Après les contestations sur la culture d’OGM, celles sur leur commercialisation continuent. 19 régions françaises et deux départements ont rejoint le Gers dans sa lutte contre l'importation et la commercialisation de nouveaux maïs OGM, autorisées le 28 juillet par la Commission européenne.

Le Gers a déposé, le 4 octobre dernier, six requêtes pour un recours en annulation de la décision de la Commission, devant le tribunal de première instance de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le département avait demandé au gouvernement français et aux collectivités de s’associer à sa démarche, avant le 31 janvier 2011.

L’appel a été entendu. 13 régions (Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Centre, Pays de la Loire, Bourgogne, Rhône-Alpes, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Poitou-Charentes, Franche-Comté, Picardie, Nord-Pas-de-Calais et Provence-Alpes-Côte d'Azur) et deux départements (Côtes d'Armor et Haute-Garonne) ont rejoint la procédure.

Six autres régions ont apporté leur soutien à l’action, sans s’engager juridiquement (Aquitaine, Limousin, Champagne-Ardenne, Bretagne, Haute-Normandie, Basse-Normandie).

De son coté, le ministère de l’Ecologie n’a pas souhaité s’engager. « La ministre a estimé qu’il n’était pas possible d’ouvrir plusieurs fronts d’opposition. Elle se concentre sur la révision du mode de décision et de l’expertise de l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA)», explique le président (PS) du Conseil général du Gers, Philippe Martin (PS). Joint par EurActiv.fr, le ministère n’a pas réagi.

Principe de précaution

Selon les collectivités, l'autorisation de la commercialisation de certains maïs OGM viole les principes de l’équilibre institutionnel et de précaution. Elles dénoncent « l'absence d'évaluation correcte des OGM concernés, et notamment de leurs effets à long terme ». Elles considèrent aussi que les droits des consommateurs ne sont pas respectés, en raison d'un « défaut d'information sur la composition en OGM des aliments qu'ils achètent ».

Philippe Martin souhaite « dénoncer l'absence de transparence du processus européen de décision ainsi que la mise en cause du principe de précaution et de libre choix pour les 500 millions de consommateurs européens ».

Il reproche à la Commission de s’etre substituée aux Etats membres en autorisant la commercialisation des OGM, alors que ceux-ci n’arrivaient pas a se mettre d’accord. Il condamne également l'utilisation des analyses de l' EFSA, l'institution étant aujourd'hui « très controversée ».

« Le nombre de collectivités locales engagées, en France et en Europe, dans cette action contre la décision de la Commission européenne témoigne des véritables questions démocratiques, juridiques et scientifiques que posent la culture et la commercialisation des OGM », expliquent Jean-Pierre Le Scornet et Sophie Bringuy vice-présidents des Pays de la Loire.

Recevabilité

Le 15 janvier, la Commission a répondu qu’elle «contestait la recevabilité du recours », souligne le porte-parole du commissaire John Dalli. Elle estime que le Gers n’est pas individuellement et personnellement concerné par la décision d’autorisation.

La CJUE examine actuellement la faisabilité du recours du département. « Si le recours est valide, ce sera un symbole que les collectivité ont la capacité à agir sur les OGM, ce serait nouveau», précise Guilhem Isaac Georges, le conseiller développement durable et logement de l'Association des régions de France.

Pour justifier son action, le Gers précise que « sa situation juridique (est) directement et individuellement affectée en raison des conséquences de cette autorisation sur l’environnement, les animaux, l’agriculture et les personnes relevant du département ».

M. Martin ajoute que le conseil général est impliqué dans l’agriculture biologique, dans la reconversion des agriculteurs ou les installations en agriculture biologique. Il considère que l’argent public utilisé à cet effet est « gravement menacé » par l’autorisation de la Commission. Il craint, en effet, des disséminations accidentelles d’OGM, par exemple lors de leur transport.

M. Martin met également en avant la décision du 30 décembre 2009 du Conseil d’Etat qui reconnaît le Gers comme « la seule collectivité territoriale française pour laquelle la question des OGM était ''d'intérêt départemental'' ». Mais cette reconnaissance est liée à la culture et non à la commercialisation d’OGM. Or, la décision de la Commission de juillet autorise la commercialisation de nouveaux maïs OGM, et pas la mise en culture.

Le Gers doit argumenter sur la recevabilité de son recours avant le 11 mars. « Ce sera très difficile au niveau juridique, reconnaît M. Martin. C’est un combat médiatique, politique et démocratique, pour qu’il n’y ait pas de décision sans débat sur la place publique ».

CALENDRIER

11 mars : Réponse du département du Gers, justifiant la recevabilité de son recours.

Autour de la fin mars: Réponse de la CJUE sur la recevabilité du recours.

Avril: si le recours du Gers est recevable, dépôt du mémoire juridico technique, qui forme officiellement le recours