Les Nouvelle News. Le 4 Mai 2011 par Arnaud Bihel (publié par Marie)
Lundi, le chef de l'Etat acceptait un audit indépendant sur le coût réel de la filière nucléaire en France. Mardi, il utilisait des chiffres fantaisistes et un discours radical pour défendre le nucléaire coûte que coûte.
Lundi 3 mars, à l'Elysée, Nicolas Sarkozy rencontrait huit grandes ONG de défense de l'environnement. Celles-ci appelant à sortir du nucléaire, celui-là déterminé à poursuivre dans la voie de l'atome. Malgré ce profond désaccord, ils avaient pu s'entendre sur un point : la Cour des comptes mènera un audit indépendant sur le coût réel du parc électro-nucléaire. Un outil qui pourrait permettre de débattre - enfin - de façon raisonnée sur les avantages et les inconvénients de la filière nucléaire. Avec un parc désormais vieillissant se posera notamment dans les années qui viennent la question du démantèlement des centrales, sur le coût duquel personne ne s'est jamais penché jusque là.
On pouvait donc voir dans cette décision une légère concession du chef de l'Etat. Serge Orru, Directeur général du WWF France, saluait « une étape fondatrice ». Pourtant, dès le lendemain à Gravelines, Nicolas Sarkozy a balayé de quelques phrases l'espoir d'un débat serein sur le nucléaire en France.
Chiffres imaginaires
Sur les bords de la mer du Nord la centrale de Gravelines, avec ses 6 réacteurs, est la plus importante d'Europe occidentale. C'est là, devant un auditoire largement acquis au nucléaire, que le chef de l'Etat a assuré qu'il continuera à investir dans cette énergie, coûte que coûte.
C'est là qu'il s'est assis, d'ores et déjà, sur ce futur audit, en répétant à plusieurs reprises devant le personnel de la centrale, puis lors d'une table ronde, d'étranges chiffres. « Ceux qui veulent qu'on sorte du nucléaire, est-ce qu'ils seront prêts à expliquer aux Français que l'électricité leur coûtera 4 fois plus cher ? », s'est interrogé Nicolas Sarkozy. Et de poursuivre : « Est-ce qu'ils sont prêts à trouver les 45 milliards d'euros pour compenser ? C'est irresponsable. »
Quatre fois plus cher ? 45 milliards d'euros ? A moins qu'ils soit issus de documents secrets, ces chiffres ne correspondent à rien. Sans compter que « c’est bien joli de chiffrer la sortie du nucléaire sans faire la même chose pour le maintien du choix nucléaire », s'étrangle Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace. Pour la fédération France Nature Environnement, c'est le signe que « l'Etat s'enferme aveuglement dans le nucléaire ».
L'atome ou le Moyen-âge
La catastrophe de Fukushima a conduit nombre d'Etats dans le monde à s'interroger sur la place du nucléaire. En Allemagne, Angela Merkel a effectué un demi-tout complet, et envisage désormais la fermeture des réacteurs, ce qu'elle jugeait inconcevable il y a quelques mois encore.
Mais pour Nicolas Sarkozy, la cause est entendue : « Nous ne renoncerons pas à la filière nucléaire ». Parce c'est le « progrès » ; le choix de la France, il y a 40 ans, de devenir le pays le plus nucléarisé au monde, était l'oeuvre de « visionnaires ».
Au lendemain de Fukushima, les pro-nucléaire français visaient « l'indécence » de ceux qui osaient douter des bienfaits de ce « progrès ». Depuis, le discours du chef de l'Etat n'a pas changé. Il n'y a pas d'alternative à ses yeux, et ceux qui prônent la sortie du nucléaire prônent le retour à la bougie. « On n'a pas le droit de jouer sur des peurs moyen-âgeuses pour remettre en cause des choix qui font la puissance de notre pays », a-t-il répété à Gravelines.
Double jeu sur la sécurité ?
Pas question d'avoir peur, puisque le nucléaire français est le plus sûr au monde, ajoute le chef de l'Etat. Début avril, le président de l'Autorité de sûreté nucléaire évoquait la possibilité d'un moratoire sur l'EPR, le réacteur de 3ème génération en construction à Flamanville (et donc la sécurité avait été mise en cause dès novembre 2009). Pas question, a martelé Nicolas Sarkozy : « C'est la centrale qui sera la plus sûre, parce que la plus neuve ».
Mais attention, ajoute-t-il : les centrales françaises les plus vieilles, comme celle de Gravelines, sont les plus sûres aussi... grâce au retour d'expérience.
La sécurité, d'ailleurs, c'est la priorité de Nicolas Sarkozy. Il s'est félicité que l'Union européenne ait décidé, suite à l'accident de Fukushima, de pratiquer des tests de sécurité, « les plus complets possibles », sur les 146 réacteurs de l'Union (la France en compte plus du tiers : 58).
Sauf qu'à Bruxelles la France fait pression, avec la Grande-Bretagne pour que ces tests ne soient pas si stricts que cela, affime ce mercredi le journal allemand Süddeutsche Zeitung : ils ne prendraient en compte que les risques naturels, laissant de côté les risques terroriste ou d'erreur humaine.
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