LE MONDE | 09.06.09 | 10h40 • Mis à jour le 09.06.09 | 10h41
Bruxelles, bureau européen
La victoire est un plat qui se mange chaud : la droite entend pousser son avantage pour assurer la reconduction de son candidat, José Manuel Barroso, à la tête de la Commission européenne. Ce dernier a fait officiellement acte de candidature, mardi 9 juin, et devait s'envoler dans l'après midi vers Berlin pour y mener des consultations avec la chancelière allemande, Angela Merkel.
Soucieux d'agir vite, le Parti populaire européen (PPE), dont est membre l'UMP, veut prendre de court les appels au front "anti Barroso" lancés par certaines formations, dont l'écologiste Daniel Cohn-Bendit.
Joseph Daul, le président français du groupe PPE dans l'hémicycle, devait rencontrer mardi M. Barroso pour lui demander de s'engager sur un "pacte de législature". Ce document reprend les grandes lignes du programme électoral de sa formation au sujet de "l'économie sociale de marché", de la sécurité, ou de l'immigration. Le texte pose également la question des frontières de l'Union, sans mentionner les négociations avec la Turquie.
Mardi matin, M.Barroso a lui-même placé son éventuel second mandat dans une double perspective : "Une meilleure régulation financière" et une "croissance plus verte et durable".
RECONDUCTION RAPIDE
La formation majoritaire au Parlement européen privilégie le scénario d'une reconduction rapide de M. Barroso. Comme le groupe PPE, le président de la Commission espère que les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept enclencheront la procédure formelle de sa reconduction dès le Conseil européen des 18 et 19 juin. Il souhaite un vote de confirmation le 15 juillet, lors de la séance inaugurale du Parlement.
Ce scénario laisserait le temps à M. Barroso de former son équipe après l'été et de mûrir son programme en vue d'un second mandat, après consultation des groupes parlementaires et des gouvernements. "Il n'est pas possible de mener ces consultations avec un fantasme", dit un proche de M.Barroso pour justifier une reconduction rapide.
Or, ce calendrier continue d'être contesté par la France et, dans une moindre mesure, par l'Allemagne. Paris maintient la pression sur M. Barroso en mettant en avant des arguments juridiques : "La question est de savoir si on peut élire le président de la Commission sous le traité de Nice et le reste de la Commission sous celui de Lisbonne, dans l'hypothèse de sa ratification" par les pays de l'Union qui ne l'ont pas encore fait, dont l'Irlande, indique un diplomate : "Le PPE veut avancer vite, car l'approbation de M. Barroso dans la configuration actuelle serait plus facile pour lui".
Avec le traité de Nice, actuellement en vigueur, la désignation du patron de l'exécutif européen nécessite une simple majorité des votants au Parlement. Une majorité absolue des eurodéputés serait au contraire requise, avec le traité de Lisbonne, pour "élire" M. Barroso. C'est-à-dire 369 élus, alors que le PPE devrait disposer de 263 membres, selon des projections provisoires.
En position de force, la droite ne peut néanmoins pas avancer seule. "Aucun groupe politique n'a de majorité absolue, donc il faut négocier", a convenu lundi le Belge Wilfried Martens, président du Parti populaire européen, en tendant la main au Parti socialiste européen (PSE, 161 membres à ce stade) et aux libéraux-démocrates (80), dont est membre le MoDem.
Graham Watson, le président britannique des libéraux-démocrates, s'est montré ouvert à ce ménage à trois à condition qu'il favorise sa candidature à la présidence du Parlement. Il n'exclut pas de soutenir M. Barroso, même s'il n'estime "pas logique" d'accélérer le mouvement avant la ratification du traité de Lisbonne.
Sonné par sa défaite, le PSE n'a pas encore répondu à l'invitation. Lors de la dernière législature, il avait négocié un "accord technique" avec le PPE, portant sur la répartition des postes les plus importants, dont la présidence de l'hémicycle. Le président sortant du groupe, l'Allemand Martin Schulz, envisageait de renouveler cette association, mais sa position a été affaiblie par l'échec du SPD en Allemagne.
Une partie des membres du groupe, dont les Français, ne sont pas en meilleure situation, mais ne veulent pas entendre parler d'une reconduction de M. Barroso, jugé trop libéral et peu réactif dans la crise économique.
Article paru dans l'édition du 10.06.09.