Un nouveau systeme de pharmacovigilance ?

Les mots ont un sens. Le 19 janvier 2010 par Napakatbra

 

C'est tout le système de gestion des médicaments qu'il faut revoir... Quelques pistes.

 Comment ça fonctionne aujourd'hui :

Médicaments dangereux - pharmacovigilance

1/ La découverte

Les labos trouvent une molécule qui leur semble intéressante. Soit.

2/ Etudes pharmacologiques a minima

Les firmes testent ensuite ce principe actif sur des animaux, puis sur des êtres humains. A ce stade, les études portent sur quelques centaines de personnes, le plus souvent sélectionnées en fonction de leur âge et de leur état de santé. Soit des personnes saines (non fumeuses, non malades, non allergiques, jeunes...), soit des malades "plutôt sains" (non fumeurs, bonne hygiène de vie, plutôt jeunes, sans autre pathologie)... Difficile de faire moins représentatif.

3/ Des dossiers d'autorisation bien légers

Les labos balancent leur dossier à l'Afssaps pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Le principal hic, c'est que rien ne les oblige à tout envoyer. Disons qu'une firme réalise 50 études, et que, malgré les précautions prises en amont, 45 d'entre elles se révèlent négatives (pas d'effet bénéfique ou trop d'effets secondaires). L'Afssaps ne sera informée que des 5 essais probants et les autres passeront à la trappe. Selon deux récents rapports américains, entre 6 et 43% (chiffres difficiles à obtenir, vous vous en doutez bien) des études pharmaceutiques portant sur des substances qui ont plus tard été autorisées ont été officiellement publiés, les autres étant jalousement conservés à l’abri de la lumière. On se demande bien pourquoi...

4/ Obscures décisions de l'Afssaps

L'Afssaps se décide à partir des données gentiment fournies par les labos, et d'autres, éventuellement, lorsque le médicament a déjà été autorisé dans d'autres pays. Mais c'est rare. Puis vient l'évaluation du Service Médical Rendu (SMR) et de l'Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR), qui permettent de déterminer le taux de remboursement. C'est la phase critique pour la firme pharmaceutique, puisqu'elle déterminera son chiffre d'affaire à venir. C'est aussi le flou le plus total. Voir l'exemple du Multaq (un médicament récent déjà mis en cause aux Etats-Unis), pour lequel 9 membres de la Haute Autorité de Santé ont voté pour un "SMR important", quand 11 autres ont penché pour un "SMR modéré". Logiquement, le médicament aurait donc dû se voir attribuer un "SMR modéré", majoritaire. Et donc un remboursement à 35%. Ce qui a semble-t-il été le cas... jusqu'à ce que sorte l'avis officiel de juin 2010. Malgré des conclusions étonnamment négatives, le SMR a alors été qualifié d'"important", et le taux de remboursement établi à 65%. Comprenne qui pourra.

5/ Pharmacovigilance en toc

Une fois sur le marché, le médicament est soumis à un plan de pharmacovigilance. Il s'agit de vérifier que le médicament n'est finalement pas trop dangereux. Et, pour ce faire, les autorités sanitaires françaises (et européennes) se basent sur les données des labos. Forcément, puisque l'Etat se dédouane totalement de ce genre de détails techniques. De temps en temps, une étude publique ou universitaire US (surtout) vient apporter un peu de grains à moudre à nos pharmacovigilants en chef. Et la plupart du temps, celles-ci sont négatives. Etonnant.

Pour vous donner une idée de l'efficacité de cette pharmacovigilance, lisez donc un résumé du scandale Vioxx, qui a fait bien plus de morts que le Mediator. Le labo savait dès 2001 que son médoc était dangereux (40 000 morts aux Etats-Unis). L'Afssaps (et les autres autorités sanitaires internationales) ont mis tellement de temps pour s'en apercevoir que le labo a décidé de lui-même de retirer ses boites des étalages... avant que le médicament ne soit jugé dangereux, cinq ans après sa mise sur le marché, fin 2004 !

Après ça, il n'est pas difficile de comprendre que 35% des Français soient septiques vis-à-vis des médicaments. Alors, que faire ? Xavier Bertrand souhaite obliger les intervenants de l'Afssaps et des ministères à déclarer leurs conflits d'intérêts. Il propose en outre une "réforme radicale" du système de pharmacovigilance. Une radicalité un peu légère...

 C'est tout le système qu'il faut revoir, quelques pistes (liste non exhaustive) :

Pharmacovigilance

1/ Interdire purement et simplement l'intervention d'"experts" en liens avec l'industrie pharmaceutique. Se priverait-on des "meilleurs d'entre nous", comme on peut l'entendre de temps à autres ? On se priverait surtout des plus avides !

2/ Que l'Etat intervienne à tous les niveaux. Il est absolument nécessaire, par exemple, que les autorités aient accès à toutes les données des laboratoires pharmaceutiques. Voire qu'il dépêche des experts pour participer directement et activement aux études. On pourrait par exemple imaginer que les labos, avant de commencer un essai, soumettent leurs protocoles à un organisme public, qui suivra ensuite sa réalisation, étape par étape.

3/ Qu'on arrête les mises sur le marché "de complaisance" de centaines de médicaments inutiles, même qualifiés de faibles SMR (la majorité). Les médecins s'y perdent et se résignent à boire les bonnes paroles des laboratoires.

4/ Que les procédures d'attribution des SMR soient systématiquement rendues publiques.

5/ Que la pharmacovigilance soit exercée par une autre instance sanitaire que celle qui a délivré l'autorisation de mise sur le marché. Il est toujours plus facile de dire que c'est l'autre qui s'est trompé. Et qu'elle intègre des associations de défense des consommateurs.

6/ Que la pharmacovigilance prenne en compte la totalité des signaux d'alerte, y compris les alertes non institutionnelles ; par exemple les signalements venant des patients et des associations de consommateurs.

7/ Interdire les publicités pour les laboratoires pour réduire la pression des patients.

8/ Interdire les "visites médicales" des labos chez les médecins, ainsi que les cadeaux en tous genres, qui ne sont rien d'autres que des incitations à la vente.

9/ Mettre en place une formation continue des médecins.

Et, de grâce, serait-il enfin possible de mettre sur pied un organisme public chargé d'étudier les remèdes et pratiques naturelles ?! Est-il vraiment nécessaire, par exemple, de mettre en oeuvre des pratiques souvent traumatisantes (au sens médical) et coûteuses pour virer une petite verrue de rien du tout ? Alors qu'il suffit d'une simple manipulation de 5 minutes, entre le fromage et le dessert...

Et puis ensuite, il restera à faire la même chose pour les OGM, les produits cosmétiques, les produits industriels, les nanotechnologies... parmi tant d'autres domaines aux implications sanitaires plus que douteuses. Y a du boulot...


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Dernière mise à jour de cette page le 07/02/2011

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