Les eaux glacées du calcul égoïste. 24 février 2011 par Marc Laimé
C’est à nouveau une réponse ministérielle à un parlementaire qui soulève un coin du voile. L’Etat est formellement responsable de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. C’est lui qui décide des protocoles et du nombre d’analyses qui seront effectuées chaque année pour vérifier que l’eau potable est conforme aux normes qui ont été fixées par la Directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 « relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. »
Mais ce n’est pas l’Etat qui paie le coût, astronomique, de ces millions d’analyses effectuées chaque année : il le fait prendre en charge par les collectivités qui exercent une compétence en matière de distribution d’eau, soit les 36 000 communes françaises et leurs groupements. Bel exemple de néo-transfert de compétence non compensé financièrement.
Autre bizarrerie, jamais évoquée dans les sanglantes polémiques autour de la « qualité » des eaux distribuées au robinet, qui effectue ces millions d’analyses annuelles, hier « commandées » pour le compte de l’Etat par les DDASS, aujourd’hui par les Agences régionales de Santé (ARS) du ministère éponyme ?
Les services du ministère de la Santé ? Vous n’y pensez pas ! Les DDASS hier, (aujourd’hui les ARS), confient un pourcentage en diminution vertigineuse de ces millions d’analyses annuelles aux laboratoires départementaux publics qui ont survécu à la RGPP, mais l’essentiel de la manne revient aux discrètes multinationales privées du contrôle et de l’analyse : Eurofins, Carso et IPL-Lille, genre de start-up créée à partir de la branche lilloise de l’Institut Pasteur…
D’où la question à 64 millions de dollars : imagine-t-on une seconde que ces trois multinationales de l’analyse, en situation de monopole écrasant sur le marché (une commande publique de l’Etat) du contrôle de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine en France, prennent le risque de se fâcher avec l’Etat qui leur assure des bénéfices colossaux en publiant, par exemple, des résultats d’analyse qui placerait le même Etat en situation délicate quand il doit rendre des comptes à Bruxelles, via le fameux « Rapportage communautaire » ?
Le débat aussi confus que récurrent sur la « qualité de l’eau du robinet » gagnerait beaucoup en clarté si les Rouletabille qui l’alimentent exploraient aussi ces zones d’ombre…
La question n° 78730 de M Rémi Delatte,(UMP) Côte d’Or, publiée au JO le 18/05/2010, page 5485 :
"M. Rémi Delatte attire l’attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Il lui rappelle que ce contrôle, régi par l’article 52 du code de la santé publique, relève de la compétence de l’État. Ce contrôle comprend notamment des prélèvements et des analyses d’eaux qui sont réalisés par un représentant de l’État dans le département ou par un laboratoire agréé par le ministre de la santé et payé par la collectivité gestionnaire du service. En conséquence celui qui assure la dépense des analyses est soumis à celui qui prescrit ces analyses puisqu’il lui impose un prestataire, ce qui paraît préjudiciable pour la libre gestion des communes ou des syndicats. C’est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend modifier cette législation."
La réponse du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Santé, publiée au JO le 15/02/2011 page, 1573 :
Le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine exercé par l’État est régi par les articles L. 1321-5 et R. 1321-15 à R. 1321-22 du code de la santé publique (CSP) sur la base des fréquences et types d’analyses imposés par la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Ce contrôle sanitaire, mis en oeuvre par l’agence régionale de santé (ARS), est indépendant de la surveillance que l’exploitant doit réaliser, conformément à l’article R. 1321-23 du même code.
Les frais de prélèvements et d’analyses liés au contrôle sanitaire sont à la charge de la personne responsable de la production et/ou de la distribution de l’eau (art. R. 1321-19 et R. 1321-21 du CSP), comme cela est généralement le cas en matière d’environnement.
Cette organisation présente deux avantages majeurs :
une diminution des coûts pour les collectivités, notamment les plus petites, par mutualisation à l’échelle du département, voire de la région si l’ARS a choisi un laboratoire unique pour la région ;
une simplification des intervenants dans l’organisation qui permet à la France de s’acquitter, dans des délais souvent contraints, de ses obligations communautaires de rapportage auprès de la Commission européenne sur la qualité de l’eau du robinet.
L’ARS étant responsable du contrôle sanitaire, elle apparaît légitime à choisir le laboratoire chargé de ce contrôle, même si le coût est supporté par la collectivité.
Confier l’organisation des procédures de mise en concurrence aux 36 000 communes risquerait de désorganiser totalement le contrôle sanitaire, avec les risques de contentieux européens et les risques sanitaires que cela pourrait générer."
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