La conférence des parties (COP), son organe de décision, se réunira, pour la quinzième fois, en décembre 2009 à Copenhague (COP15) afin de mettre en place un nouveau protocole, après celui de Kyoto, qui prend fin en 2012. Les décisions à prendre relèvent d’une véritable urgence, pour que les objectifs de stabilisation donnés par le GIEC, support essentiel de la convention, puissent être atteints. Il s’agit de parvenir au minimum à une réduction globale des émissions de gaz à effet de serre (GES) de moitié d’ici 2050, ce qui implique une division par 4 au moins pour les pays industrialisés, alors que depuis 1990, les émissions globales ont augmenté de 11% !
Cette conférence revêt donc une importance sans précédent dans l’histoire humaine, notamment du fait que les pays du Sud seront engagés dans le nouveau protocole et que les décisions impliqueront des modèles de sociétés au Nord et au Sud- déterminant les conditions de vie des populations, à commencer par celles des plus pauvres et des plus précaires. La sauvegarde des écosystèmes engage l’ensemble des droits humains, individuels et collectifs.
Crise climatique, crise de civilisation
Les dégâts dus à la crise climatique, élément majeur de la crise écologique, sont déjà considérables. Les calculs scientifiques, réalisés à l’horizon 2050 ou 2030 ne doivent pas en effet faire oublier les effets déjà-là du changement climatique : sécheresses, inondations, fonte des glaces, fréquence des ouragans, exilés climatiques… Ces catastrophes, tout comme les incertitudes actuelles sur les enchaînements possibles en cas de dépassement des seuils de réchauffement, peuvent laisser émerger des visions d’apocalypse avec la résignation à la fatalité du destin. Or cette crise n’est pas une punition divine, elle n’est pas non plus imputable à la « nature » humaine qui serait par essence prédatrice.
Elle s’inscrit au cœur des sociétés qui ont fait comme si leur organisation économique et sociale pouvait être indépendante et séparée des écosystèmes, traités comme de simples pourvoyeurs de ressources que les progrès scientifiques et techniques pourraient renouveler ou remplacer à l’infini. Le développement industriel, fondé sur l’exploitation des ressources fossiles et l’extension du processus d’industrialisation à l’ensemble des activités humaines et à la planète entière, est responsable du réchauffement global de la planète et des perturbations climatiques. La concentration atmosphérique mondiale du dioxyde de carbone a crû d’environ 280 ppm (parties par million, mesure de la teneur de l’atmosphère en molécules de carbone) pendant l’ère pré-industrielle à 385 ppm en 2008 ; elle augmente d’environ 2 ppm par an, valeur très supérieure aux variations observées durant les 650 000 dernières années (180 à 300 ppm). Le seuil de précaution climatique, au-delà duquel pourrait s’enclencher un véritable emballement, a été fixé à 450ppm par le GIEC, et certains scientifiques préconisent aujourd’hui un retour à 350 ppm pour éviter le dépassement de ce seuil.
La crise écologique et le dérèglement climatique traduisent les limites et les contradictions d’un système productiviste dans lequel les forces économiques possédantes et dominantes, pourraient indéfiniment, au nom de la rentabilité, du profit, voire du progrès, s’approprier et se soumettre les sociétés et leurs écosystèmes, réduits à des champs d’expansion du capital. Les politiques néolibérales et la globalisation économique, en étendant ce modèle à l’ensemble de la planète, ont accru et accéléré la pression sur les ressources à un point inimaginable. La globalisation, en s’attaquant à toutes les limites s’opposant à la marchandisation et à la croissance infinies, a paradoxalement révélé les limites écologiques du monde. Le libre-échange absolu détruit les systèmes de production locaux, accélère la prédation des ressources et favorise l’explosion des transports à l’échelle internationale. La simultanéité de l’explosion des déséquilibres financiers, sociaux, agricoles, écologiques n’est pas un hasard de calendrier, mais le signe des limites atteintes par un système qui a imposé la logique économique de rentabilité à court terme à l’ensemble des sociétés au profit d’une minorité et qui a soumis ou tenté de soumettre l’ensemble des champs de la vie sociale à la logique économique du profit.
Le productivisme, la fuite en avant vers une croissance matérielle sans limite, se sont largement fondés sur la promesse d’une amélioration globale par la répartition des fruits de l’accumulation, selon le principe du « plus c’est mieux ». Ces bases sont aujourd’hui ébranlées par la conscience du caractère nocif de nombre de biens et services produits et par l’explosion sans précédent des inégalités au sein des sociétés et entre les sociétés du monde. La fuite en avant dans la logique productiviste ne répond en rien au souci de préserver les sociétés ou d’améliorer la qualité de la vie, mais répond à des objectifs à très court terme de rémunération des actionnaires .
La crise écologique met à nu des inégalités sociales et environnementales, des dénis d’humanité, qui ne sont pas de simples conséquences de la crise comme pourrait le laisser penser le discours compassionnel vis-à-vis des « victimes ». Elles se trouvent au cœur de son explication. Aucune solution durable ne pourra être trouvée sans la reconnaissance des responsabilités particulières des plus puissants et des conflits d’intérêt qui divisent ceux qui détiennent le pouvoir économique et les élites politiques qui leur sont soumises et les populations qui résistent à l’expropriation de la substance même des sociétés, le travail et les richesses naturelles. Les inégalités devenues abyssales nourrissent, pour les plus riches, des modes de consommation écologiquement insoutenables, qui engendrent des effets d’imitation à bon marché et souvent dangereux pour les autres catégories sociales. La dette écologique des pays du Nord vis-à-vis de ceux du Sud suppose des politiques différenciées et des transferts massifs de ressources pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique et pour l’éclosion de systèmes socialement justes et écologiquement soutenables. Les discours moraux et la culpabilisation individuelle sont des obstacles à la prise de conscience collective nécessaire pour agir et à la mobilisation des forces sociales.
Voilà pourquoi la crise climatique est un révélateur d’une crise de civilisation, en ce sens que c’est la possibilité d’une vie humaine et sociale sur la planète qui se trouve engagée dès maintenant. Certes les menaces qui pèsent sur la planète peuvent faire émerger la conscience universelle d’un destin partagé. Mais une humanité qui serait unifiée et agglutinée par la simple recherche de sa survie en tant qu’espèce prendrait le risque de perdre ses capacités d’invention politique et sa diversité. Une humanité qui serait réduite à la lutte pour sa survie renforcerait la vision économiste et productiviste du monde, excluant tout choix politique. Il ne nous resterait ainsi qu’à nous en remettre aux entreprises transnationales de l’agroalimentaire pour « nourrir la planète », au marché du carbone pour réguler les émissions de gaz à effet de serre, et plus globalement aux technologies vertes qui à elles seules devraient nous sortir du mauvais pas, sans rien changer par ailleurs. Il nous resterait également à nous en remettre à des Etats dotés de pouvoirs d’exception au nom des intérêts supérieurs de la planète, au mépris des libertés individuelles et collectives et au mépris des droits et protections sociales collectives.
Pour conjuguer écologie, justice et solidarité, la lutte contre les dérèglements climatiques suppose des mesures qui aillent dans le sens de l’abandon d’un modèle de développement qui, pour augmenter la part que s’attribuent les riches, conduit à l’explosion des inégalités sociales, à l’exclusion radicale d’une masse croissante de personnes, à leur rejet dans les périphéries du système, et à la destruction irréversible du seul habitat possible pour les sociétés humaines. Elle suppose dès maintenant une véritable mobilisation sociale et politique qui permette de conjuguer écologie et liberté, écologie et démocratie.
Les échecs du protocole de Kyoto
Des outils de marchés inefficaces, nocifs et contournés
Le protocole de Kyoto 2005- 2012
Le protocole de Kyoto, négocié entre 1995 et 1997 est entré en vigueur en 2005, après de nombreuses péripéties et en particulier le refus des USA de se soumettre à des objectifs chiffrés. C’est le premier accord international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, même si les objectifs sont peu ambitieux.
L’objectif négocié à Kyoto fut la réduction de 5,2% des émissions de gaz à effet de serre en 2012 par rapport au niveau atteint en 1990. Cet engagement fut signé par 39 pays industrialisés (dits de l’annexe B, pays industrialisés et pays en transition vers l’économie de marché). Les mécanismes de flexibilité Trois instruments furent retenus.
Le marché de permis d’émission négociables entre les parties de l’annexe B (MPEN) Chaque Etat reçoit une allocation d’UQA (unité de quantité attribuée) en fonction d’un plafond d’émission autorisé (cap). Le principe est que les États attribuent aux industries une quantité de droits à émettre des gaz à effet de serre (GES), comptabilisés en tonnes équivalent CO2, pendant une période donnée. À la fin de la période, chaque entreprise doit restituer autant d’unités de quantités attribuées (UQA) que de tonnes équivalent CO2 émises. Ces droits peuvent être échangés (trade). D’où le système dit de « cap and trade ».
Le mécanisme d’application conjointe (MAC, ou mise en œuvre conjointe MOC) Une entreprise d’un pays de l’annexe B réalise un investissement dans un autre pays de l’annexe B. Elle récupère des quotas (correspondant aux émissions évitées) qui sont créés et elle les revend sur le marché. L’unité de transaction est l’Unité de réduction des émissions (URE ou ERU, Emission Reduction Unit).
Le mécanisme de développement propre (MDP)Le mécanisme est identique au précédent mais il s’applique entre une entreprise d’un pays riche et un pays pauvre non membre de l’annexe B. L’unité de transaction est l’Unité de réduction certifiée des émissions, URCE ou CER, Certified Emission Reduction.
Le protocole de Kyoto constitue la première étape d’un engagement international pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sous l’égide des Nations unies, même si les objectifs tracés étaient largement insuffisants. Toutefois, et même si certaines ONG écologistes ont porté lors des négociations l’exigence de la nécessité de transformations profondes du modèle de développement dominant pour atteindre les objectifs, ce protocole ne l’évoque à aucun moment. Bien au contraire, la logique économique de poursuite d’une croissance matérielle infinie, assortie du dogme du libre-échange et de la capacité du marché à réguler les sociétés et le climat, a eu gain de cause.
C’est précisément pour concilier la perpétuation du modèle économique dominant et la réduction des émissions que des « mécanismes de flexibilité » ont été introduits dans le protocole (cf. tableau). Ainsi, se construit peu à peu un marché du carbone, censé réguler les émissions. Le marché européen ou ETS (Emissions Trading System), est le premier à fonctionner depuis 2005. Mais l’allocation gratuite des quotas aux entreprises a été si généreuse que le marché s’est effondré fin 2006, le prix de la tonne d’équivalent pétrole avoisinant les zéros euros ! D’autres marchés de ce type vont être mis en place en Australie et à l’est des États-Unis.
Il existe également un marché des crédits d’émission, alimenté par les crédits obtenus dans le cadre des deux autres mécanismes de flexibilité, MOC et MDP. Grâce à ces mécanismes et surtout au MDP qui concerne les investissements « propres » dans les pays du Sud, l’industrie a pu acheter des droits à bon marché et éviter les coûts de passage à une production pauvre en carbone. À cela s’ajoutent les aubaines et opportunités sur les marchés dérivés et autres services financiers exotiques. Les opérations d’achat et vente sur ces marchés des droits d’émission et des crédits passent par des marchés dérivés et des contrats à terme, qui contiennent des promesses de vente de quotas d’émission ou de crédits, dans une certaine quantité, à un certain prix, à une date donnée.
Pour l’instant, les marchés du carbone, certes en augmentation, sont encore restreints, mais la priorité donnée à la finance carbone pour réguler le changement climatique les appelle à grandir très rapidement. Un rapport récent des Amis de la Terre International, souligne la profusion de contrats « bad carbon » ou encore « junk carbon » (carbone pourri), pour lesquels les risques de non-exécution sont importants et dont le prix peut s’effondrer (FOEI, http://www.foe.org/subprimecarbon). Enrayer l’expansion du marché carbone et toute possibilité de spéculation financière est donc l’un des enjeux de la conférence de Copenhague 2009.
Les enjeux de la conférence de Copenhague
Les négociations actuelles portent essentiellement sur les objectifs chiffrés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sur les mécanismes à mettre en œuvre pour les atteindre, sur les institutions à même de porter les négociations et la réalisation des engagements. Ces questions, techniques en apparence, contiennent des enjeux politiques, sociaux et démocratiques essentiels.
L’extension du marché du carbone : une sale bombe à retardement
Les critiques vis-à-vis de la finance carbone et notamment des MDP, portées par les pays du Sud sont largement partagées. De nombreuses études convergent pour dire que les deux-tiers des MDP ne concourent en fait à aucune réduction d’émission alors qu’ils ont des conséquences sociales dramatiques, qui illustrent l’injustice climatique portée par le principe des MDP. Ainsi au Panama, la construction de quatre barrages sur des territoires indigènes ou encore à Okhla en Inde un incinérateur construit au sein d’une zone habitée, ont reçu ou vont recevoir l’agrément MDP. Mais ces critiques entament peu la détermination des pays du Nord à les développer.
Ainsi, à Copenhague, sera discutée l’inclusion du captage et du stockage du CO2 dans les MDP. L’inclusion du nucléaire, dans le mécanisme MDP est aujourd’hui explicitement envisagée. Lors de sa dernière réunion à Rome en avril 2009, la FAO demande l’inclusion de l’agriculture (qui représente 14% des émissions totales dans le monde) dans le MDP : les sols pourraient être utilisés pour la séquestration du carbone. Alors que l’accaparement des terres par des firmes transnationales ou des États est aujourd’hui largement entamé, l’inclusion de l’agriculture dans les MDP accélèrerait le processus de privatisation des biens communs.
Il en est de même des forêts qui vont constituer un point central des négociations de Copenhague. Le REDD (Reduced Emissions from Deforestation and Degradation) est le programme de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. Il s’agit d’un mécanisme de gestion de la forêt pour éviter la déforestation.
Au lieu de réglementations strictes fondées sur les droits des peuples, au lieu de programmes nationaux d’entretien et de sauvegarde de la forêt et de projets d’aménagement forestier sur une base communautaire, c’est l’inclusion des programmes REDD dans la finance carbone qui tend à se dessiner, sous l’instigation notamment de la Banque mondiale. Ce programme, qui inclut les plantations dans les forêts, feint d’ignorer que les forêts naturelles sont des réserves de biodiversité irremplaçables, qu’elles abritent des populations qui vivent de la forêt et l’entretiennent. Il oublie également que la déforestation est aussi et surtout le fait de compagnies qui détruisent les forêts primaires, en accaparent le bois, les transforment en plantations (souvent à base d’OGM) ou en culture d’agrocarburants, y compris dans le cadre du mécanisme du développement propre. Le Forum international des peuples indigènes sur le changement climatique (IIPFCC) demande la suspension immédiate des projets REDD et des régimes fondés sur la finance carbone dans les territoires indigènes. Le système REDD est en fait conçu pour récompenser ceux qui éliminent les forêts au lieu de rémunérer ceux qui les protègent !
Priorité à la réduction des émissions directes
S’appuyant sur les travaux du GIEC, les Amis de la Terre International, tout comme le réseau international « Climate Justice Now ! » réclament une baisse de 40 % des émissions de GES d’ici 2020 et de 95 % d’ici à 2050. Ils refusent tout mécanisme de flexibilité pour les objectifs nationaux et demandent la reconnaissance de la dette écologique des pays du Nord vis-à-vis des pays du Sud. Le problème du réchauffement climatique ne pourra se résoudre en le déplaçant. C’est pourquoi chaque Etat doit s’engager, dans le cadre de ses propres frontières, à atteindre les objectifs que l’accord désignera. Il est en outre illusoire d’imaginer que la transformation du modèle de développement occidental puisse se passer de politiques industrielles, agricoles, de logement et de transports cohérentes et définies de façon démocratique en tenant compte des objectifs de réduction des émissions.
Pour cela, un accord véritable et capable d’inverser les tendances actuelles des émissions et de préserver la viabilité des sociétés humaines, suppose la mise en œuvre préalable de la justice climatique, c’est-à-dire de contraintes équitablement réparties pour que chacun, quel que soit son pays, sa situation sociale, puisse bénéficier d’un usage partagé des biens communs. Bien loin de s’appuyer exclusivement sur des outils de marché, qui ont fait preuve de leur inefficacité et de leur nocivité, cela signifie la mise en œuvre et le soutien à des programmes volontaristes de transition ou de recréation de systèmes locaux de production socialement justes et adaptés aux contraintes écologiques des milieux, en exploitant les ressources de façon renouvelable. Nombre de mouvements sociaux sont déjà porteurs de ces exigences qui dessinent un nouveau paradigme.
C’est pourquoi, au lieu des mesures de sauvetage de l’industrie, qui permettent essentiellement de maintenir ou d’accroître les revenus des actionnaires, de véritables plans de reconversion des industries les plus polluantes sont nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs et l’équilibre des écosystèmes.
Affronter la crise climatique passe aussi par une réorientation de la consommation, par l’arrêt du démantèlement des services publics et le développement des consommations collectives, plus justes et moins prédatrices de l’environnement, par la promotion d’une véritable agriculture paysanne, qui, à terme, devrait représenter jusqu’à un quart des emplois, par le développement des énergies renouvelables, créatrices d’emploi.
Les prétentions de la Banque mondiale
Les MDP tendent à remplacer le financement multilatéral réclamé par les pays du Sud et sont promus par la Banque mondiale et par des lobbies de l’industrie et de la finance : pourtant, les marchés du carbone n’ont pas permis la réduction globale des émissions. En revanche, ils permettront aux pays riches grands pollueurs d’atteindre leurs objectifs de réduction, grâce aux droits obtenus dans les pays du Sud et au détriment de la reconversion nécessaire des manières de produire et de consommer. Si les pays du Sud, et en particulier le G77 et la Chine, réclament un financement multilatéral sous l’égide de l’ONU, la Banque mondiale tend à se revendiquer comme le centre du système de financement : elle multiplie les fonds, sollicite les contributions des États alors que les fonds ONU sont très insuffisants. Le but de la Banque mondiale est de favoriser et de participer à un marché mondial du carbone. Selon son rapport 2008, elle gère plus de 2 milliards de dollars US par l’intermédiaire de 10 fonds ; 1,4 milliards ont déjà été engagés dans des projets. Dans le même temps, entre 2007 et 2008, le groupe Banque mondiale a augmenté de 60% son financement pour des projets d’investissements dans l’énergie fossile (comme le financement d’une centrale électrique de 4000 mégawatts en Inde). Moins de 10% des prêts servent des petits projets d’énergies renouvelables, alors que près de 80% sont destinés aux industrie charbonnières ou chimiques sous couvert de financer leur adaptation à des technologies moins polluantes. La Banque Mondiale n’est donc pas crédible en matière de lutte contre le changement climatique.
Un fonds de financement sous l’égide de l’ONU
Un accord international efficace supposerait tout d’abord la reconnaissance de la dette écologique des pays du Nord, le transfert sur une grande échelle de ressources financières et de savoirs des pays riches vers les pays pauvres, la reconnaissance de la souveraineté alimentaire et énergétique, la préservation des biens communs. Tout ceci suppose la remise en cause des accords de libre-échange imposés dans le cadre de l’OMC ou d’accords bilatéraux, qui, soumettent les pays du Sud à une prédation sans précédent de leurs ressources, le plus souvent avec le soutien des élites locales.
Le financement de la lutte contre le dérèglement climatique doit être obligatoire et automatique dans le respect du principe de Nations unies affirmant « des responsabilités communes mais différenciées sur la base des contributions historiques et actuelles au réchauffement climatique et de leur capacité à payer ». Il doit reposer sur des ressources publiques stables, transparentes et doit être administré par les Nations unies.
Afin de dégager des ressources, des taxes globales et nationales, différenciées et progressives sont nécessaires. Elles peuvent porter sur la consommation d’énergie, sur les km parcourus par les produits, sur les déchets, ou sur d’autres assiettes : transactions financières ou les profits consolidés des firmes transnationales. L’accès direct au fonds doit être garanti pour les plus vulnérables, par le biais des associations populaires, des mouvements sociaux, des ONG et des mouvements de base.
La Banque mondiale, le G8 ou le G20, qui n’ont guère aujourd’hui à proposer que le développement de la finance carbone, la poursuite du modèle de concurrence généralisée et le capitalisme vert pour horizon des sociétés, n’ont aucune légitimité pour porter les transformations qui s’imposent.
La crise climatique est emblématique de la crise systémique actuelle. En l’absence de mobilisation conjointe des mouvements sociaux et des mouvements écologistes, cette crise, loin de menacer le système à court terme, peut réactiver le modèle du capitalisme néo-libéral, qui a trouvé dans les guerres et les crises, le principe même de sa régulation. A la globalisation économique et financière et à la concurrence généralisée, prédatrices du travail et des ressources, nous opposons donc l’exigence d’une relocalisation des activités et d’une coopération internationale dans le cadre des Nations unies. Les exigences de justice climatique doivent être portées collectivement pour qu’un accord des Nations unies puisse voir le jour et définir un cadre global et des points d’appui pour des politiques et des initiatives à la base, combinant l’urgence écologique, justice sociale et débat démocratique, en accord notamment avec la déclaration universelle des droits de l’Homme et la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.