Présidentielle 2007 : la fraude est flagrante !
AgoraVox. Le 22 mars 2011 par Emile Wolf
Avant d’user l’homme qui l’exerce, le pouvoir le corrompt. La plupart des dirigeants des prétendues démocraties occidentales n’échappent pas cette règle millénaire. Ils n’ont rien à envier à ceux qu’ils critiquent et répudient dans les pays tiers. Dans le concert des républiques dont la démocratie chancelle, la France est dignement représentée par ses responsables politiques, prétendus remparts d’un Etat de droit qu’ils piétinent.
Voici une affaire, un brin technique, qui aurait dû défrayer la chronique si elle n’avait arrangé les partis les plus influents. Elle mérite pour autant, plus que d’autres, d’être connue des Français, des électeurs et des contribuables. Elle est l’aboutissement des calculs et accords tacites qui pourrissent notre démocratie et désertifient les hémicycles parlementaires en dépit des joutes auxquelles paraissent s’adonner majorité et opposition devant les medias.
Il y a mille et une méthodes pour frauder une élection. Certains firent voter les morts à Paris et en Corse, d’autres s’ inscrivirent dans plusieurs bureaux de vote. Quand les urnes ne font pas l’objet d’un bourrage ou d’échanges standard à la veille du dépouillement, on use aujourd’hui de machines à voter « influencées » par des spécialistes du logiciel qu’elles utilisent. Sans parler du bidouillage enfantin du vote électronique par correspondance, je vous fais grâce de bien d’autres tricheries et délits répertoriées par le code électoral. Cependant, parmi ces dernières, il en est une apparemment plus noble et déjà ancienne dont l’efficacité, bien connue des observateurs, est redoutée des démocrates. Elle consiste à influencer l’électeur par une propagande massive dans le but de bâillonner la concurrence et maîtriser les medias en leur accordant des budgets publicitaires inespérés les incitants à choisir ou favoriser son camp.
Largement pratiqué en France, une telle méthode nécessite des moyens financiers très importants dont ne disposent pas personnellement les candidats. Voici qui oblige ces messieurs dames à accepter ou provoquer des soutiens en échange d’avantages futurs. L’inconvénient est qu’un tel principe peut, selon la volonté de parrains déçus, faire basculer les choix d’une élection à l’autre.
Sous prétexte de rendre le financement de la vie politique et des campagnes électorales plus transparent, plus égalitaire et plus moral la gens au pouvoir a, très habilement, mis en application un dispositif pour maitriser cette situation. Elle a, notamment, décidé d’étoffer et muscler le code électoral. Pour l’appliquer, elle a créé, en 1988, une Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) chargée de surveiller et contrôler les sources de financement et les dépenses, en un mot la comptabilité, des associations de financement politiques des candidats et partis. Depuis la loi organique du 5 avril 2006, modifiant la loi 62-1292 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, la CNCCFP, dont on était satisfait des services, a été préférée au Conseil Constitutionnel pour surveiller cette élection. Elle est désormais en charge du contrôle des comptes des candidats à l’élection présidentielle : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu au V du présent article. Elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes » (alinéa 5, paragraphe II, article 3 de la loi n° 62-1292).
Selon notre constitution, la plupart des élections (présidentielle, législatives, etc..) ont pour objet de confier un mandat à un homme, membre ou non d’un parti, représentant l’ensemble de ses concitoyens. L’élection du Président de la République- son mandat ne consiste ni à gouverner ni à mettre en œuvre un programme politique, comme partis et candidats le serinent à tort au bon peuple ce qui est un abus de pouvoir, mais se limite à l’arbitrage entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire- a fait l’objet de l’attention toute particulière du législateur. Non seulement le candidat doit recourir à un mandataire ou une association de financement spécialement créée pour la durée de la campagne, ce afin de le rendre, hypocritement, indépendant du parti dont, le cas échéant, il bénéficie du soutien politique, mais encore il est soumis à de nombreux articles législatifs et non réglementaires du code électoral et à un plafonnement de ses dépenses de campagne. La loi 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, adoptée par voie de référendum, régit l’ensemble de cette élection et précise les articles du code électoral qu’elle retient ou adapte.
L’article 3 de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 a été modifié le 12 mars 1988 par la loi organique 88-226 relative à la transparence financière de la vie politique. Depuis cette modification cet article fixe, noir sur blanc, par voie législative le plafond des dépenses pour la campagne à l’élection présidentielle. Comme le premier alinéa de l’article 162-3 du code électoral, existant à l’époque, ce plafond autorisé pour les dépenses de campagne à l’élection présidentielle est désormais régi par la loi et, en conséquence, fixé par le Parlement.
Ainsi l’alinéa 3 du paragraphe II de l’article 3 de ladite loi dispose en 1988 :
« Pour l'application des dispositions du premier alinéa de l'article LO. 163-2, il y a lieu de lire, au lieu de : "500 000 F", "120 millions de francs et, pour les deux candidats présents au second tour, 140 millions de francs". » Le plafond de 500.000 F auquel se réfère ledit article adapté s’applique à l’époque aux députés.
Le paragraphe V du même article concerne les conditions de la participation de l’Etat aux dépenses de campagne. C’est un sujet à matière réglementaire du ressort gouvernemental. Ce paragraphe V distingue à l’évidence ces conditions de participation de l’Etat aux dépenses de campagne du plafond de celles-ci fixé par la loi à l’alinéa 3 du paragraphe II. Une loi est une matière législative du ressort des parlementaires :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment le montant du cautionnement exigé des candidats et les conditions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande… »
Bien que l’article L.O. 163-2 du code électoral , concernant les députés, ait été abrogé le 15 janvier 1990, depuis cette révision de 1988, le plafond des dépenses de campagne présidentielle, établi par la loi 62-1292 modifiée, fait l’objet d’une décision parlementaire pour toute révision.
C’est pourquoi successivement :
La loi d’organisation 95-72 1995-01-20 art. 1 JORF 24 janvier 1995 fixe, en le diminuant, « le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 à 90 millions de francs pour un candidat à l'élection du Président de la République et le porte à 120 millions de francs pour chacun des candidats présents au second tour . »
La loi n°2001-100 du 5 février 2001 - art. 4 publiée au J.O. du 6 février 2001 en vigueur le 1er janvier 2002 converti t en euros le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 du code électoral. Il est désormais fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour.
La loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l'élection du Président de la République à laquelle se réfère la CNCCFP dans sa décision du 4 mai 2006 relative à la présentation des comptes de campagne en vue de l'élection présidentielle ne change en rien ces deux plafonds.
A son tour, la loi organique 2007-223 2007-02-21 art. 10 1° parue au J.O. du 22 février 2007 ne les modifie en rien : « Le plafond des dépenses électorales prévu par l'article L. 52-11 du code électoral est fixé à 13,7 millions d'euros pour un candidat à l'élection du Président de la République. Il est porté à 18,3 millions d'euros pour chacun des candidats présents au second tour. »
Si le paragraphe V de l’article 3 de la loi 62-1292 en vigueur en 1990 mentionne : « V - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment le montant du cautionnement exigé des candidats et les conditions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande. .. » Le décret en Conseil d’Etat en question ne concerne nullement le montant du plafond de dépenses fixé pour la campagne à l’élection présidentielle mais les modalités de la participation de l’Etat à celles-ci, pour autant qu’elle soit établie par un décret en Conseil d’Etat ». La nuance est énorme.
Suite à une révision de la loi 62-1292, le texte dudit paragraphe, en vigueur depuis le 24 janvier 1995, est simplifié. Il dispose : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment les conditions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande. »
Depuis cette révision en application de cette disposition, deux décrets en Conseil d’Etat ont été publiés au J.O celui du 8 mars 2001 sous le n° 2001- 213 et celui du n°2006-459 du 21 avril 2006 abrogeant et remplaçant le premier. Ni l’un ni l’autre de ces textes n’abordent pas le sujet du plafond des dépenses, matière législative du ressort du Parlement.
Les décrets en Conseil d’Etat présentent la particularité d’avoir été présentés à cette juridiction afin de recueillir son avis sur leur conformité à la loi. Conformément à l’article 37 de la Constitution :
« Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières (réglementaires) peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'État »
C’est le cas des conditions de la participation de l’Etat aux dépenses de propagande relative à l’élection du Président de la République selon la disposition du paragraphe V de l’article 3 de la loi 62-1292 modifiée, en vigueur depuis le 22 février 2007 : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment les conditions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande. »
Sous peine de nullité, de tels décrets doivent être soumis au Conseil d’Etat et ne peuvent être modifiés après avoir reçu son avis. Tous les textes ayant subi cette procédure sont publiés au Journal Officiel et portent la mention « le Conseil d’Etat entendu » qui les authentifie conformes à son avis.
Il faut alors s’étonner que, depuis le gouvernement Jospin et le décret no 97-1171 du 22 décembre 1997, il soit fait allusion à la majoration du plafond des dépenses électorales dans l’intitulé et référence « à la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, notamment son article 3, paragraphe II. » En effet le paragraphe II de l’article concerné n’implique le recours à aucun décret, le plafond indiqué ayant été fixé par le Parlement.
Il faut aussi s’inquiéter, depuis 2006, que 3 membres de la CNCCFP, Conseillers d’Etat honoraires, ne soient pas en mesure de dénoncer l’irrégularité d’un décret inapplicable à l’élection présidentielle et que celui du 12 février 2004 serve à définir un prétendu plafond de dépenses pour la campagne des candidats à celle-ci en 2007. D’autant que, dans sa décision du 4 mai 2006, cette autorité pour justifier le calcul dudit plafond fait référence au décret en Conseil d’Etat n°2006-459 du 21 avril 2006 modifiant le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 :
« Un nouveau décret portant majoration du plafond des dépenses électorales doit intervenir en application du dernier alinéa de l'article L. 52-11, en février 2007.
Sauf précision contraire, les articles cités sont ceux du code électoral ; les références à la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel s'entendent dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2006-404 du 5 avril 2006. Les références au décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 s'entendent dans sa rédaction résultant du décret n° 2006-459 du 21 avril 2006. »
Rien ne distingue les deux derniers décrets cités, examinés par le Conseil d’Etat, du décret ordinaire portant majoration promis pour février 2007 qui, au regard de la loi citée, ne peut concerner l’élection présidentielle. Et pour cause, selon l’article L.52-11 du code électoral auquel se réfère la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée :
« « Pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable, il est institué un plafond des dépenses électorales (1), autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de la période mentionnée au même article. Le montant du plafond est déterminé en fonction du nombre d'habitants de la circonscription d'élection …… Il est suivi d’un tableau déterminant le plafond par habitant des dépenses électorales pour les conseillers municipaux, cantonaux et régionaux..
« Le plafond des dépenses pour l'élection des députés est de 38 000 euros par candidat. Il est majoré de 0, 15 euro par habitant de la circonscription. Les plafonds définis pour l'élection des conseillers régionaux sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Ces plafonds sont actualisés tous les trois ans par décret, en fonction de l'indice du coût de la vie de l'Institut national de la statistique et des études économiques. … »
Ici, il apparaît clairement que l’actualisation triennale des plafonds résultant d’un décret ordinaire. Elle ne concerne pas le plafond des dépenses pour la campagne présidentielle, lequel est sujet à la loi 62-1292 comme l’indiquent les modifications de celui-ci depuis 1995.
En supplément, contrairement à la disposition prévue au paragraphe V de l’article 3 de la loi 62-1292 : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des présentes dispositions organiques ; il détermine notamment les conditions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande. »
Le décret n° 2004-140 du 12 février 2004, signé par N.Sarkozy, alors ministre de l’intérieur du Gouvernement Raffarin, et le décret 2007-140 du 1e février 2007, signé N. Sarkozy alors ministre de l’intérieur du Gouvernement Villepin, ne mentionnent le Conseil d’Etat. Ce dernier n’en a donc pas pris connaissance. C’est l’évidence ! Ces décrets ordinaire sont conformes au paragraphe II de l’article 52-11 du code électoral où il est mention de décret. Ils ne concernent pas le plafond des dépenses de la campagne relative à l’élection du président de la République.
Pourtant la décision de la CNCCFP du 4 mai 2006 se réfère au décret n° 2004-140 du 12 février 2004 dont le préambule évoque à tort l’article 3, paragraphe II de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 pour justifier la majoration de ces plafonds, et déclare en totale infraction à la loi et la Constitution : « Sous réserve de l'actualisation devant intervenir en 2007, les plafonds des dépenses électorales s'établissent à :
- 15,481 millions d'euros pour le premier tour ;
- 20,679 millions d'euros pour le second tour. »
Cette indication enfreint la loi. Elle est inexplicable de de la part d’une commission en charge de son application ! Aucune disposition de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée ne lui attribue compétence pour décider de tels plafonds. Les missions du CNCCFP se limitent à approuver, rejeter ou réformer les comptes de campagne et arrêter le montant du remboursement forfaitaire prévu au paragraphe V de l’article 3.
Cette déclaration du 4 mai 2006 est d’autant plus curieux que La CNCCFP est constituée de 9 membres, nommés pour 5 ans renouvelables, dont 3 en activité ou honoraires du Conseil d’Etat. Des experts parfaitement aptes à distinguer un décret en Conseil d’Etat d’un simple décret. Il s’agit de Messieurs Robert Maisl, Jacques Négrier et Patrice Magnier, 3 Conseillers d’Etat honoraires.
Si ce décret ordinaire n° 2004-140 de février 2004 est censé porter majoration du plafond des dépenses électorales il ne concerne pas celui de l’élection présidentielle :
Article 1 : « Le montant du plafond des dépenses électorales est multiplié par le coefficient de 1,13 pour les élections auxquelles les dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral sont applicables, à l'exception de celles des députés et des représentants au Parlement européen. »
Un second décret du 1er février 2007 abroge le premier sous le n° 2007-140 : « Article 1 :
Le montant du plafond des dépenses électorales est multiplié par le coefficient 1,18 pour les élections auxquelles les dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral sont applicables, à l'exception de celles des députés et des représentants au Parlement européen.
Article 2 : « Le décret n° 2004-140 du 12 février 2004 portant majoration du plafond des dépenses électorales est abrogé . »
Ces
décrets ordinaires ne concernent ni le paragraphe II de l’article 3 de la loi 62-1292 modifiée ni le paragraphe V du même article. Ils n’ont pas été soumis au
Conseil d’Etat. Autant dire, à consulter la jurisprudence de cette juridiction que ces décrets sont totalement étranger à la
loi 62-1292 relative à l’élection du Président de la République à laquelle ils se réfèrent et qu’ils prétendent modifier. Leur application au plafond des dépenses de l’élection constitue une irrégularité flagrante et donc une fraude électorale selon la définition de la
Direction de l’information légale et administrative :
http://www.vie-publique.fr/decouver...
Voilà comment nos brillants énarques, hauts fonctionnaires et ministres au mépris de la loi se moquent des représentants du peuple en charge du pouvoir législatif et détournent la loi et la Constitution. Ici le Président de la République (J .Chirac) dont la mission est de veiller au respect de celle-ci et au fonctionnement régulier des institutions a commis un grave manquement à ses devoirs.
En conséquence, une question vient à l’esprit : Pourquoi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) prend-elle en considération le décret n° 2007-140 du 1er février 2007 ignoré du Conseil d’Etat pour établir la régularité des comptes de campagne des candidats à la présidentielle de 2007 et le calcul de la participation de l’Etat ?
« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le compte de campagne de Mme Ségolène Royal s'établit en dépenses à 20 615 776 €, se décomposant en 13 013 400 € de dépenses payées par le mandataire financier et 7 602 376 € de contributions des partis politiques ; que, par suite, le plafond des dépenses fixé par le décret du 1er février 2007 susvisé n'est pas dépassé. »
« Considérant qu'en vertu de ces dispositions le remboursement forfaitaire maximal auquel peut prétendre M. Nicolas Sarkozy, présent au second tour de scrutin, est égal à la moitié du plafond des dépenses applicable aux candidats du second tour, soit 10 797 000 € »
Selon l’alinéa 3 du paragraphe V de l’article 3 la loi 62-1292, en vigueur lors de l’élection, cette somme représenteraient les 50% remboursés par l’Etat au candidat d’un plafond de 21 594 000 €, toutefois le paragraphe II dudit article plafonne ce montant à 18 300 000€. Le CNCCFP accorde, de son propre chef, en contravention à la loi 62-1292 et à l’article 37 de la Constitution un plafond de dépenses supérieur de 3 200 000 € à la limite légale.
L’Etat ayant participé pour 10 783 200 € aux dépenses de Sarkozy celui-ci a profité d’un trop perçu de 1 586 200€ et dépassé le plafond légal des dépenses électorales. Conformément à la loi (al.3 article L. 52.15 du code électoral) la CNCCFP aurait dû saisir le Juge de l’élection (le Conseil Constitutionnel) de l’infraction constatée. Il en est de même pour le montant des dépenses de la campagne de Ségolène Royal arrivée au second tour. La candidate a bénéficié d’un remboursement de 10 797 000 € au lieu de 9 150 000€. L’un et l’autre des candidats ayant tous deux dépassé le plafond légal ont reçu une participation financière illicite. La CNCCFP aurait dû rejeter leur compte et mettre en œuvre la seconde phrase de l’alinéa 4 du paragraphe V de l’article 3 de la loi 62-1292, c’est-à-dire exiger le remboursement de l’avance de 153 000 € accordée à chacun. Les candidats Bayrou et Le Pen, bien que n’ayant nullement enfreint le plafond de 13 700 000€ fixé par la loi, ont chacun bénéficié d’une participation de l’Etat de 8 083 000€ au lieu de 6 850 000€ conformément à la loi en vigueur. Chacun d’eux a donc reçu 1 233 000€ de trop qu’il doit rendre. Les campagnes à l’élection présidentielle de 2007 ont donc coûté, selon la décision judiciaire qui aurait été rendue, entre 5 699 200€ et 24 046 200 € de trop aux contribuables : de quoi loger quelques sans-abris.
Le rapport de la CNCCFP quant aux dépenses de campagne du candidat Sarkozy approuvé par le Conseil Constitutionnel et publié au Journal Officiel du 10 janvier 2008, est d’autant plus surprenant que les Conseillers de cet aréopage usent d’une hiérarchie des normes pour établir leurs décisions. Cette échelle de valeur constitutionnelle situe la loi, de nature législative qui émane du Parlement, au-dessus du décret en Conseil d’Etat et du décret ordinaire de nature réglementaire issus du gouvernement. Le Conseil Constitutionnel le rappelle dans maintes décisions et considère dans celle du 16 décembre 1999 :
« La référence à la hiérarchie des normes impose au Gouvernement de respecter … la distinction entre matières législatives et matières réglementaires déterminée par les articles 34 et 37 de la Constitution. » Aucun décret ne saurait se substituer à la loi qui est l’expression de la volonté populaire par le biais de ses représentants élus. La loi en vigueur au 22 février 2007 fixe à 18 300 000 € le plafond de dépenses pour les candidats en lice au second tour et non 21 594 000 €. Mais voilà ! Le Conseil Constitutionnel n’a plus la compétence d’approuver les comptes de campagne.
En supplément, depuis le 12 mars 1988 les modifications législatives de 1995, 2002 et 2006 propres au montant du plafond de dépenses de campagne, autorisé par l’article 3 de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962, confirment le bon usage de la loi et non d’un décret. Ces montants ont été adoptés par le Parlement. Ils ne sont, pour cette élection, pas du ressort du simple décret prévu tous les 3 ans par le second paragraphe de l’article 52-11 du code électoral.
Alors, comment expliquer que Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur cosignataires des décrets portant majoration du plafond des dépenses décident d’ignorer, sans crier gare, la loi relative à l’élection au suffrage universel du Président de la République. Comment comprendre qu’une telle liberté ne fasse l’objet d’aucun rappel de celui en exercice ? Comment concevoir qu’ils appliquent un décret concernant les députés et conseillers généraux et municipaux en lieu et place de la loi relative au Président de la République ?
Que devient la séparation des pouvoirs sans laquelle il n’est point de constitution comme le rappelle l’article 16 de la déclaration de 1789 au préambule de celle-ci ?
Comment interpréter le silence des candidats bénéficiaires de cette infraction ? Ignorent-ils la loi électorale ? Sont-ils complices d’une action concertée à leur profit ?
C’est à se demander si le Parlement, la Présidence de la République et cette juridiction qu’est le CNCCFP fonctionnent régulièrement et indépendamment du Gouvernement comme elles le devraient ou sont à sa disposition au mépris de leur mission. Après toutes les affaires et malversations déjà découvertes sous la Vème République, quelles explications peuvent-elles justifier de tels faits ?
Si l’un d’entre vous à une idée précise et claire, elle est la bienvenue. Mais qu’il nous épargne la circulaire n° NOR/INT/A/08/00005/C du 7 janvier 2008 qui remplace celle du 19 mars 1990. Ce document signé de la Ministre Alliot-Marie, archi-diplômée en droit, affirme, entretenant la confusion entre le Président de la République et les Conseillers généraux et municipaux, en page 5 :
« Le plafond des dépenses électorales pour l’élection du Président de la République s’élève à 13,7
millions d’euros pour un candidat présent au seul premier tour ; il est porté à 18,3 millions d’euros
pour chacun des deux candidats présents au second tour (II de l’article 3 de la loi du 6 novembre
1962).
Ce plafond est majoré d’un coefficient d’actualisation fixé à 1,18 par le décret n° 2007-140 du
1er février 2007. »
Bourde ou indélicatesse, l’embrouille semble parfaite chez les spécialistes, pourtant il suffit de lire la loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel dans sa version du 22 février 2007 et l’article L. 52-11 du code électoral pour se rendre à l’évidence que :
1 - La loi ne mentionne nullement de majoration du plafond des dépenses ;
2- Le décret en Conseil d’Etat prévu au paragraphe 5 de son article III concerne les dispositions de la participation de l'Etat aux dépenses de propagande, c’est-à-dire la part prise en charge par l’Etat et les conditions à satisfaire pour en bénéficier.
3- L’article du code électoral prévoit, lui, une actualisation triennale par simple décret en fonction de l'indice du coût de la vie de l'Institut national de la statistique et des études économiques et ne s’adresse qu’aux députés et conseillers de toute nature.
En outre, la diminution du plafond des dépenses pour la présidentielle que montre la modification législative de janvier 1995 citée plus haut (La loi d’organisation 95-72 1995-01-20 art. 1), illustre clairement que ce plafond n’est pas concerné par le décret en Conseil d’Etat prévu au paragraphe V de l’article 3 de la loi. Le 5 février 2001, la conversion en euros de ce plafond fixé en 1995, ne l’a pas majoré, bien que le décret n°97-1171 du 22 décembre 1997 ait prévu un coefficient de majoration de 1,05 des plafonds pour dépenses électorales et le décret n°2001-130 du 12 février 2001 un coefficient de 1,08. Au vue de ces textes, la position adoptée par la CNCCFP n’est pas la conséquence d’une méprise inaperçue de tous les experts en calcul et en droit, mais le résultat d’une manœuvre volontaire et concertée.
En application stricte du droit, cette malversation entre dans le champ d’application de la seconde phrase de l’alinéa 4 du paragraphe V de l’article 3 de la loi 62-1292 : « Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions du deuxième alinéa du II du présent article » ceci concerne les candidats Sarkozy et Royal dont les dépenses sont supérieures à 18 300 000 €.
En supplément , selon la disposition de l’alinéa 3 de l’article L 52-15 du code électoral : « Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. » et rend le candidat concerné passible des alinéas 3 de l’article L 113-1 dudit code :
« 1 - Sera puni d'une amende de 3 750 euros et d'un emprisonnement d'un an, ou de l'une de ces
deux peines seulement, tout candidat en cas de scrutin uninominal qui :
3° Aura dépassé le plafond des dépenses électorales fixé en application de l'article L. 52-11 ; »
Et de l’article 118-3 du code électoral, si la CNCCFP avait rempli sa mission conformément à la loi au lieu d’en asseoir l’infraction par sa décision du 4 mai 2006 qui fait figure de manœuvre :
« Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14 (CNCCFP), le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité.
Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. »
En ce sens, en vertu du premier alinéa du paragraphe II de la loi 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée, l’élection de Monsieur Sarkozy, non conforme à la loi, est viciée. Ce vice est d’autant moins le résultat d’une confusion regrettable, que la bonne foi de Monsieur Sarkozy semble difficile à établir :
1- avocat de profession, il n’a pas l’excuse de l’incompétence juridique ;
2- il est cosignataire des décrets n° 2004-140 du 12 février 2004 et n° 2007- 140 du 1er février 2007. Il est donc coresponsable des faits qui provoquèrent la situation illégale dont il a profité.
Pour autant qu’il soit saisi par la CNCCFP ayant rendu possible l’infraction, si pour ces motifs, le juge de l’élection, en l’occurrence le Conseil Constitutionnel, ne reconnaît pas pour valide l’élection présidentielle, l’immunité constitutionnelle prévue à l’article 67 de la Constitution ne s’applique pas au candidat fraudeur Sarkozy démissionné.
Mais comment la CNCCFP impliquée dans la procédure électorale viciée pourrait-elle être tout soudain revoir son avis de 2007 ? C’est donc au parlement en la personne de 60 députés ou 60 sénateurs, s’il s’en trouve encore 60 dans l’une des chambres dignes de la confiance populaire, de saisir le Conseil Constitutionnel de cette infraction patente à la séparation des pouvoirs, le gouvernement ayant, en la circonstance, usurpé par une manœuvre furtive des cosignataires du décret 2007-140 du 1er février 2007 le pouvoir législatif qui n’est pas le sien. Pour mémoire ces cosignataires sont : le Premier ministre, Dominique de Villepin, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, le ministre de l'outre-mer, François Baroin, le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, Jean-François Copé. Parmi ces Messieurs , qui ne distinguent pas entre loi, décret en Conseil d’Etat et décret tout court, trois ont étudié le droit, N.Sarkozy, J.F. Copé, F. Baroin. Ils sont actuellement aux commandes de l’Etat.
Le plafond des dépenses appliqué au compte de campagne du candidat Sarkozy est contraire à la constitution puisqu’il modifie la loi sans l’avis du parlement le décret à l'origine de l’irrégularité constituant une usurpation caractérisée de pouvoir. En conséquence les dépenses des candidats qui dépassent le plafond légal doivent être rejetées avec les effets prévus par la loi. Nicolas Sarkozy ayant participé, en le signant, à la mise en application du décret dont il a profité est non seulement l’un des acteurs mais encore le bénéficiaire de l’infraction électorale établie.
Décidemment, nos dirigeants et certaines de nos institutions, dont la compétence n’est pas en cause, ont une éthique et une probité à toute épreuve ! Tout ceci donne l’impression d’une République aux institutions corrompues et d’une complicité patente de la majorité des parlementaires censés représenter le peuple et légiférer. Sans doute l’immense majorité celui-ci le comprendra-t-elle quand il sera trop tard.
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Dernière mise à jour de cette page le 22/03/2011