Politis. 25 novembre 2010 par Michel Soudais
La police a procédé à l’interpellation du réalisateur Pierre Carles, du producteur de documentaires Michel Fiszbin et de nombreux opposants au Dîner du Siècle, rassemblés place de la Concorde, sur un trottoir, face au siège de l’Automobile club de France (ACF), hier soir. Combien ? « Une trentaine », selon le journaliste de l’AFP, qui n’a toutefois pas pu joindre le service de presse de la préfecture de Police pour plus de précisions. Sans doute un nombre plus important à ce que j’ai pu voir,un bus et trois fourgons de Police ayant servi au transport des interpellés.
Environ 250 personnes s’étaient réunies en début de soirée, à l’invitation de Michel Fiszbin et de Pierre Carles, devant le siège de l’ACF, Hôtel Crillon, place de la Concorde, pour dénoncer la collusion des « élites » économiques, politiques et médiatiques que symbolise le dîner mensuel du Siècle.
"Le Siècle", association créé en 1944 et présidée depuis peu par l’ex-dirigeante de la CFDT Nicole Notat, réunit chaque mois pour un diner, dans la discrétion et la courtoisie, 200 à 300 membres influents venus de tous les horizons (politique, économie, presse, social...). La liste des membres de cette société d’où rien ne filtre révèle de curieux rapprochements.
Ce sont ces rapprochements, et singulièrement la présence de journalistes dans ce cercle, que les manifestants entendent révéler au grand jour : « On ne veut plus que les journalistes aillent dans ce dîner. Ils y retrouvent leurs amis de l’économie et de la politique, droite et gauche confondues. ça nous énerve beaucoup, c’est un mélange des genres inacceptable », a déclaré Michel Fiszbin au début du rassemblement. « "Le Siècle", c’est une société secrète : on n’a pas le droit de dire ce qui s’y passe ou de rapporter ce qui s’y dit, a-t-il ajouté. On peut donc légitimement penser que ce n’est pas avouable. Alors que les journalistes s’y pressent à titre privé, c’est scandaleux. Ils n’ont rien à y faire et nous, nous sommes là pour faire du bruit car on veut qu’ils aient honte. »
Le 27 octobre, un rassemblement identique s’était déjà tenu. Les manifestants avaient alors chahuté sans agressivité des journalistes comme Emmanuel Chain ou Arlette Chabot. Les forces de l’ordre n’étaient pas intervenues. Hier, le rassemblement était toujours bon enfant avec tambours, slogans (« Nous ne vous oublierons jamais », « Révolution citoyenne »...) et sifflets à chaque entrée d’un « dîneur » dans l’ACF. Quelques jets de cotillons et de papier toilette, mais aussi d’œufs et de farine. Seulement cette fois les forces de l’ordre étaient en nombre. Et pas seulement pour privatiser le trottoir et la chaussée devant l’Hôtel de ces messieurs-dames.
Parmi les personnalités autorisées à pénétrer dans l’ACF, j’ai pu reconnaître l’ancien ministre et député (UMP) François d’Aubert mais aussi Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie
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Et les journalistes Jean-Pierre Elkabbach...
...et Sylvie Pierre-Brossolette visiblement pressée de rejoindre le saint des saints.
Après avoir encerclé une partie des manifestants, les forces de l’ordre ont procédé à des interpellations, parfois musclées.
Les manifestants qui ne cherchaient pas à s’enfuir ou n’opposaient pas de résistance étaient néanmoins fouillés avant d’être embarqués.
Toujours présent sur les lieux, Pierre Carles...
...qui demandait à rester au milieu de ses camarades encerclés et à être conduit au même endroit qu’eux, a fini par rejoindre lui aussi un fourgon, vers 22h15...
...une fois que les derniers manifestants, qui n’avaient pu être interpellés faute de fourgons en nombre suffisant aient été reconduits par petits groupes ou individuellement jusqu’au métro.
On vit un Siècle formidable.
Communiqué de presse du Collectif "Fini les concessions"
Il s’agit du collectif qui avait appelé à ce rassemblement, le communiqué a été diffusé dans l’après-midi du 25 novembre (ajout 19h50)
Le club du Siècle, qui réunit chaque mois les élites patronales, politiques et médiatiques françaises pour un somptueux dîner entre amis, vient d’essuyer un revers historique. Le mercredi 24 novembre, ce banquet habituellement discret a en effet reçu la visite de quelque trois cents indésirables venus pique-niquer sur le trottoir de l’hôtel Crillon, place de la Concorde à Paris.
Effrayés par ces trouble-fêtes armés de cotillons et d’assiettes dorées ornées d’un pavé, de nombreux journalistes membres du Siècle, parmi lesquels Emmanuel Chain, Michel Field, Arlette Chabot, David Pujadas et Laurent Joffrin, ont préféré rester chez eux ou battre en retraite. Étaient en revanche présents Jean-Pierre Elkabbach, Sylvie Pierre-Brossolette et Alexandre Adler, qui pour rien au monde ne raterait l’occasion d’un repas copieux. Reste que, pour la première fois dans l’histoire du Siècle, plusieurs membres éminents de la confrérie ont été privés de dîner.
La police était pourtant venue en nombre pour les rassurer. Casquées, harnachées et matraques au poing, les troupes anti-émeutes ont d’abord dressé un cordon infranchissable autour des manifestants, selon la technique dite de la « garde-à-vue à ciel ouvert » expérimentée récemment place Bellecour à Lyon, et ont plongé cette partie de la place dans le noir afin de pouvoir la « nettoyer » tranquillement, selon la technique éprouvée du couvre-feu. Cette précaution a certes sauvé le gueuleton du Siècle d’une annulation piteuse, toutefois elle n’a pas empêché les convives – dont l’ancien numéro deux du Medef Denis Kessler, l’ex-secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat, la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet et le député UMP François d’Aubert – d’essuyer quelques jets d’œufs, de farine et de serpentins.
La privatisation de l’espace public s’est ensuite logiquement conclue par la mise en danger de certains manifestants, contraints de fuir le harcèlement policier en courant au milieu de la circulation automobile, puis par l’arrestation musclée d’une cinquantaine de pique-niqueurs, parmi lesquels deux membres de notre collectif, Pierre Carles et Michel Fiszbin, ainsi que d’un client allemand de l’hôtel Crillon qui passait par là. Emmenés aux commissariats du 11ème et du 20ème arrondissements, nos camarades ont eu droit à une fouille en règle avant d’être relâchés tard dans la nuit.
Le Collectif Fini les Concessions – Branche armée de patience (CFC-BAP) se félicite néanmoins du succès de ce rassemblement, qui n’en restera pas là. Fidèle à sa devise : « Nous ne vous oublierons jamais ! », le CFC-BAP appelle à renouveler l’opération tous les mois.
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