Rue89. 21 janvier 2010 par François Krug
Le conseil d'administration de Veolia, le 17 décembre, a accordé 450 000 euros par an à Henri Proglio pour qu'il conserve un pied dans Veolia, en plus de la présidence d'EDF à laquelle il vient d'être nommé.
Parmi ces administrateurs, beaucoup de stars : l'ex-président de la Société Générale Daniel Bouton, le président du conseil de surveillance du Monde Louis Schweitzer, le directeur général de BNP Paribas Baudoin Prot, mais aussi un très haut fonctionnaire, le directeur général de la Caisse des dépôts Augustin de Romanet.
Ils ont pris cette décision le 17 décembre, quelques semaines après que la ministre de l'Economie Christine Lagarde eut publiquement assuré qu'il n'était « pas question » d'un cumul de rémunération…
Le trio qui a décidé.
En pratique, le salaire d'Henri Proglio à Veolia a été fixé par les trois administrateurs formant le « comité des nominations et des rémunérations ». Soit une star déchue du CAC 40, un patron de gauche cumulard et le conseiller de l'ombre de nombreuses grandes fortunes.
Les polémiques sur les salaires, Daniel Bouton connaît bien. L'ancien président de la Société Générale avait sauvé sa place pendant l'affaire Kerviel, mais il avait été poussé à la démission quelques mois plus tard, pour sauver l'image de la banque.
En s'accordant des stock options et des bonus généreux en pleine crise, il personnifiait les dérives de la finance. « Nous sommes manifestement engagés dans une chasse aux symboles », avait-il expliqué au Figaro. Avec le double salaire d'Henri Proglio, il offre pourtant une nouvelle proie aux chasseurs.
Louis Schweitzer, lui, connaît bien le cumul des fonctions et des rémunérations. Son CV ne se limite pas à un passé de haut fonctionnaire de gauche, au poste de PDG de Renault et, aujourd'hui, à la présidence de la Halde, l'autorité anti-discriminations.
Louis Schweitzer est administrateur de Veolia, mais aussi de BNP Paribas, L'Oréal et du constructeur AB Volvo en Suède. Il préside aussi la branche internationale du Medef et le conseil de surveillance du groupe Le Monde.
C'est le moins célèbre des trois, mais pas le moins influent. Son cabinet, Soficot, conseille les plus grands noms du CAC 40. Dont, évidemment, Henri Proglio.
Serge Michel est « l'homme qui murmure à l'oreille des patrons », résume un portrait publié dans Le Point. Chez Veolia, explique l'hebdomadaire, « il joue le rôle de rempart contre ceux qui attaquent Henri Proglio, dont les performances boursières ne sont guère flamboyantes depuis des années ».
L'homme de l'Etat qui a approuvé
« Pas question » qu'Henri Proglio cumule les salaires, affirmait le gouvernement cet automne. Etonnant : Veolia aurait donc défié un de ses principaux actionnaires, l'Etat, présent au conseil d'administration via la Caisse des dépôts.
La Caisse des dépôts (CDC) est le premier actionnaire de Veolia, avec 10% du capital. Son directeur général, Augustin de Romanet, avait apporté publiquement son soutien à Henri Proglio en novembre, dans Les Echos :
« Il n'y pas eu une seule voix au sein du conseil pour estimer que le maintien de sa présence aujourd'hui en tant que président non exécutif ne serait pas favorable à la société. »
Ce serait aussi favorable à la Caisse des dépôts elle-même. La CDC et Veolia négocient en effet depuis plusieurs mois le mariage de leurs filiales de transport public, Transdev et Veolia Transports, pour donner naissance au numéro un mondial du secteur.
Les relations d'affaires qui ont compris
Au conseil d'administration de Veolia, Adrien de Romanet n'est pas la seule relation d'affaires d'Henri Proglio. Le nouveau président d'EDF a pu compter sur la compréhension de deux partenaires étrangers.
Paolo Scaroni, directeur général du groupe pétrolier italien Eni, a intérêt à bien s'entendre avec le nouveau patron d'EDF.
EDF va participer au projet de gazoduc South Stream, lancé par Eni et le russe Gazprom. Il ne reste plus qu'à définir la place exacte du Français dans ce montage, et de bonnes relations avec Henri Proglio ne peuvent que faciliter les choses.
Esther Koplowitz dirige FCC, groupe espagnol spécialisé dans le BTP et l'environnement. Comme Veolia, donc. Pour Henri Proglio, le groupe espagnol n'est pas un concurrent, mais un partenaire : Veolia et FCC possèdent depuis plusieurs années une filiale commune en Amérique latine.
Les financiers compréhensifs
Le directeur général de BNP Paribas est habitué aux débats sur les salaires des patrons. Il a dû accepter de revoir le sien à la baisse, en renonçant aux bonus et aux stock options, en échange de l'aide financière de l'Etat.
Jean Azema, patron de Groupama
Le directeur général de l'assureur Groupama cumule aussi les postes d'administrateurs, chez Veolia, Bolloré, la Société Générale ou la banque italienne Mediobanca.
Georges Ralli est le vice-président de la banque Lazard.
Jean-Marc Espalioux connaît bien la maison : il est passé par la Compagnie générale des eaux, la future Veolia, avant de prendre la tête du groupe Accor, où une partie des petits actionnaires avait contesté sa rémunération. Il est aujourd'hui PDG de la Financière Agache.
Le point commun entre Jean-François Dehecq et Henri Proglio, c'est le fameux titre de président « non-exécutif » : le premier était celui du groupe Sanofi, le second découvrira cette fonction à Veolia.
Les hommes de la maison qui ont soutenu le patron
Paul-Louis Girardot, président du conseil de surveillance de Veolia Eau et Philippe Kourilsky, chercheur, membre du « comité de prospective » de Veolia
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