Obama-Sarkozy : le chat et la souris Devant les caméras complaisantes de TF1 dimanche 5 avril à 13 heures, Nicolas Sarkozy a ramé avec toute son inépuisable énergie pour célébrer la passion amicale qui le lie à Barack Obama. A l’en croire, les deux hommes ont, la main dans la main, sauvé la planète.
Ces pathétiques efforts n’ont fait que souligner les camouflets que le président américain ne cesse d’infliger à son confrère français. Depuis l’élection d’Obama, Sarkozy tente désespérément d’attirer son attention, sollicitant l’ambassade française à Washington et même Hillary Clinton. En vain. Pire : le mois dernier, le nouveau chef mondial a écrit une lettre à… Jacques Chirac, le prédécesseur de Sarkozy.
Et en quels termes : «Je suis certain que nous pourrons au cours des quatre ans à venir collaborer ensemble dans un esprit de paix et d’amitié afin de construire un monde plus sûr. » Un vrai message de chef d’Etat à l’un de ses égaux.
Calamiteuse invitation au ranch
Si Bush junior en avait été l’auteur, on aurait pu mettre cette missive sur le compte d’une de ces nombreuses éclipses intellectuelles qui font le charme inquiétant du passé président. Avec Obama, une telle interprétation est impossible. Il a bel et bien voulu blesser Nicolas Sarkozy en lui rappelant que Chirac au moins s’est opposé à Dobelyou avant la campagne en Irak et n’a pas quémandé, lui, une invitation dans son ranch.
Barack Obama a enfoncé le clou encore plus cruellement, durant ce week-end consacré à l’OTAN. Tout d’abord, il a infligé à l’Omniprésident un sacré coup de vieux en recevant l’acclamation enthousiaste de 4000 lycéens strasbourgeois devant lesquels le numéro un planétaire a mené un show digne d’une rock- star.
Pierre radioactive dans le jardin à la Française
Ensuite, le président américain a plaidé pour le désarmement atomique global. Une pierre radioactive est ainsi lancée dans le jardin à la française. Sans sa dissuasion nucléaire nationale, le peu de puissance militaire et diplomatique qui reste à Paris approcherait du néant. Voilà une curieuse manière de remercier la France d’avoir réintégré le commandement militaire de l’OTAN ! Et cela donne une idée précise de l’étroite marge de manœuvre qui sera dévolue à la République voisine dans l’Alliance atlantique. En son sein, Sarkozy rêvait d’une jolie plage de pouvoir. Il n’aura droit qu’à un lopin de la taille d’un string de volleyeuse brésilienne.
Enfin, Barack Obama a quasi ordonné aux Européens d’accepter l’entrée de la Turquie dans l’Union. Or, contrairement à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy est opposé à cette adhésion. Lassé sans doute de recevoir cette série de gifles, le président français a d’ailleurs sèchement répliqué en rappelant qu’il appartenait aux Européens de prendre une telle décision.
Frustrant retour sur le banc des remplaçants
Visiblement, Obama veut remettre le Français à sa place. Profitant de la calamiteuse fin de règne de Bush, Nicolas Sarkozy, alors président de l’Union européenne, a occupé le terrain de la diplomatie mondiale, à la manière de ces footballeurs remplaçants qui se démènent pour faire oublier la vedette blessée. Maintenant, un nouvel attaquant héroïque entre sur la pelouse. Au remplaçant de retourner sur le banc de touche. Et vite !
(Ce texte a paru mercredi 8 avril 2009 en "Réflexion" dans "24 Heures" et jeudi 9 avril en "Perspective" dans la "Tribune de Genève" )
Jean-Noël Cuénod