Dans ce billet publié sur Médiapart, le journaliste et écrivain Bernard Oustrières racontait l'incident qui a eu lieu après l’hommage rendu aux dix maquisards assassinés par les nazis à la ferme de La Limatte, près de Signes dans le Var.
"Cette manifestation annuelle", explique-t-il, "qui revêt un caractère sacré pour les Résistants, leurs familles et les amis de la Résistance du Var, attire toujours de nombreux élus auxquels se joint le représentant du préfet. Rien ne laissait présager que la dernière commémoration, le 2 janvier donc, donnerait lieu à un vif incident".
Dans son discours, Claude Roddier, la présidente départementale de l’ANACR, expliquait que les Résistants et leurs amis ne pouvaient pas accepter ces attaques continues contre les acquis du CNR, en particulier les mesures contre les retraites et le démantèlement en cours de la Sécurité sociale.
Dans la salle où ils s'étaient réunis pour cette commémoration, se trouvaient des élus du Var, dont beaucoup étaient des membres de l'UMP, ainsi que le représentant du préfet.
''''Les Jours heureux, programme du CNR''''
Or, ces personnes ont quitté la salle quand Claude Roddier a dénoncé la situation actuelle, où le programme du CNR, intitulé “les jours heureux”, est impitoyablement démantelé. Rappelant, par exemple, les propos que tenait en 2007 Denis Kessler:
"Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde. Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. (…) Il est grand temps de le réformer”.
L'affront que ces élus UMP ont infligé à ces résistants d'hier et d'aujourd'hui, chenus, certes, mais toujours engagés pour défendre les principes mêmes énoncés par le CNR, s'il est méprisable, n'est pas une surprise.
En revanche, le départ du sous-préfet n'est pas, lui, digne d'un représentant de la République, censé être à l'écoute de tous les citoyens et observer, en tant que serviteur de l'Etat, la neutralité que lui impose le principe de laïcité.
(Curieux, tout de même que le principe de laïcité, dont tout le monde se prévaut pour justifier tout et n'importe quoi, soit violé dans l'indifférence quasi-générale par ceux qui doivent l'appliquer à eux-mêmes et le faire appliquer).
Voici le courrier que Pierre-Yves CANU, Croix de guerre pour fait de Résistance, a envoyé, le 4 janvier 2011 au Préfet du Var à la suite de cette prise de position partisane:
"J'ai l'honneur de vous faire part de l'émotion ressentie le 2 janvier 2011, à Signes au cours de la réunion commémorative des fusillés de La Limatte. La Présidente de l'ANACR, association dont je fais partie en qualité d'ancien résistant, a tenté d'exprimer la déception des résistants en raison de la non-application par nos différents gouvernements du programme du CNR préconisé au moment de la Libération.
Les observations formulées sur l'abandon de ce programme ne pouvaient laisser indifférent votre représentant. Or celui-ci, au lieu de rester à l'écoute de l'opinion exprimée par ceux et celles qui avaient participé à la Libération du Territoire au mépris des dangers, n'a pas cru devoir écouter leur voix, alors que l'on venait de commémorer la mort de 11 d'entre eux, résistants et maquisards. Il a préféré quitter la tribune officielle.
Je me permets, Monsieur le Préfet, de m'étonner de ce départ. Votre Honoré Prédécesseur dans l'Histoire, Jean Moulin, a toujours fait face.
Je regrette surtout qu'un dialogue ne se soit pas instauré entre vous, représentant de l'Etat et nous, représentants d'une partie des citoyens, qui ne désirions qu'honorer nos morts et être fidèles à leurs engagements". PYC.
S'en prendre aux Résistants pour les empêcher de parler: les dérives inquiétantes d'un pays gouverné par un clan partisan et revanchard.
Lire article ici: Indignez-vous!
Cet incident révélateur du monde actuel rappelle les attaques que subit Stéphane Hessel, en particulier depuis le succès populaire de son opuscule "Indignez-vous", où il dénonce les écarts de richesses croissants, le traitement cruel dont pâtissent les sans-papiers et les Roms, la dictature des marchés financiers et les acquis sociaux de la résistance.
Stéphane Hessel, 93 ans, né à Berlin d'un père juif, humaniste, ancien résistant, capturé et torturé par la Gestapo, déporté à Buchenwald et Dora, a suivi de près l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 avant de devenir ambassadeur de France.
Or, cet honnête homme d'un âge vénérable fait actuellement l'objet d'une violente campagne à cause de son engagement contre la politique d'Israël vis-à-vis des Palestiniens et de son soutien à la campagne en faveur du boycott des produits israéliens fabriqués dans les territoires occupés.
Ces prises de position lui ont valu, avec d'autres personnes, d'être poursuivi pour "incitation à la haine raciale ou à la violence".
Un comble.
Mais la France "décomplexée" d'aujourd'hui ne pêche ni par excès d'élégance ni par souci de paix civile, de justice et d'humanité.
La France d'aujourd'hui n'a d'autre ambition que de vendre à des décérébrés des boissons gazeuses importées.
Dernier épisode en date de cet acharnement (mais probablement pas l'ultime) :
La directrice de l'Ecole Normale Supérieure, a décidé de retirer la réservation de la salle accordée pour la tenue d'une rencontre exceptionnelle avec Stéphane Hessel mardi 18 janvier.
Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) revendique cette victoire de la censure, et remercie ses amis : Valérie Pécresse (ministre de l'enseignement supérieur), Bernard-Henry Lévy, Alain Finkielkraut, Claude Cohen-Tanoudji, Arielle Schwab.
Voir l'article sur Médiapart.
Là encore, l'objet est de faire taire tout débat démocratique et d'empêcher toute réflexion qui ne serait pas dans la ligne officielle.
Curieux que ceux qui sont si soucieux du respect de ce qu'ils appellent la "liberté d'expression" pour eux-mêmes et pour leur dogme, s'acharnent à interdire cette liberté d'expression quand celle-ci contredit leur idéologie.
Curieux aussi qu'une association partisane confessionnelle soit gardienne de la liberté d'expression en France.
Curieux, enfin, qu'un autre préfet, celui de Paris, ait donné son autorisation pour la tenue des "Assises contre l'islamisation de l'Europe", la préfecture de police rappelant (à juste titre) dans un communiqué que "la liberté de réunion fait partie des libertés fondamentales" et que "l'autorité administrative ne peut interdire la tenue d'une réunion que s'il s'agit du seul moyen d'assurer l'ordre public".
La liberté de réunion, oui, mais, désormais, à géométrie variable, selon l'intime conviction d'un préfet de la république dont la stabilité sur le poste envié dépend de sa docilité et de son zèle envers le pouvoir politique en place.
On constate finalement qu'en France, aujourd'hui, la condamnation des propos ne s'applique pas à ceux qui appellent à la haine et à l'exclusion doctrinaire d'une partie de la population, mais à ceux qui défendent la paix et le respect des lois internationales.
Volonté de détruire coûte que coûte les acquis du CNR: un exemple qui fait froid dans le dos
Ancien résistant de la Main d'œuvre immigrée (MOI, proche du Parti communiste français), Joseph vient de mourir à l'âge de 102 ans.
Né en 1908 dans la communauté juive polonaise de Brest-Litovsk, russe à l'époque, militant du Parti communiste polonais en 1924 et, contraint à l'exil, il arrivera en France à l'âge de 18 ans. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il rejoint les rangs de l'armée polonaise en France, puis s'engage dans la Résistance au côtés de la MOI.
A 98 ans, Joseph publiait le récit de sa vie dans : "''L’Extraordinaire histoire de ma vie ordinaire''" (Le Seuil, 2006), où il raconte son engagement communiste, la résistance, la clandestinité et où on apprend qu'il a quitté le Parti en 1967 et a milité dans de nombreuses associations.
Joseph s'appelait Minc, oui, Minc, comme son fils, Alain, "conseiller" des patrons du CAC 40.
Alain Minc, qui a déclaré récemment:
" J’ai un père qui a 102 ans, il a été hospitalisé 15 jours dans un service de pointe. Il en est sorti. La collectivité française a dépensé 100 000 € pour soigner un homme de 102 ans. C’est un luxe immense, extraordinaire pour lui donner quelques mois, ou quelques années de vie (…) je trouve aberrant que l’Etat m’ait fait ce cadeau à l’œil (…) je pense qu’il va falloir s’interroger sur le fait de savoir comment on va récupérer les dépenses médicales des « très vieux », en mettant à contribution, ou leur patrimoine, quand ils en ont un, ou le patrimoine de leurs ayant droit ».
Voir aussi ici.
Détruire le CNR, détruire la France et son histoire.
Tuer le CNR. Tuer le père.