UE - La Commission européenne cultive la subsidiarité pour morceler l’opposition aux OGM

Inf'OGM. Mai 2010 par Eric Meunier

 

L’année 2010 tient ses promesses sur le dossier des PGM. Parmi les chantiers attendus en 2010 [1], celui sur les modalités d’autorisation des PGM vient de connaître une avancée importante. John Dalli, lors de son audition préliminaire devant le Parlement européen en février [2], avait indiqué le souhait de José Manuel Barroso de donner aux Etats membres les outils pour interdire les culture GM sur leur territoire. Une récente communication d’intention de la Direction Générale de la Santé et des Consommateurs (DG Sanco) indique les voies de mise en œuvre possibles de ce souhait [3]

 

Dans sa communication, la DG Sanco indique que la procédure d’autorisation actuelle pose deux problèmes : le mécontentement des Etats membres vu leur faible latitude pour s’opposer à la culture des PGM sur leur territoire ; et la forte opposition des citoyens aux OGM. Pour répondre à ce double mécontentement, la DG Sanco propose un système d’autorisation des PGM à la culture en deux temps : premièrement, les autorisations  , y compris celles à la culture, resteraient validées au niveau européen selon la procédure en cours (c’est-à-dire évaluations des risques potentiels sur la santé et l’environnement) ; deuxièmement, et c’est là où réside la « nouveauté », les Etats membres pourront, s’ils le souhaitent, interdire ces PGM sur leur territoire mais pour d’autres raisons : règles de coexistence  , impacts socio-économiques, limitation à certains territoires des autorisations  . A noter que la récente décision de laisser la région de Madère (Portugal) interdire les PGM sur son territoire [4] peut représenter une première mise en place informelle d’un tel fonctionnement.

 Une proposition à double tranchant

Pour les structures opposées aux PGM, cette proposition a, de prime abord, l’avantage important d’ouvrir la voie à un travail « plus facile » pour faire valoir leurs positions sur ce dossier. Un gouvernement leur semble un interlocuteur plus accessible que la Commission européenne. Mais elles ne crient pas victoire pour autant car plusieurs questions restent en suspens.
En premier lieu, le constat de dysfonctionnement fait par la DG Sanco repose sur l’incapacité des Etats membres à se mettre d’accord pour autoriser ou non les PGM. Cette absence d’accord traduit non pas un dysfonctionnement mais plutôt une certaine réticence des Etats membres à autoriser les PGM. La rhétorique utilisée par la Commission montre qu’elle se place sur un terrain plutôt favorable aux PGM, ce que confirme la liste établie par la DG Sanco (2) des victimes du système actuel : les entreprises de biotechnologie et les agriculteurs qui souhaitent cultiver des OGM. Ces deux parties sont listées par la DG Sanco comme les bénéficiaires du nouveau système proposé.
En second lieu, la possibilité d’interdire sur un territoire la culture de PGM existe déjà par le biais des clauses de sauvegarde (mises en place notamment par la France sur le maïs Mon810 [5]). Ces dernières, basées aujourd’hui sur des éléments scientifiques, ont été systématiquement contestées par les experts européens (AESA). Leur mise en œuvre dans la nouvelle procédure sera vraisemblablement l’objet de discussion entre la Commission et les Etats membres. Toujours est-il que si ces clauses doivent être justifiées scientifiquement, leur caractère politique supposé a été à l’origine de la procédure à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) engagée contre l’UE par les Etats-Unis et le Canada [6]. Avec cette proposition d’interdiction nationale, la Commission européenne renvoie sur les Etats membres de telles procédures engagées à l’OMC.
Enfin, les propositions de la DG Sanco quant aux arguments utilisables par les Etats membres pour interdire la culture de PGM sur leur territoire (coexistence  , impacts socio-économiques) sont deux domaines dans lesquels la Commission européenne n’a jamais pris de décision. Concernant les impacts socio-économiques, la Commission était critiquée jusqu’à maintenant par les organisations anti-OGM pour ne pas répondre à cet aspect du dossier des OGM : dans le futur, les Etats membres se retrouveraient potentiellement accusés d’utiliser comme justification ces impacts alors qu’ils ne sont pas reconnus par l’OMC comme fondés scientifiquement !

 Nationaliser les cultures pour favoriser les importations ?

La Commission européenne va sûrement négocier sa proposition, en demandant très probablement aux Etats membres de lui laisser les mains libres sur les autorisations   à l’importation des PGM. De cette manière, elle serait libre de « synchroniser » les autorisations   européennes avec les autorisations   états-uniennes et d’éviter ainsi les conséquences économiques dues aux renvois des exportations d’OGM non autorisés vers l’Europe, comme ce fut notamment le cas avec les riz transgéniques en 2006 et 2007 ( [7]. Surtout, la Commission européenne pourrait profiter de ces discussions pour écarter les Etats membres des procédures d’autorisation européennes. Le système de vote sur les autorisations en cours pourrait être modifié et par exemple, ne plus impliquer le Conseil des ministres européens.

Le calendrier de cette réforme n’est pas encore clairement défini. La Commission européenne discute encore de la forme que pourrait prendre sa proposition, à savoir si elle est mise en œuvre via un changement ou un simple complément à la réglementation existante. Seul élément connu, la Commission souhaite qu’une proposition soit faite avant juillet aux Etats membres. Démarrera alors un travail de négociation au bout duquel la nouvelle procédure d’autorisation des PGM sera plus clairement définie.


[1] OGM en 2010 : gros chantier pour la législation européenne  

[2] cf. Inf’OGM ACTU n°28, février 2010, UE - Les autorisations de cultures de PGM bientôt entre les mains des Etats membres ? 

[3]  http://ec.europa.eu/governance/impa...

[4]  Madère, première région légalement sans OGM de l’UE 

[5]  Moratoire sur le maïs Mon810 

[6]  OMC - L’UE en passe de perdre sur les OGM 

[7] Inf’OGM ACTU n°4, novembre 2007, ETATS-UNIS - Coût de la contamination aux riz LL

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Dernière mise à jour de cette page le 16/05/2010

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