ETATS-UNIS – Un soja OGM autorisé questionne l’équivalence en substance

 

Inf'OGM. Le 30 juin 2010 par Eric Meunier

 

L’entreprise Pioneer vient de recevoir le feu vert du ministère états-unien de l’Agriculture (USDA) pour la commercialisation d’une plante génétiquement modifiée (PGM) par transgénèse, le soja 305423 [1] qui contient plus d’acide gras. L’entreprise Pioneer annonce une commercialisation en 2012 aux Etats-Unis.


 


Deux éléments caractérisent ce dossier.
Premier élément : la modification génétique en elle-même. Les PGM actuellement autorisées contiennent un transgène qui code pour une protéine non naturellement présente dans la plante (du moins pas sous une forme modifiée, certaines protéines pouvant être modifiées par mutagénèse et réintroduites par transgénèse). Le soja 305423, lui, contient un transgène qui ne code pour aucune protéine. Il s’agit d’un fragment de gène déjà présent dans la plante, le gène FAD2-1 qui, lui, code naturellement pour une enzyme impliquée dans la dégradation des acides gras. La présence d’un fragment supplémentaire de ce gène, inséré par transgénèse, déclenche au sein des cellules du soja un mécanisme appelé « extinction de gène ». Utilisé par les plantes comme moyen de défense contre les virus, ce mécanisme a pour principe d’arrêter la production de protéines quand la quantité d’ADN codant pour ces dernières est trop importante. Ainsi, l’ajout d’un fragment du gène FAD2-1 dans le génome du soja augmente artificiellement la quantité d’ADN telle que perçue par la plante. En conséquence, cette dernière arrête la production de l’enzyme correspondante. Les acides gras ne sont donc plus dégradés et la quantité d’huile augmente. Ce soja contient également un gène marqueur de résistance aux herbicides fonctionnant par inhibition d’enzyme appelée acétolactate synthase. Utilisé comme gène de sélection (permettant de sélectionner les cellules et plants effectivement transgéniques), ce transgène confère donc une caractéristique supplémentaire à ce soja.

Le second élément relève de l’évaluation des risques avant commercialisation. Aux Etats-Unis, tout comme dans l’Union européenne, un des concepts utilisés pour évaluer les risques potentiels des PGM est celui d’équivalence en substance. Ce concept, défini en 1993 par l’OCDE, implique pour les PGM, d’évaluer les risques liés à une PGM en la comparant à sa contrepartie non GM. Ainsi, les caractères généraux et la composition moléculaire d’une PGM sont comparés à ceux de la même plante mais non transgénique. Si, à l’exception du caractère induit par le transgène, aucune différence n’est observée, alors les deux plantes sont considérées comme équivalentes en substance. Dans le cas ou le caractère introduit est un caractère « supplémentaire », n’existant pas naturellement dans la plante tel qu’une résistance à des parasites ou à des herbicides, l’utilisation de ce concept est justifié par les experts par le fait que l’introduction de ce nouveau caractère n’a pas modifié la composition « naturelle » de la plante (les analyses fournies par les entreprises sont utilisées par les experts pour conclure en ce sens). Par contre, lorsque la PGM ne contient pas de nouveau caractère comme c’est le cas avec ce soja, mais contient un caractère « naturel » modifié, l’utilisation paraît plus difficile. Car, par définition, le soja 305423 qui contient plus d’acide gras, est différent dans sa composition puisque justement, il contient plus d’acides gras ! Il n’est donc pas équivalent en substance à un autre soja proche génétiquement.
D’une manière générale, il faut noter que le concept d’équivalence en substance en lui-même peut être discuté, car les scientifiques ne sont pas tous d’accord sur sa pertinence pour conclure à l’absence de risque liés à l’utilisation des PGM. Mais surtout, la place de ce concept, qui devrait être centrale, voire exclusive, demain en Europe, pour les PGM, apparaît d’ores et déjà controversée [2].

Si, aux Etats-Unis, les experts de l’Agence des médicaments et de l’alimentation (FDA) n’ont pas paru gênés par cette question, concluant, notamment sur base d’analyse comparative de composition, que ce soja était sain, les experts européens risquent, eux, de devoir s’atteler à justifier une probable entorse à venir. En effet, l’UE s’est engagée dans une révision des règles d’évaluation des PGM [3] qui proposera que l’équivalence en substance soit la clef de voute du prochain système d’évaluation. Les instances d’évaluation seront donc bientôt confrontées à un dossier qui devrait les amener, si elles souhaitent donner un avis favorable, à argumenter l’absence de risque lié à l’utilisation d’une PGM alors même que l’équivalence en substance n’aura pu être démontrée ! Cette occasion devrait arriver sous peu, l’entreprise Pioneer ayant déposé une demande d’autorisation au sein de l’Union européenne pour ce soja en octobre 2007 [4]. L’AESA n’a pas encore rendu d’avis sur ce dossier, une demande « d’informations complémentaires », sans plus de précision de la part de l’AESA, ayant été envoyée en 2008 à l’entreprise.

 



[1] « Pioneer Hi-Bred International, Inc., High Oleic 305423 Soybean ; Final Environmental Assessment, May 2010 », publié le 8 juin 2010

[2] http://www.infogm.org/spip.php?arti...

[3] http://www.infogm.org/spip.php?arti... 

[4] Demande d’autorisation pour le soja génétiquement modifié 305423, pour l’alimentation humaine et animale, question EFSA-GMO-NL-2007-45.

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Dernière mise à jour de cette page le 26/10/2010

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