Sarkozy: les usines françaises, c'est pas son truc

Marianne2. 8 janvier 2009 par Slovar

La future Clio IV serait produite en Turquie. Pour Slovar, cela montre l'échec de la politique industrielle de Nicolas Sarkozy. Ce dernier se vantait pourtant de défendre l'industrie française: «Je crois aux usines, c'est mon truc», avait-il même assuré…


Poolie - Flickr - CC

Chez Renault, on pavoise ces derniers temps avec des ventes records, notamment de la Clio III. Ce qui est de bon augure affirme t-on pour l’opus IV qui devrait bientôt sortir mais ... ne serait plus fabriquée en France ! Et pourtant, à lire ou relire les déclarations du Chef de l’état ou des membres du gouvernement, on aurait pu croire à la poursuite de la production en France d’un des véhicules les plus vendus sur le territoire national ...

Le 2 septembre 2008, Laurent Wauquiez avait frappé les esprits en déclarant : «  Il est hors de question de laisser des grands groupes comme Renault, qui ont des moyens, détruire des emplois dans des territoires français sur lesquels on a du mal à recréer des emplois et, en plus de ça, aller les transférer dans des pays comme la Roumanie, la Turquie ou la Chine », a asséné sur RTL le secrétaire d’Etat 
«  Il faut faire payer leurs responsabilités aux grands groupes, qui doivent assumer, et ne pas chercher à s’enfermer dans une logique défensive comme on l’a trop souvent fait dans les années 1980 pour aller chercher les emplois de demain » Source Le Parisien

Renault a pourtant profité de l'argent public

Depuis, on l’a moins entendu sur le sujet, et on attend de sa part une réaction à la dernière annonce de Renault.

En effet, comme on peut le lire dans Le Figaro, la Nouvelle Clio IV serait fabriquée en Turquie : « C’était la troisième voiture la plus vendue en France en 2009. La Renault Clio devrait encore évoluer avec la Clio IV. Un nouveau modèle qui, d’après une information publiée par la Tribune ce vendredi, serait fabriqué en Turquie, sur le site de Bursa. Cette délocalisation se ferait alors au détriment du site de Flins dans les Yvelines qui, au premier semestre 2009, avait fabriqué 64.700 Clio III (...)
Dans la nouvelle organisation du groupe, l’usine de Flins deviendrait spécialisée dans les voitures électriques, commercialisées à partir de 2011. Un marché sur lequel Carlos Ghosn souhaite placer Renault en première place, au niveau mondial. Toutefois, dans le cas où la production de cette gamme ne remplirait pas les chaînes de Flins, une petite partie de la production de la Clio IV pourrait y être assemblée, temporairement. Pour le constructeur, ce système de délocalisation avait déjà eu lieu avec la Twingo. La fabrication de cette dernière avait été transférée de Flins vers la Slovénie à l’occasion du changement de génération »
 
On est en droit de s’étonner et même s’indigner, car il ne faut surtout pas oublier que Renault a largement profité des aides de l’Etat, destinées à maintenir l’emploi.

Le 15 décembre Carlos PDG du groupe Renault-Nissan, nommé président de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), qui réclamaient 40 milliards d’euros d’aide, en appelait aux autorités : « Il faut que l’Etat apporte des liquidités. Nous avons d’ores et déjà taillé dans nos investissements pour 2009  (...) Ce que nous demandons à l’Etat, c’est un financement raisonnable, sur deux à trois ans, avec des taux d’intérêt compris entre 4 et 5 %. L’Etat français a été l’un des premiers à comprendre la gravité de la situation en Europe. Nous avons le sentiment qu’il va agir ».

« Je crois aux usines, c’est mon truc »

Nicolas Sarkozy, annonçait des mesures spécifiques d’aide au secteur. Y figuraient l’instauration d’une nouvelle prime à la casse pour les véhicules de plus de dix ans et un projet de fonds d’investissement devant permettre de financer une restructuration de la filière. Il indiquait en outre que : « les filiales de crédit des deux grands constructeurs français, PSA et Renault, auraient accès au mécanisme de financements garantis mis en place par l’Etat pour les banques (et) la possibilité d’allonger, ainsi que de mieux rémunérer, le chômage partiel. »

Il précisait que « les entreprises qui délocalisent n’auraient pas accès à des aides publiques » (Source Le Monde ). Délocalisations qu’il avait d’ailleurs condamnées pendant sa campagne présidentielle : « Contre les délocalisations, je mettrai en oeuvre une politique industrielle, en choisissant les secteurs stratégiques sur lesquels concentrer nos efforts. Notre pays doit garder des usines. » Abécédaire des Propositions de Nicolas Sarkozy - Discours Charleville-Mézières (18/12/06)

Car, notre Président aime les usines ! Il ne cesse d’ailleurs de le répéter : Lors de l’inauguration mardi à La Rochelle de l’AGV, le nouveau train à très grande vitesse du groupe Alstom. :
« Je crois aux usines, c’est mon truc »
« On peut être parfaitement libéral et avoir une volonté politique industrielle »

Insistant sur la nécessité de maintenir un tissu industriel en France : « Pour cela, il faut ancrer dans les esprits (...) un message simple : l’industrie n’est pas finie, l’industrie est essentielle à l’économie d’un pays riche autant qu’à celle d’un pays émergent » - Source LCI

Plus récemment : « Nicolas Sarkozy a en effet annoncé sa volonté de réunir avant la fin de l’année des états généraux de l’industrie pour identifier les filières dans lesquelles il faudra investir en priorité. (...) Le but est simple : définir une nouvelle politique industrielle « avec une réflexion sur toutes les grandes filières, à l’exemple de celles que nous avons déjà menées sur l’aéronautique, l’automobile et le bois », a expliqué le chef de l’Etat (...) Pour le présent, il a rappelé l’essentiel de son action dans le domaine et notamment la suppression d’une part de la taxe professionnelle, un « impôt qui tue les usines » pouvait-on lire le 3 Septembre 2009 sur le JDD

Erreur de stratégie

Car, en fait, la situation est grave : « Un rapport d’étape consacrée au diagnostic et à l’identification des principaux enjeux vient d’être remis à Christian Estrosi. Il confirme le recul de la position de l’industrie française en Europe. La part de la valeur ajoutée industrielle française dans celle de la zone Euro n’a cessé de chuter depuis plus de dix ans pour se situer aujourd’hui autour de 14%, alors que celle de l’Allemagne est restée stable à plus de 35% »- Source Actu environnement

Renault, dont l’état français est toujours un actionnaire majeur, n’aurait-il pas été séduit par : la suppression d’une part de la taxe professionnelle, un « impôt qui tue les usines » ? Ou bien, le constructeur anticiperait-il les effets de la taxe carbone dont le MEDEF demande un report à 2011 ?

« Plus d’une semaine après la censure du projet de taxe carbone par le Conseil constitutionnel, l’organisation patronale a estimé que la question "nécessite un travail approfondi et la réalisation préalable d’études d’impact". "La taxe carbone telle qu’elle est actuellement envisagée est incohérente. Donnons-nous du temps pour faire bien", a jugé la présidente du Medef, Laurence Parisot » Source La Tribune

En attendant, que va t-on produire en France, notamment à l’usine de Flins ? « Dans la nouvelle organisation du groupe, l’usine de Flins deviendrait spécialisée dans les voitures électriques, commercialisées à partir de 2011. Un marché sur lequel Carlos Ghosn souhaite placer Renault en première place, au niveau mondial »
 
Or, lorsqu’on regarde la stratégie des plus grands constructeurs mondiaux, seul Renault a choisit la voie du tout électrique. Ce qui implique, qu’il est improbable, qu’un standard entre constructeurs, puisse s’imposer en termes de recharge des véhicules, dans les villes qui y seront cantonnées, compte tenu de la faible autonomie des batteries.

Par ailleurs, les chiffres de production sur lesquels Renault s’appuie, sont vivement contestés par les experts du milieux automobile. Témoin cette étude de PricewaterhouseCoopers d’octobre 2009 : « Selon l’étude, même pas 1% du marché mondial sera « zéro émission » en 2015, et l’hybride ne fait pas beaucoup mieux avec 4,5% de la production estimés d’ici six ans. Par voie de conséquence, 95% des véhicules produits dans le monde seront encore à moteur thermique en 2015, ce qui douche les espoirs un peu trop optimistes des férus de l’électrique. Même si par définition, les prévisions sont aléatoires, la révolution prendra du temps. A la lecture de ces données, les 10% de part de marché mondiale estimés par Carlos Ghosn pour l’électrique d’ici 2020 semblent bien utopiques »

Il s’agit donc bien d’un pari sur le futur qui peut s’avérer dramatique pour les salariés français. Et encore plus, si des retards ou des problèmes technologiques (afférents à toute nouvelle technologie) venaient à survenir lors du lancement des premiers véhicules « tout électrique »

« C’est la mondialisation Coco »

Pendant ce temps là, les autres usines (voir carte des sites de production fournie par Le Monde ) d'Europe (Espagne - Slovenie - Roumanie - Russie), d’Asie (Turquie - Iran - Corée du Sud - Inde), d’Amérique du Sud (Argentine - Colombie - Brésil - Chili) et d’Afrique, vont continuer à fabriquer des véhicules classiques et, pour certains, exporter vers la France les véhicules : « Si français » de la marque au Losange !

Comme :
  • Roumanie : les DACIA
  • Corée : Le Koleos, la nouvelle Safrane en lieu et place de la contestée, mais fabriquée en France, Vel Satis
  • Turquie : la Fluence (qui pourrait bien, à terme, remplacer la Laguna) et bientôt ... la Clio IV
« C’est la mondialisation Coco », diront certains ! Néanmoins, cette fois-ci, il va falloir que le Président et les ministres responsables de l’industrie et de l’emploi trouvent des arguments autrement plus solides pour nous prouver l’un : son amour des usines, l’autre : qu’elles ont un avenir et le dernier : l’avenir de leurs salariés !

Et cette fois-ci, pas d’excuses, puisque dans le cas de Renault, Bercy, précisait lors de la cession de 8,5% du capital en 2003 que : « cette présence de l’Etat contribuera à la stabilité de l’actionnariat de Renault » et que : « avec 15% du capital, l’Etat est le premier actionnaire du groupe, ce qui lui permet de contrôler toujours le Conseil d’administration » - Source RFI

Alors, Monsieur le Président, à vous de nous montrer que : « Je crois aux usines, c’est mon truc » n’est pas seulement un artifice verbal de plus !
Commentaire (1)

1. beligue Le 09/01/2010 à 19:24

"Voter contre pour qu'il gagne moins"
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Dernière mise à jour de cette page le 08/01/2010
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