Les mots ont un sens. Le 18 Août 2010 par Napakatbra
Sans gêne (éthique). 20% des gènes humains sont aujourd'hui brevetés. Situation ubuesque d'une société qui s'étouffe elle-même en brevetant le vivant, tout en se l'interdisant... En mars dernier, un juge américain a confirmé l'illégalité de la chose, mais l'avenir reste incertain.
Aux Etats-Unis, en Australie et en Europe, les brevets sur les gènes humains s'obtiennent aussi facilement qu'une légion d'honneur dans notre beau pays. Pourtant, la loi y interdit explicitement de breveter toute chose naturelle, alors... comment est-ce possible ? Simple. Isolez un gène humain, non brevetable en l'état. Faites-le très légèrement muter en laboratoire. Complétez ensuite cette "invention" d'un test de détection spécifique... qui pourra aussi être utilisé sur le gène original. Dès lors, les brevets portant sur le gène synthétique et sur les méthodes de diagnostic en découlant engloberont le gène "naturel". C'est ainsi que l'entreprise Myriad Genetics détient aujourd'hui le monopole sur le test d'un cancer, facturé 3000 $ par tête de gène. Hors de prix, non remboursé, sans aucun lien avec son coût réel. Si ce brevet restreint l'accès aux soins, il interdit en outre toute recherche sur le gène impliqué. Que du bonheur...
Au nom de la loi
L'American Civil Liberties Union (ACLU), la Fondation des Brevets Publics et des centaines d'associations américaines représentant plus de 150 000 personnes, ont porté l'affaire en Justice. Le 12 mai 2009, ces organisations ont déposé une plainte contre les détenteurs de ces brevets, à savoir l'entreprise Myriad Genetics et l'Université de Utah Research Foundation. Gagné. En mars 2010, le juge leur a donné raison sur toute la ligne, estimant que "les brevets concernant de l'ADN isolé contenant des séquences trouvées dans la nature sont illégaux". L'ADN a en outre officiellement été déclaré "objet non brevetable". Mais l'affaire est loin d'être terminée.
Petits brevets entre amis
Myriad Genetics a fait appel. Et le hasard faisant bien les choses, le juge principal de ce procès n'est autre que Randall Rader. Un homme plein de bonne volonté, qui a participé en mai dernier à un colloque de la Biotechnology Industry Organization (BIO), sorte de syndicat de firmes biotech. Il y a même fait une intervention, pas piquée des hannetons, dans laquelle il annonçait sans ambages que "l'approche [du tribunal ayant condamné les brevets] est subjective et, pour être franc, politique [...] Ce n'est pas ce que dit la loi" a-t-il conclu, sous les acclamations. Résultat : l'ACLU a demandé que le juge se récuse. Perdu. Randall Rader sera bien le décideur suprême de la Cour d'appel.
Et l'avenir n'est pas rose. Car l'industrie met les bouchées doubles. Monsanto a notamment dépensé plus de deux millions de dollars au deuxième trimestre pour faire pression sur l'administration US au sujet d'une proposition de loi visant à modifier... l'accès aux brevets sur les gènes. Il suffisait d'y penser...
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