamment d’avertissements et c’est la goutte qui fait déborder le vase. »

« Du côté francophone, le parquet est averti par l’école, via la police, concernant un mineur illégalement absent durant deux demi-jours. Où est le centre psycho-médico-social ? »

« Le centre d’encadrement des élèves téléphone régulièrement au parquet pour montrer combien ils se sentent liés par le secret professionnel. »

« Certaines écoles ont des caméras de surveillance. Dans l’une d’elles, il y a eu un vol et on a pu identifier les jeunes qui avaient volé le portefeuille grâce aux images vidéo. Suite à cette identification, une plainte a été introduite et les faits ont été transmis au parquet par la police. »

« Certaines écoles sont encore demanderesses pour travailler en collaboration avec le parquet et la police afin d’avoir plus de contrôle et de prise sur les élèves. »

« Un élève s’est battu dans un bus (transport public) après l’école en rentrant chez lui. Il a été renvoyé de l’école. Est-ce à l’école de prendre des mesures pour des faits qui ne se produisent pas en relation avec l’établissement ? Est-ce à l’enseignement tout court de prendre des mesures ? »

 

Une collaboration qui soulève des questions

Les exemples ci-dessus soulèvent tout de suite un certain nombre de questions. D’où vient cette collaboration entre des écoles d’une part et la police et la justice de l’autre ? Que devient alors le droit à l’enseignement ? Des mesures moins radicales, telles que des sanctions d’ordre ou de discipline par l’école elle-même, ne méritent-elles pas la priorité ? Qu’en est-il de la présomption d’innocence ? Et de la transmission d’informations (confidentielles) et du droit des élèves à ce que leurs données confiées au centre d’orientation scolaire restent secrètes ? Quel rôle peut jouer le centre PMS ? La prévention et la lutte contre les comportements inacceptables devient-elle un nouvel objectif de l’enseignement ? Jusqu’où veut-on aller pour maintenir un environnement scolaire « sûr » ?

 

2006 : une circulaire ministérielle déterminante

Le début d’une collaboration entre les acteurs précités se situe en 2006, à la suite d’une série d’incidents qui avaient soulevé une tempête d’indignation. Nous pensons au meurtre de Joe Van Holsbeeck (pour un mp3), au meurtre à Anvers de la jeune-fille au pair malienne, Oulematou Niangedou, et du bébé de deux ans, Luna Drowart, commis par Hans Van Temsche, et au coup de poignard d’Ostende, suite à une dispute portant sur une cigarette.

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Patrick Dewael, déclarait : ces faits « dans notre pays me poussent au renforcement et à l’accélération d’une série de mesures décidées et d’initiatives dans le domaine de la prévention et d’une approche intégrée de la criminalité juvénile. La sécurité est l’affaire de tous.  » La circulaire ministérielle [1], publiée sur cette base, en appelle à une attention pour les phénomènes de violence, de menaces de violence, rackets et détention d’armes par des mineurs, l’absentéisme scolaire et d’autres faits tels que les problèmes de drogue, les délits de violence ou les vols. La police locale est priée de prendre des mesures dans le but d’assurer un environnement scolaire sûr. A cette fin, la police doit constituer un partenariat avec les communautés scolaires et, en exécution concrète de cette mesure, la police locale doit prévoir un point de contact fixe. Ce point de contact remplit une fonction charnière entre la communauté scolaire et la police locale. Tous les accords (coopération, échange d’informations, transferts, points de contacts) sont pris en commun. Sur base des exemples pratiques disponibles et à la lecture de quelques documents [2], arrêtons-nous à cette coopération entre école, police et justice.

 

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Dans la plupart des zones de police, un point de contact a été défini et, dans de nombreuses zones, un protocole de coopération a été conclu. Concrètement, sur quoi peut porter un tel protocole ? A titre d’exemple, nous citerons certains éléments de la convention de la communauté éducative des Fourons : « Les directeurs mettent immédiatement la police locale au courant de faits punissables ou définis comme délictueux commis par des élèves, donc pas en groupe. Même lorsque les écoles ont de fortes présomptions de tels faits, elles informent le police locale. Parallèlement, elles s’engagent à autoriser la police à mener des actions de prévention ou de justice au sein de l’école avec pour but de garantir la sécurité des membres du personnel et des élèves. Les écoles prêtent leur concours actif à ce type d’actions. La direction s’engage à appliquer la même procédure lorsque ce sont des tiers qui avertissent la police ou la justice de faits ou de soupçons de faits commis par des élèves. Les directeurs s’engagent en principe à accepter toute demande d’accès de la police pour raisons préventives ou judiciaires. Si exceptionnellement le directeur ne peut satisfaire à cette demande, une concertation est organisée avec les parties signataires.  » [3] Cet exemple illustre le peu d’espace laissé au principe de subsidiarité, puisque les écoles doivent immédiatement avertir la police des faits. Ainsi, une bagarre entre deux élèves, qui devrait en priorité être traitée au sein même de l’école, devient-elle aussi, strictement parlant, un fait punissable (puisque c’est un délit de violence). Même les soupçons de tels faits sont communiqués à la police. Ainsi, même s’il n’y a qu’un soupçon, avant même qu’il soit question de faits punissables, puisque les faits ne sont pas encore prouvés, une intervention préventive peut être imposée à des jeunes, une intervention menée par des acteurs très divers. Que fait-on du principe de présomption d’innocence ? Même le droit à l’éducation est mis en cause lorsque des jeunes sont exclus de l’école sur base de fautes pas encore établies.

 

Secret administratif, secret professionnel et confidentialité mis à mal

Par ailleurs, les écoles offrent une collaboration active aux actions préventives et judiciaires. En quoi cette collaboration devrait-elle consister ? Induit-elle des mesures préventives telles que la surveillance vidéo, les serrures de sécurité, les systèmes d’alarme ? Les membres du personnel de l’école, qui ont une mission éducative, doivent-il collaborer activement à des actions policières ? Qu’attend-on précisément ? Que l’on échange « simplement » des informations ?

Des règles régissent ces échanges d’informations, qui précisent le secret professionnel et administratif. L’application de ces règles devrait en permanence être évaluée, en vue du traitement par les écoles des demandes de renseignement des autorités. Je me demande si ces droits fondamentaux sont suffisamment connus et si les frontières des parties concernées sont suffisamment définies. La citation suivante montre qu’il n’est pas évident de savoir quand on peut ou quand on doit enclencher la collaboration avec la police : « A présent, les écoles ne savent souvent pas quand il faut enclencher le dispositif policier. L’objectif est à présent de faire cela pour chaque fait (délictueux). L’inspecteur de liaison prendra chaque fois contact avec le parquet.  » Le personnel scolaire - enseignants, direction, éducateurs, secrétariat- est lié au secret administratif. Il ne peut, dans l’exercice de la fonction, divulguer des informations confidentielles qu’à ceux qui ont le droit d’en prendre connaissance. Le secret administratif exige une manipulation discrète de telles informations avec des « personnes extra-muros ». Le secret administratif implique dès lors que le personnel scolaire doit faire transmettre des données confidentielles à sa direction, à sa demande. Des données confidentielles sont des données qui touchent la sphère privée et qui, comme telles, ne sont donc pas publiques. La direction est également liée à l’obligation de discrétion et doit donc traiter ces données avec discrétion. Dans la pratique concrète, un éducateur peut, par exemple, être pris pour confident par un élève et, dans cette relation de confiance, disposer d’informations « sensibles ». Comme il n’est pas lié par le secret professionnel, il est réellement possible que cette information aboutisse à la police ou à la justice, via la direction de l’établissement. Des informations purement factuelles, des informations sur des données objectives et confirmées, peuvent toujours être communiquées par l’école à la police. Par exemple, l’absence ou non d’un élève à l’école. Ceci vaut aussi pour des faits punissables qui se produisent à l’école, comme un professeur qui y voit un élève vendre de la drogue, ou des témoignages d’élèves qui en ont vu d’autres commettre des faits répréhensibles.

Par contre, le personnel des centres PMS est réellement lié par le secret professionnel, applicable à tous ceux qui, par leur fonction ou profession, ont connaissance de secrets qui leur sont confiés. Il s’agit ici d’une obligation de silence liée à une relation de confiance. Cette confiance est garantie à l’égard de tous les tiers.

Une pratique qui illustre comment le droit à la confidentialité et au secret peut être compromis, est le cas du détachement d’un fonctionnaire d’une ville (pouvoir exécutif) vers le parquet (pouvoir judiciaire) ; leur tâche consiste parfois à transmettre des informations aux écoles, sur des dossiers en lien avec les conventions de coopération écoles - parquet. Un fonctionnaire n’a qu’une obligation de discrétion et sera pourtant amené à intervenir dans des dossiers comportant des informations confidentielles. A notre avis, seule une personne liée au secret professionnel est habilitée à prendre connaissance de ces contenus, et il nous semble qu’il est aussi question, dans ce cas, d’un dépassement de compétences. Indépendamment de cela, nous nous demandons sur quelle base juridique on se fonde ici.

 

Intra muros, extra muros … et aussi pour les enfants du fondamental

Outre les faits intra muros, le personnel scolaire peut aussi communiquer des faits qui se produisent aux alentours de l’école. Les termes de la circulaire l’autorisent. On veut en effet créer un environnement scolaire sûr et, à cette fin, on convient d’un partenariat avec les communautés scolaires : « Un protocole pour traiter rapidement et préventivement des agressions d’élèves dans et près des écoles, ainsi que des comportements d’absentéisme est [...] signé. [...]Des agressions à et près des écoles, et des jeunes avec des situations problématiques d’éducation, sont notés comme particulièrement à suivre.  » La circulaire ministérielle n’empêche pas que des protocoles soient également conclus avec des écoles de l’enseignement fondamental. La police se tournera vraisemblablement d’abord vers les écoles secondaires. Il n’est cependant pas sûr à 100 % que des écoles primaires ne soient pas aussi l’objet de conventions, la circulaire concernant « les communautés scolaires » sans plus de précision. Ainsi le rayon d’une action pro-active et préventive pourrait s’étendre aux écoles primaires et aux jeunes enfants (ainsi qu’à leur famille). Bien que la circulaire concerne « la criminalité juvénile et l’absentéisme », nous voyons, dans son application concrète, que d’autres comportements (à problème) sont attaqués, tels que trainer en rue ou commettre des méchancetés. Les enfants en situation éducative difficile peuvent aussi faire l’objet d’actions dans ce cadre.

La création d’un point de contact abaisse le seuil pour porter plainte et communiquer des faits : les écoles risquent d’y avoir recours plus vite. « Jusqu’alors, de telles fautes (vols, bagarres) restaient souvent dans les murs de l’école et une solution était cherchée en interne. Avec le protocole, le pas vers la police doit se raccourcir  ».

 

Le danger des « fortes présomptions »

De plus, on attend des écoles leur accord et leur collaboration lorsque des tiers ont communiqué à la police ou à la justice des faits punissables ou de fortes présomptions de tels faits. Cela pourrait aussi venir de parents de condisciples. A première vue, ça ne devrait pas poser problème, vu qu’il existe un fondement légal pour communiquer, en tant que particulier et sous certaines conditions, des faits punissables au procureur du Roi (article 30 du code pénal). Une condition importante est que le particulier (le tiers) qui communique ces informations ait été effectivement témoin d’une agression, soit contre la sécurité publique, soit contre la vie ou la propriété de quelqu’un. C’est cependant ici que ça coince, parce qu’on quitte la piste où les tiers doivent avoir été effectivement témoins de faits punissables, puisqu’il suffit d’avoir de « fortes présomptions ». On peut faire trois remarques.

Premièrement, il convient de définir ce qu’on qualifiera de « fortes présomptions de faits punissables ». Police, justice et écoles devraient pouvoir convenir que l’on doit, par exemple, s’appuyer sur des faits ou des circonstances pour pouvoir parler de « fortes présomptions de faits punissables ». Ces soupçons doivent être évalués comme « raisonnables », sur base d’étalons objectifs, ce qui signifie « pas seulement en fonction de la personne qui les perçoit mais raisonnablement sur (les soupçons) eux-mêmes ». On risque aussi de voir s’inverser les rôles, les écoles endossant un rôle qui n’est pas le leur : elles ne sont évidemment pas des acteurs policiers ou de justice.

Deuxièmement, il faut se demander s’il est souhaitable que des écoles ou d’autres tiers puissent communiquer des soupçons à la police ou à la justice. Il reste quand même une possibilité que le jeune n’ait pas commis ces faits.

Troisièmement, est-il légitime que, sur base de présomptions présentées par des particuliers, on recoure au niveau policier ou judiciaire à l’égard de jeunes, dans un contexte scolaire, alors que ce recours peut avoir des conséquences à long terme sur eux ?

 

La surenchère sécuritaire comme outil de contrôle social

En droit pénal classique, il existe un principe important : la pression, l’autorité, ne peut intervenir qu’à l’égard d’un comportement défini comme punissable par la loi (principe de base de légalité). Normalement, donc, le droit pénal est réactif : il règne dès qu’un méfait est commis. Ces dernières décennies, on assiste à un « glissement » des frontières pénales. Dans une société où la sécurité est devenue le leitmotiv, l’infraction pénale n’est plus le motif de l’action, mais c’est bien la prévention ou la réduction des risques de sécurité qui est devenue centrale. Il ne s’agit pas d’un simple glissement du moment de la réaction. C’est carrément la manière de réagir qui a changé. Le problème, avec le discours sécuritaire actuel, c’est qu’il ne vise plus seulement la criminalité réelle, mais aussi des comportements légalement admis. Ce qui, auparavant, était considéré comme un comportement désagréable, inconvenant ou inacceptable, est aujourd’hui marqué comme illégal. Un exemple ? Le fait, pour des jeunes, de trainer à l’entrée de l’école.

Nous observons aussi un glissement des acteurs qui répondent de notre sécurité. Autrefois chasse gardée des policiers, cette responsabilité est partagée entre des partenaires policiers ou non policiers (ou privés). On laisse toujours plus (de responsabilité) aux écoles, aux services de secours, aux citoyens, aux bénévoles, aux directions locales et aux secteurs de sécurité (privés). Au niveau local, cette responsabilité commune prend principalement la forme d’un nombre croissant de liens et de réseaux de collaboration. Ces organisations ont leurs propres objectifs mais se voient attribuer des fonctions complémentaires dans le paradigme sécuritaire.

Des criminologues tirent la sonnette d’alarme. Le professeur Patrick Hebberecht conclut, après analyse, que le droit pénal est de plus en plus utilisé comme une stratégie de contrôle social des groupes dénués de pouvoir, qui constituent (potentiellement) une menace physique, matérielle et culturelle, pour les puissances économiques ou politiques. « La criminalisation de délits qui n’ont pas encore causé de dommages, et le souhait croissant de traiter les gens non en fonction de leurs actes mais dans la mesure où nous les considérons comme appartenant à un groupe à risque, ont modifié le droit pénal.  » Il s’agit essentiellement de discipliner tous les groupes de la société, ceux qui s’écartent, en apparence ou par leur comportement, de la norme de la classe moyenne, comme (certains) groupes de jeunes, d’immigrants, de consommateurs de drogues, etc... Le danger principal réside dans le fait que les problèmes socio-économiques des plus vulnérables sont désormais considérés comme des problèmes d’insécurité, et que la vulnérabilité sociale en vient à être criminalisée [4]. Nous pouvons arriver à une constatation semblable en ce qui concerne la politique de sécurité (intégrale ou intégrée). Elle implique, par définition, que les autorités locales (administratives, judiciaires et autres, notamment les écoles) démarrent de nœuds locaux. Ceci comporte inévitablement des risques : car de tels nœuds définissent le résultat politique et les objectifs qu’on vise. Il est clair que « tout un chacun peut y introduire son propre contenu et que c’est une notion épineuse dont il est facile d’abuser. »

Si nous considérons l’école dans un tel cadre, nous pouvons étendre le raisonnement : l’environnement scolaire en vient, pour ainsi dire, à se moquer des jeunes qui constituent une menace pour la sécurité . Et à se moquer de leur contexte de vie. En Belgique, nous sommes pourtant dans une philosophie de la protection de la jeunesse. En tant qu’État, nous avons choisi de protéger les mineurs : ils peuvent commettre des « fautes », leurs délits ne sont pas repris au casier judiciaire, la préférence est donnée à des mesures pédagogiques, plutôt qu’à des mesures punitives. Et pour cela, il faut manipuler les informations avec prudence. Vraisemblablement, toutes les écoles ne se rallient-elles pas à cette approche... Lorsque le parquet ou le juge de la jeunesse décide de ne pas sanctionner un mineur pour certains faits, et de renvoyer le jeune à l’école, nous voyons que certaines d’entre elles se saisissent elles-mêmes de la justice et prennent elles-mêmes des mesures. Certaines écoles, en désaccord avec la décision de justice, excluent définitivement l’élève. Comme si les procédures et décisions de justice étaient de pure forme. Parce que la justice n’est pas suffisamment punitive ?

Nous évoluons de plus en plus vers une société de contrôle et de sanction, où règne l’illusion que tous les risques peuvent être prévenus. Certaines écoles semblent volontiers se rallier à cette idée. Pourquoi, sinon, une école voudrait-elle absolument avoir sa part du pouvoir de décision ? Pourquoi, sinon, voudrait-elle absolument savoir ce que le parquet a décidé ? Au mépris du secret de l’instruction. Alors que des mesures moins radicales peuvent être prises pour les mineurs. Tout ceci est lié à la philosophie sécuritaire.

 

Les troubles de comportement des adolescents : un phénomène normal

 Nous savons que la grande majorité des problèmes de comportement est liée à l’âge. C’est vers 12 ans qu’ils apparaissent, avec un pic entre 15 et 17 ans. Vient s’ajouter à cela la vulnérabilité sociale que connaissent bon nombre de jeunes. Qui est socialement vulnérable ? Selon Walgrave et Vettenburg, la personne qui, dans ses contacts avec les institutions sociales, est à chaque fois confrontée au contrôle et à la sanction, plutôt qu’elle n’en reçoit des apports positifs. « Cette vulnérabilité, le fait d’être exclu du bénéfice des institutions sociales, et, au contraire, l’expérience douloureuse d’un cercle vicieux, peut déboucher sur l’isolement et la délinquance, qui peut dès lors être considérée comme une expression de la vulnérabilité existentielle. » Ces jeunes ont généralement une expérience de vie faite de conflits, de douleur et de lutte. Pour eux, une approche positive, de bien-être, est donc préférable à une approche axée sur les problèmes. L’enseignement doit dès lors créer une culture d’école où le dialogue prédomine. Les acteurs du monde de l’enseignement, et les enseignants en particulier, devraient disposer d’outils pour faire face à la vulnérabilité sociale des enfants et des jeunes gens les plus fragiles et pour infléchir leur vulnérabilité. De bonnes pratiques existent dans les écoles et dans l’aide à la jeunesse. Ces projets impliquent une culture participative de l’école, une culture du dialogue et du travail collectif, avec les parties prenantes, qui connaissent bien l’environnement familier de ces enfants et de ces jeunes.

Latifa Amezghal sait de quoi elle parle. Petite biographie. Elle naît et grandit à Genk, dans une ancienne cité de mineurs. En primaire, elle fréquente une petite école de quartier (avec 5 enfants « blancs », et le reste d’« origine étrangère »). En secondaire, elle commence dans le professionnel, mais elle obtient finalement un diplôme technique dans la filière des « sciences sociales et techniques ». À Hasselt, elle étudie l’orthopédagogie pour travailler dans le secteur du handicap, en particulier avec des adolescents souffrant de graves problèmes de comportement. Puis vient la V.U.B., où elle étudie la criminologie. Après un stage à la prison de Hasselt, elle se retrouve dans l’assistance individualisée à la jeunesse et dans les institutions de la Communauté flamande (centre fermé pour des jeunes qui ont commis des délits ou qui ne peuvent plus vivre à la maison suite à une situation éducative problématique). Elle est actuellement membre du personnel de l’asbl Uit De Marge, un centre d’aide à la jeunesse pour des enfants et des jeunes socialement vulnérables, où elle est responsable des questions de politique d’enseignement, d’aide à la jeunesse et de la défense de leurs intérêts. Uit De Marge est très active en Flandre, souvent consultée et appelée à participer à divers groupes de travail, en particulier au sein du Conseil flamand de la jeunesse et du Centre Jeunesse.

 

Notes :

[1] SPF affaires intérieures – 7 juillet 2006 Circulaire ministérielle PLP 41 en vue du renforcement et/ou de l’ajustement de la politique de sécurité locale ainsi que de l’approche spécifique en matière de criminalité juvénile avec, en particulier, un point de contact pour les écoles, Publication : 2006-07-24 (Ed. 1), p. 36397- 36401.

[2] Veiligheidsprotocol der Voerense schoolgemeenschappen ministeriële omzendbrief PLP 41 (Staatsblad op 07.07.2006),http://www.ond.vlaanderen.be/leerpl..., http://www.tsteunpunt.be/Upload/Ext..., http://koine.vsko.be/doc/vvkbao/AM/...

[3] En l’occurrence, le bourgmestre de Fouron, le chef de zone de police locale de Fouron et le procureur du roi de l’arrondissement judiciaire de Tongres. Des criminologues ont été affectés aux parquets pour accorder une attention particulière notamment à le délinquance juvénile et aux problèmes d’absentéisme.

[4] Dirk Geldof. ‘Welzijn in dienst van veiligheid ?’, p. 12- 24. Alert jaargang 32, 2006, nr.1. Stefaan Pleysier, ‘Integrale veiligheid’ als dogma ? Grenzen aan het heersende veiligheidsdiscours’, Tijdschrift voor Veiligheid 2008 (7). Patrick Hebberecht (2008).’De verpaarsing van de criminaliteitsbestrijding in België. Kritisch opstellen over misdaad en misdaadcontrole in de laatmoderniteit. VUBPRESS, Brussel.


Commentaire (0)

Aucun commentaire

Ajouter un commentaire
Vous

Votre message

Champ de sécurité

Veuillez recopier les caractères de l'image :

Dernière mise à jour de cette page le 23/11/2010

Membre du réseau Infovox, je publie sur Agoravox, coZop, etc.