Espionnage AEF : Candice Marchal protège Ockrent

Marianne2. 4 décembre 2010 par Philippe Cohen

Nouveaux éléments dans le scandale du système d'espionnage d'Audiovisuel extérieur de France : la collaboratrice de Christine Ockrent a affirmé avoir agi pour son propre compte. Ce qui parait bien invraisemblable. Explications.

(dessin: Louison)

Le scandale du système d’espionnage interne à France 24, qui fait la une de Marianne cette semaine, a connu aujourd’hui un épisode important avec l’entretien préalable au licenciement de Candice Marchal (38 ans), une collaboratrice proche de Christine Ockrent la première qu’elle a embauchée à France 24. Les enquêteurs du cabinet privé Forensic & Legal Service oeuvrant pour la direction de l’entreprise avaient découvert que son ordinateur comportait 2,5 millions de documents piratés provenant des douze ordinateurs de la holding du groupe AEF (Audiovisuel extérieur français), qui chapeaute RFI, France 24 et TV5 Monde. Elle a été mise à pied le 26 novembre,

Dans ses dernières déclarations, Christine Ockrent semble avoir pris la mesure de la gravité des faits et du danger qu’ils faisaient peser sur sa carrière : « l’intrusion » dans un système informatique, c‘est-à-dire le fait de subtiliser des données privées à l’insu des utilisateurs, est un délit pénal qui n’est pas un motif de promotion dans les groupes de médias. La directrice déléguée s’est donc, comme elle l’a déclaré dans tous les médias ce matin, désolidarisé de Candice Marchal avec beaucoup de vigueur,. Elle a même laissé entendre que celle-ci n’était pas quelqu’un de très proche. Ce qui a fait sourire nombre de collaborateurs de France 24. D’autant que, convoqué pour son entretien à 14h30, Candice Marchal est arrivée dans la voiture de fonction de Christine Ockrent, conduite par son propre chauffeur !  Une anecdote qui montre l’insouscience – ou le sentiment d’impunité – du numéro deux d’AEF.
 

L'espionnage remonte à 2008 !

Alain de Pouzilhac, la directrice des ressources humaines et la déléguée CGT d'AEF, Sabine Meslet, étaient présents à l’entretien. Dans un premier temps, Candice Marchal a nié avoir utilisé les données des serveurs d’AEF. Alain de Pouzilhac exhibe alors un entretien de l’avocat de Candice Marchal dans un journal dans lequel il défendait le droit de sa cliente à avoir accès aux données du groupe compte tenu de ses responsabilités. Candice Marchal a demandé alors une suspension de séance, qui a duré 8 minutes, à l’issue de laquelle elle a reconnu les faits : « Oui, j’ai piraté », a-t-elle déclaré, « l’info-gérant (Thibault de Robert de Lafregeyre, collaborateur prestataire qui s’occupait de la sécurité informatique, lui aussi recruté par Christine Ockrent, ndlr) m’a donné le login et le mot de passe. » Le mobile ? Candice Marchal a expliqué qu’elle était « angoissée » par sa situation dans l’entreprise.
« Mais ça n’a pas de sens ! », a rétorqué Alain de Pouzilhac. « Tu te rends compte que tu rentrais dans la vie privée de gens ? »
« Je savais que je faisais quelque chose de mal », a-elle ajouté, tout en maintenant sa version : elle avait peur d’être virée et voulait savoir ce qui se disait sur elle entre les membres de la direction.

Intervenant à son tour, la déléguée CGT s’est efforcée de mettre la faute grave de Candice Marchal sur le compte de la guerre des chefs qui sévit dans l’entreprise depuis des mois. Piètre argument selon Pouzilhac : certains documents retrouvés par les enquêteurs sur l’ordinateur de Candice Marchal datent de novembre 2008, lorsque les relations n'étaient pas encore dégradées entre Pouzilhac et Ockrent ! Là encore, le PDG contredisait la salariée : selon elle, le piratage n’avait commencé qu’en septembre 2010. L'entretien a duré une heure trente. Candice Marchal est repartie avec le chauffeur de Christine Ockrent qui l'avait attendu. La sanction de l'entreprise tombera lundi, mais le licenciement pour faute grave ne fait aucun doute.

La ligne de défense de Candice Marchal protège-t-elle Christine Ockrent ? A première vue, oui, puisqu’elle ne la désigne pas comme la commanditaire du système d’espionnage. Mais les motivations telles qu'elle les exposées ne sont pas crédibles : peut-on imaginer monter tout un système de piratage interne et le faire fonctionner deux ans durant simplement pour se renseigner sur son avenir dans l’entreprise ? En quoi les informations de nature stratégique et confidentielle sur l’entreprise pouvaient concerner le sort d’une simple assistante cantonnée dans des tâches secondaires (afférant aux diverses activités de Christine Ockrent), et travaillant de surcroit à France 24 et non dans la holding ? Pourquoi l’info-gérant lui aurait-il remis les codes d’ accès ? Quels intérêts y aurait-il trouvé lui-même ? Pourquoi les enquêteurs ont-ils trouvé des mails adressés à Christine Ockrent dans lesquels Candice Marchal lui donnait multe informations sur ce qui se disait sur la compagne de Bernard Kouchner dans la rédaction ?

 

Ockrent : « Le Président a choisi son camp. »

On peut  penser que la police, qui commence à peine à rentrer sérieusement dans le dossier, va faire, dans les jours qui viennent, bouger les témoins et les suspects de façon à désépaissir le mystère tel qu’il ressort du témoignage de Candice Marchal.
En réalité, compte tenu de la nature des informations volées, la mise au point du système de piratage ne prend un sens que dans un cadre de conflit au sein de la direction. Lorsqu’ils ont rendu leur rapport à Alain de Pouzilhac, les investigateurs du cabinet  Forensic & Legal Service lui ont dit : « Vous ne vous êtes jamais rendu compte qu’elle avait toujours deux ou trois coups d’avance sur vous ? »
En attendant, il semblait bien, vendredi 3 décembre, au soir que Christine Ockrent serait avec le président dans l’avion Air Sarko One à destination de Bengalore, en Inde, où elle devait signer un contrat de joint venture avec une télévision locale. Vendredi, une journaliste en avait demandé confirmation à David Levitte lors du point de presse, provoquant une réponse mi-chèvre mi-chou du conseiller présidentiel. Dans l’esprit de la déléguée générale d’AEF, sa présence auprès du Président est un élément capital de sa stratégie pour montrer que, comme elle le dit dans l’entreprise, « Le Président a choisi son camp. » Ce qu'il avait déjà fait dans le cas de l'affaire Woerth. Sans pour autant porter chance à l'ex-ministre du travail.


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Dernière mise à jour de cette page le 05/12/2010

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