L’expulsion de la Coordination des intermittents et des précaires (CIP) de leurs locaux du quai de Charente est imminente. Les gens bien informés disent qu’elle aura lieu avant le 24 décembre. Manière pour le préfet et la Mairie de Paris de souhaiter un joyeux Noël à ces empêcheurs de précariser en rond. Pas de trêve hivernale pour eux, puisqu’ils n’habitent pas. « On approche des élections, explique posément Jean-Francis, membre de la CIP, et ils ne supportent pas les discours de contestation et les “nids de réflexion”. »
La CIP est en effet un « nid de coucous » [1], un de ces endroits, dit-il, « où les précaires passent, se rencontrent, échangent et agissent collectivement » pour défendre les intérêts déjà bien attaqués de leur groupe. Un groupe qui ne cesse de croître pour cause de casse du service public et de réduction générale des budgets (nationaux et territoriaux) et des effectifs de la Culture, du Travail, du Logement. Un groupe qui dérange par l’efficacité de ses actions et par ses critiques sans concession des petites magouilles politiciennes, de droite comme de gauche. Surtout de gauche.
Le politique – trop souvent à l’écoute de cette minorité de Français lepénisés (ou sarkoïsés) qui désignent l’étranger et l’assisté, forcément fainéants, comme sources de tous les problèmes – a eu tôt fait de les assimiler à des improductifs, des parasites, des coucous, qu’il faudrait virer du nid. « En 2003, raconte Jean-Francis en rigolant, le Medef disait déjà qu’on ne faisait nos actions qu’en prenant l’argent des Assedic ! » Il faut dire qu’ils ne mollissent pas dans l’action, les précaires, et qu’ils ont même des résultats ! (Voir « C’est tout un art, l’occupation », Politis du 8 juillet 2010.)
Sans croire au père Noël, ils espèrent que l’issue du recours auprès du président de la cour d’appel sera suspensive. Et puis les coucous ne sont pas tout à fait seuls. Leur pétition a recueilli plus de 6 100 signatures, dont des parlementaires, des personnalités, des collectifs et des syndicats comme le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles ), le Synavi (Syndicat des arts vivants) et l’union syndicale Solidaires. Mado, comédienne et doyenne du PS (95 ans et toute sa conscience) a tiré les oreilles de Delanoë et consorts, dans une fort belle lettre qui résume toute l’iniquité de cette expulsion, assortie… d’une astreinte mensuelle de 5 500 euros par mois qui court depuis décembre 2009. Un traitement punitif qui semble dire : « De l’argent il y en a dans les poches de précariat ! »
En attendant un répit incertain, la CIP appelle au soutien actif et annonce deux journées d’action : le 1er décembre pour se rappeler au bon souvenir de Delanoë, et le 4 décembre pour un « Samedi des précaires » manifestif au départ de Stalingrad.