Comment Israël a donné la main à la Turquie

Marianne2. 7 juin 2010 par Régis Soubrouillard

A travers la bavure israélienne de l'opération Flottille pour la Paix, Istanbul obtient là une occasion unique de manifester son repositionnement stratégique. Imposer son leadership sur le monde arabe, s'émanciper autant que possible des Américains et s'éloigner d'un monde occidental qui l'a longtemps snobé.


Comment Israël a donné la main à la Turquie
Il n’en demandait sans doute pas tant. Le dramatique assaut des commandos israéliens Shayetet 13 aura suffi à faire de Erdogan un héros - on le compare à Nasser ! - et à installer le leadership turc sur le monde arabe.

Située aux carrefours de l'Europe, de l'Asie, et du Moyen-Orient, allié de poids des Etats-Unis, la Turquie est en plein repositionnement au niveau international et possède d’ incontestables atouts dans le redéploiement de sa politique extérieure. L’épisode « Flottille pour la Paix » est d’ailleurs d’abord un symbole de cette nouvelle suprématie.

L’ambition d’accéder au statut de puissance ne date pas d’aujourd’hui et la Turquie n’a pas ménagé ses efforts notamment depuis l’installation au ministère des affaires étrangères d’Ahmet Davutoglu, un ancien universitaire, moins focalisé sur l'Europe que ses prédécesseurs.

Dans la revue Foreign Policy, il livrait fin mai les principes méthodologiques et opérationnels de sa diplomatie :
- une approche plus complexe du Moyen Orient par sa connaissance « unique » de la région.
- une approche globale des problèmes mondiaux : Moyen Orient, mais aussi Balkans, Asie centrale, Afrique, Asie. La Turquie cherchera notamment à améliorer activement ses relations avec les pays voisins comme la Grèce, l'Iraq, la Fédération de Russie, et la Syrie.
- l’adoption d’un nouveau discours et un nouveau style diplomatique privilégiant la puissance économique de la Turquie pour accroître son soft power. Tout en maintenant une puissance armée compte tenu de la « fragilité » du contexte régional.  

La mal-aimée Turquie prend donc conscience de son influence et de son potentiel. D’ores et déjà, le premier objectif du ministre des affaires étrangères turques est rempli. « Grâce » à la bavure israélienne, la Turquie a considérablement renforcé ses positions au Moyen-Orient.
Dans les manifestations du monde entier, les drapeaux turcs  côtoyaient les drapeaux palestiniens.

Le paradoxe turc

Interrogé par Marianne2, le chercheur Olivier Roy estime que « cela est parfaitement cohérent avec sa nouvelle politique étrangère: placer la Turquie au coeur du Moyen Orient, sans renoncer à ses alliances traditionnelles. Ce recentrage est bien sûr perçu comme une trahison par les Israéliens mais pas par les USA ni par les Européens. Pour des raisons moins avouables, les européens préfèrent souvent une Turquie plus orientale -car alors comment lui refuser l'adhésion?- mais qui reste une alliée dans le cadre de l'OTAN) ».

Une nouvelle donne stratégique qui arrange donc les Européens, soucieux de ne pas choisir.
Négligée par les européens, alors que les perspectives de son adhésion à l'Union européenne s'enlisent durablement, Ankara a entrepris d'approfondir ses liens avec ses principaux voisins musulmans. Et comme nombre d’autres puissances dites « moyennes », la Turquie s’éloigne de l’occident.

Géographe et diplomate, auteur de L’obsession des frontières, Michel Foucher résume la contradiction euro-turque : « Si l'on raisonne sur ce que doit être l’union européenne à l’échelle mondiale, pas carolingienne, qui serait une échelle de référence comme une autre, il est dans l’intérêt de l’Europe d’intégrer la Turquie. Mais sur le plan de la politique intérieure d’un certain nombre de pays, ce sera très compliqué puisque comme on en a l’obligation, cette question sera soumise à référendum. t La réponse serait probablemen négative, car les partis feront campagne pour le non ».

Bloquée aux portes de l’Europe, la Turquie joue donc sa propre carte  et ne se considère plus comme un pion américain. D’où la multiplication des turbulences avec Israël, au risque aussi d’une radicalisation de ses positions incarnées par les initiatives menées par l’ONG islamiste Turque IHH, proche du Hamas et de l’AKP, le parti  du premier ministre Erdogan.


Commentaire (1)

1. Aldo maccione Le 07/06/2010 à 18:34

Une suggestion: Dites moi si vous trouvez ça con:
Pourquoi ne pas intégrer Israël dans la communauté européenne... Les clubs israëliens participent déjà aux compétitions européennes de football!! Ah, les Turcs aussi...Finalement les footeux remontent dans mon estime. Ils sont moins sectaires que les Zommes Politiques...
Ajouter un commentaire
Vous

Votre message

Plus de smileys

Champ de sécurité

Veuillez recopier les caractères de l'image :



Dernière mise à jour de cette page le 19/06/2010

Membre du réseau Infovox, je publie sur Agoravox, coZop, etc.