Le mouvement des Indignés, lancé le 15 mai dernier, s’est étendu à toute l’Espagne, où des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues. Le village de bâches bleues de la Puerta del Sol de Madrid reste le cœur de cette mobilisation relayée par les réseaux sociaux. Sans aucune illusion sur une expulsion à venir sans doute prochainement, les nouveaux habitants de la Puerta del Sol s’organisent : cantines et commission « alimentation », équipes de nettoyage, groupe chargé « des infrastructures et de la propreté », infirmeries... Lundi, lors d’une assemblée générale, ils ont décidé de poursuivre l’occupation pendant encore une semaine. Et tentent de déplacer les débats vers des assemblées de quartier.
Visite de la Puerta del Sol, avec des photos prises par des participants du « mouvement des indignés » (cliquez sur une photo pour ouvrir le diaporama).
Manifeste du collectif espagnol Democracia Real Ya : « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers »
« Nous sommes des personnes ordinaires. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour travailler ou pour chercher un boulot, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entourent.
Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus progressistes, d’autres plus conservateurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéologies très définies, d’autres se considèrent apolitiques. Mais nous sommes tous très préoccupé-e-s et indigné-es par la situation politique, économique et sociale autour de nous. Par la corruption des politiciens, entrepreneurs, banquiers… Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.
Cette situation nous fait du mal quotidiennement ; mais, tous ensemble, nous pouvons la renverser. Le moment est venu de nous mettre au travail, le moment de bâtir entre nous tous une société meilleure.
Dans ce but, nous soutenons fermement les affirmations suivantes :
L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.
Des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.
Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle au progrès de l’humanité.
La démocratie part du peuple (demos = peuple et cracia = gouvernement), par conséquent le gouvernement doit être le peuple. Cependant, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix jusqu’aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe et aussi, de procurer le plus de bienfaits possibles à la majorité de la société. Et non pas, celles de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE [1].
La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité -le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.
La volonté et le but du système sont l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.
Nous, citoyens, faisons partie de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.
Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une rentabilité économique abstraite qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons éliminer les abus et les carences que nous subissons tous.
Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Être Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.
A la vue de cela, je suis indigné(e).
Je crois que je peux changer les choses.
Je crois que je peux aider.
Je sais que, tous ensemble, nous le pouvons.
Sors avec nous. C’est ton droit. »
Manifeste publié sur le site de Democracia Real Ya / Traduit par le collectif Rebellyon.info / Traduction additionnelle : Ophelia Noor - publiée sur Owni
Photos : © Slimjazz / mauri65 / Carmen Bascaran
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