Article XI. Le 15 Juillet 2010 par Ké Huelga Radio
Bref contexte, par A11 : Ké Huelga ("Quelle Grève") est une radio mexicaine née au cours des massives grèves étudiantes de 1999. Basée à Mexico, elle a grandi dans et pour les mouvements sociaux, acharnée à faire entendre les sans-voix et à dénoncer l’ordre néolibéral aux manettes. « Ils ne parviendront pas à faire taire nos pensées et nos voix », écrivaient-ils déjà en 2007, face à des menaces les ayant forcé à délaisser les ondes pour un temps (tout en continuant à diffuser sur Internet).
Aujourd’hui, Ké Huelga lance un appel. Pour dénoncer la grave situation de ce Mexique "en sang", où les voix discordantes sont menacées. Et parce que cette radio évidemment non commerciale - « Là où les médias commerciaux disent "audience", nous disons "camarades" », écrivent-ils plus bas - , est dans l’impasse économique : elle a besoin d’un coup de main pour survivre (pour faire un don, c’est ici) et en appelle à la solidarité. Dans tous les cas, nous t’incitons fermement à laisser traîner tes oreilles sur les ondes de Ké Huelga, radio rafraichissante et combative, fond sonore parfaitement adapté à la lecture de cet article.
Le Mexique est en sang. Parallèlement à la soi-disant "guerre contre les narcos", nous voyons se teinter de vert olive le territoire de notre pays. La militarisation fait partie de la guerre mondiale que les États-Unis ont engagée après le 11 Septembre, en se fabriquant de nouveaux ennemis : le terrorisme et le narcotrafic. En totale harmonie avec ses maîtres du Nord, le gouvernement mexicain s’est lancé dans sa propre guerre, en créant un État policier et en criminalisant la protestation sociale.
La militarisation débouche sur des formes de contrôle social qui n’ont rien à envier à celles qu’utilisaient les dictatures des années 1970 : des caméras vidéo aux salles de torture, en passant par les disparitions et les massacres, le régime fait usage de tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en place de nouvelles conditions d’esclavage. À la barbarie des décapitations, des disparitions de corps, enroulés dans des couvertures (encobijados) ou dissous dans la soude (pozoleados) et autres pratiques sauvages dont les médias se servent pour alimenter la peur de la société, viennent s’ajouter les "technologies avancées" de l’espionnage électronique (téléphone et Internet), ainsi que les propositions d’importation de mercenaires « qui sont, eux, parfaitement capables » d’exterminer les criminels. De la sorte, la peur et le silence se présentent comme les recettes magiques sorties des manuels de la guerre psychologique pour habituer les médias à « l’autocensure ». Ainsi, la population est également de moins en moins sensible à la violence étatique ou paramilitaire qui s’exerce à l’encontre des mouvements sociaux.
Il peut sembler excessif de parler de "nouvel esclavage", mais tel est le pari des puissants : les grands chefs d’entreprise, mexicains ou étrangers, le gouvernement des États-Unis et les néolibéraux du Mexique sont déterminés à faire tomber tous les obstacles qui les empêchent d’augmenter leurs profits et leur contrôle sur notre pays. Il s’agit de s’approprier les richesses naturelles et d’exploiter encore plus les travailleurs mexicains. Il y a pléthore d’exemples en la matière. Voyons de près l’étendue de l’offensive des patrons et des hommes politiques contre l’ensemble de la population :
Militarisation
Bien qu’il n’y ait jamais eu au Mexique un "État de droit", nous constatons aujourd’hui que l’armée applique dans tout le pays la loi du plus fort. L’armée et ses unités déguisées en bleu, la police fédérale, sont désormais l’unique soutien du projet néolibéral au Mexique. L’effondrement des institutions clés telles que les pouvoirs de l’Union (l’État fédéral), l’éducation et la santé, ainsi que la profonde crise économique qui a éclaté en 2008, ont eu pour résultat une proposition unique des hommes politiques : « la mano dura », la main de fer, quels que soient leurs visages - Felipe Calderón, Enrique Peña Nieto ou Marcelo Ebrard. Du Chihuahua au Chiapas et de News Divine à San Juan Copala, les bottes des militaires occupent, harcèlent, torturent et tuent les populations qui vivent dans les territoires dont il faut s’assurer le contrôle. Le soi-disant combat contre le narcotrafic est prétexte à des interventions dans des États comme le Michoacán, le Guerrero, Oaxaca, le Chiapas, où l’on criminalise toute lutte sociale visant à défendre son territoire, en taxant ces luttes de « façades de la guérilla », et imposant ainsi la loi du garrot.
En finir avec les droits sociaux
Au Mexique, produit de la Révolution inachevée de 1910, il existe des limites minimales à l’exploitation des travailleurs et à l’abandon du pays aux mains des étrangers. Ce sont ces derniers obstacles que l’offensive actuelle essaie de lever. Que nous parlions de la situation catastrophique de l’éducation nationale ou du service électrique, de la dévastation des campagnes ou de la privatisation de l’eau, l’ensemble des droits conquis au cours de décennies de luttes est en voie de liquidation. Nul n’oublie que le soulèvement zapatiste fut provoqué par la contre-réforme de l’article 27 de la Constitution. Nous vivons aujourd’hui la privatisation de l’énergie électrique par le biais de la liquidation d’entreprises propriété de l’État et du coup brutal et illégal porté au SME (syndicat des travailleurs du service électrique). Les menaces transgéniques contre nos semences autochtones ne cessent également de croître. L’éducation souffre de l’asphyxie budgétaire qu’illustre bien le drame de millions de jeunes qui ne trouvent ni emploi ni place dans les écoles. Quant à la sécurité sociale, mieux vaut ne pas en parler, car les pensions sont entrées dans la roulette de la spéculation financière par le biais des AFORES (administrations de fonds pour la retraite), et les hôpitaux et cliniques démantelés vivent au quotidien le manque de moyens et de médicaments. Et, cerise sur le gâteau, en avril 2010, le parti de la droite pure et dure, le PAN (Parti d’action nationale), a proposé une contre-réforme de la Loi fédérale du travail, laquelle cherche à abolir les droits fondamentaux des travailleurs comme le contrat collectif, la stabilité de l’emploi, la durée de la journée de travail et même le droit élémentaire à percevoir un salaire en échange de son travail.
Abandon du pays entre les mains du grand capital
La guerre en cours a un objectif fondamental : que les énormes richesses du pays soient exploitées par le grand capital. À qui profite la Loi Monsanto et les permis accordés pour semer des transgéniques ? À Monsanto, Cargill, Syngenta, etc. À qui profite l’extinction de Luz y Fuerza [1] ? À Iberdrola, AES, Mitsubishi, etc. Et il en va de même dans les mines, l’énergie éolienne, les infrastructures, le secteur financier, etc., où des entreprises du monde entier profitent des largesses de Calderón pour « attirer des investissements ». Les barons locaux méritent une mention spéciale, avec Carlos Slim à leur tête, car ils ont réussi à s’emparer d’une grosse part du gâteau. Le fait que Slim soit l’homme le plus riche du monde ne doit pas occulter les grandes affaires des Zambrano (Cemex), des Azcárraga (Televisa), des Hernández (Maseca), et tutti gli altri. Tandis que cette poignée de voleurs s’offre des vies de roi, 50 millions de Mexicains vivent dans la pauvreté et des centaines de milliers émigrent vers le Nord en quête d’une vie meilleure, pour n’y trouver que la mort aux mains de la migra (la patrouille frontalière états-unienne), le désert ou les groupes anti-migrants.
Les « gringos » à la rescousse
Comme jamais au cours de l’histoire, le gouvernement de Felipe Calderón a remis les rênes du pays entre les mains de l’État et de l’armée des États-Unis. Le Mexique est en train de devenir un protectorat yankee. Les décisions cruciales se prennent sous la tutelle de nos « généreux » voisins, qui distribuent dollars et armes en gros tout en accroissant leur influence sur la vie du pays. Ne serait-ce qu’en 2010, la réalisation de manœuvres militaires conjointes, la visite d’une délégation militaire avec à sa tête la secrétaire d’État Hillary Clinton et l’ordre donné par la secrétaire de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, de retirer l’armée de Ciudad Juárez sont autant de preuves de l’identité de ceux qui tiennent les rênes du Mexique. Le gouvernement actuel s’est totalement soumis aux dictats des gringos, synthétisés dans l’Initiative Mérida et dans leurs intentions récentes qui ont pour but de mettre en place un "Plan Colombie" au Mexique. L’assistance militaire (armes, moyens financiers, entraînement) sera complétée par l’action directe des soldats et des mercenaires des États-Unis dans notre pays, qui jouiront bien évidemment d’une totale impunité.
Dans ce panorama, les moyens massifs de non-communication jouent un rôle essentiel. Il n’est jamais superflu de rappeler la participation active des médias commerciaux à des campagnes de déstabilisation en de nombreux lieux du monde : El Mercurio au Chili, contre le gouvernement de Salvador Allende ; The Daily Cleaner en Jamaïque, contre le gouvernement de Michael Manley ; La Prensa au Nicaragua, contre les sandinistes ; les médias d’extrême droite au Venezuela, contre le gouvernement d’Hugo Chávez ; les télévisions du Honduras, contre le gouvernement de Manuel Zelaya. Il faut faire mention à part de la « couverture » de l’invasion des États-Unis en Afghanistan et en Irak, opération propagandiste grâce à laquelle les grandes chaînes de désinformation des États-Unis, particulièrement Fox News, se sont employées à « créer l’ennemi » dont baby Bush avait besoin pour mettre la main sur cette région du monde. De la même manière, la Société interaméricaine de la presse (SIP) et le Fonds national pour la démocratie (NED) sont des instruments d’intervention médiatique de la CIA en Amérique latine. Tous ces exemples montrent la centralité des médias pour la domination sociale que nous subissons.
Le Mexique a été un « laboratoire » de premier niveau pour expérimenter les techniques de contrôle social par le truchement de moyens massifs de non-communication. Dès l’époque de Díaz Ordaz, le modus operandi de ces acteurs a été défini. Dans un document interne du gouvernement mexicain des années 1960, versé aux Archives générales de la nation, nous pouvons lire : « Par l’action de la propagande politique nous pouvons concevoir un monde dominé par une tyrannie invisible qui adopte la forme d’un gouvernement démocratique. » Des paroles vieilles de presque un demi-siècle et qui malheureusement sont toujours d’actualité. Le conditionnement et la manipulation sont l’antique et toujours efficace recette des médias commerciaux pour nous maintenir bien sages pendant que le pays se désintègre.
Et cela ne se limite pas aux moments de crise, mais atteint même notre quotidien. Les moyens massifs de non-communication modèlent nos vies à travers leurs messages : ils dictent nos modes de comportement, nous disent ce que nous devons faire, quand et comment ; ils fixent la hiérarchie de l’acceptable, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, élèvent ou renversent les personnalités publiques, etc. Sur le terrain de la lutte sociale, ces médias se comportent comme des armées de mercenaires au service du plus offrant et comme les gardiens efficaces de l’ordre établi. La "pensée stratégique" des médias est guidée par les techniques de conduite et de manipulation de la mal nommée "opinion publique". Et il ne saurait en être autrement puisque nous savons que derrière la soi-disant "objectivité" des communicants, les liens du pouvoir se tissent en de solides réseaux : ainsi nous savons que Bill Gates, le patron de Microsoft, est un important actionnaire de Televisa, et que Carlos Slim est l’un des patrons du New York Times.
Au cours des vingt dernières années, les politiques et les patrons des médias ont établi une alliance stratégique de profit mutuel : le contrôle de la population, garanti par les médias et qui permet que des voleurs et des assassins gouvernent notre pays, est récompensé par les décisions gouvernementales qui maintiennent le duopole Televisa-TV Azteca sur tout le pays. Tandis que les médias se présentent comme le théâtre de la démocratie et de la diversité, un regard sur les propriétaires des entreprises de radio et de télévision nous montre qu’une poignée d’acteurs contrôle la diffusion de messages qui renforcent le contrôle social.
Les concessions de chaînes de télévision sont partagées entre Televisa et TV Azteca, lesquelles contrôlaient, en 2008, 401 stations, représentant un peu plus de 87 % de la totalité des chaînes. Cela génère des négoces multimillionnaires : en 2008 Televisa a encaissé des recettes supérieures à 39 milliards de pesos (70 % des recettes de la télévision ouverte) ; TV Azteca a eu des recettes non négligeables de 9 milliards de pesos. À la radio, la situation n’est pas très différente. Le Groupe ACIR contrôle 30 stations d’émission dans 26 villes du Mexique et le Groupe Radio Centro en fait de même avec plus de 100 stations ; ces groupes radiophoniques représentent 50 % de l’audience de Ciudad Monstruo (Cité-Monstre : la Ville de Mexico). Quelle diversité ou objectivité peut-il y avoir lorsque l’immense majorité des stations de radio et des chaînes de télévision sont contrôlées par quatre entreprises ? Dans de telles conditions monopolistiques, la communication, devenue une marchandise, se modèle et se vend au plus offrant.
Les médias, et en particulier la télévision, constituent le principal lien de communication de notre pays. Historiquement, l’État mexicain s’est consacré à deux choses : laisser aux mains des entreprises privées l’espace de la communication et réprimer les initiatives par lesquelles la société essaie de casser le monopole médiatique. Braver un tel monopole est une tâche essentielle pour transformer notre pays. C’est pourquoi les médias libres, associatifs, communautaires sont des acteurs stratégiques de la lutte sociale.
L’histoire récente parle de l’importance des médias libres. En 1994, les premiers réseaux - à travers Internet - ont aidé à arrêter la guerre contre l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) et les communautés indigènes en résistance. La diffusion des actions répressives dans la région d’Atenco et de la résistance opiniâtre des peuples d’Oaxaca en 2006 ont représenté une avancée importante pour les médias libres, qui ont appris à ménager des espaces pour ceux qui luttent contre le capital et ses gouvernements.
Tout d’abord au mois de mai, face au lynchage médiatique des paysans du Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra de San Salvador Atenco, les médias libres ouvrirent un espace pour dénoncer les tortures et les violences subies par les détenus des deux sexes, et ont transmis les appels à la solidarité avec les prisonniers. Peu de temps après, pendant l’été et l’automne 2006, les médias libres et réappropriés ont occupé une place essentielle dans la résistance des peuples de la région d’Oaxaca : Radio Plantón, station d’émission des enseignants démocratiques, Radio Universidad, qui finit par devenir le dernier bastion du mouvement de l’Oaxaca, l’occupation de stations et même une chaîne de télévision, le travail de médias libres tels qu’Indymedia Oaxaca et d’autres initiatives, tous ont permis à ces populations de lutter efficacement contre le mensonge, au point que leur résistance ne put être brisée que par la brutale répression de la Police Fédérale.
Actuellement, face à la décomposition du régime et à la militarisation, les médias libres représentent les seules fenêtres par lesquelles se glissent des lambeaux de réalité capables de contrer les mensonges de la propagande gouvernementale. En défiant le monopole médiatique, les médias libres frappent l’un des piliers du contrôle social de notre pays. Et c’est pour cela qu’ils sont durement poursuivis, en particulier ceux qui atteignent une diffusion massive, comme les radios.
En effet les radios libres ont payé un lourd tribut en vies humaines et ont vu leurs efforts démantelés par l’action des autorités. Sur ce terrain aussi, on perçoit le durcissement du régime. En accord avec la législation sur les médias, qui ne propose pas de statut défini pour les radios libres ou communautaires, la transmission sans autorisation est passible d’amende et de réquisition de l’équipe. Durant des décennies, c’est ainsi qu’agissait le gouvernement. Cependant, à partir de 2007-2008, l’administration de Felipe Calderón a changé de stratégie et, au moyen d’un recours juridique illégal, accuse ceux qui transmettent sans autorisation de « dommages aux biens nationaux », délit puni de douze ans de prison et de 50 mille pesos d’amende. Deux procédures sont en cours, dans lesquelles des camarades ont été accusés de ce délit "original" : Rosa Cruz, de la radio communautaire Purhépecha Uekakua, qui transmettait à la puissance de 5 watts depuis le village d’Ocumicho (État du Michoacán), et Héctor Camero, membre de la Radio Terre et Liberté de Monterrey (État du Nuevo Leon).
Malgré sa dureté, l’arsenal juridique n’occupe que la deuxième place face à l’utilisation des interférences [3], aux assassinats et agressions physiques contre ceux qui mettent en place des radios libres ou communautaires.
Dans la région d’Oaxaca, du Chiapas et dans le District fédéral, l’interférence d’une fréquence radio plus puissante a été amplement utilisée par les gouvernements locaux ou par le gouvernement fédéral pour tenter de faire taire les radios libres ou communautaires :
- Radio Insurgente, station d’émission de l’EZLN, a été interférée à Chenalhó.
- Radio Plantón et Radio Universidad à Oaxaca ont été interférées pendant le mouvement de 2006. Actuellement Radio Plantón est obligée de sauter d’une fréquence à l’autre pour éviter d’être interférée. Dans le Guerrero, Radio Ñomndaa a vu sa portée réduite par la présence à Acapulco d’un signal empêchant que La Palabra del Agua (La Parole de l’eau) soit entendue à Ometepec, la ville la plus proche de Xochistlahuaca.
- À Ciudad Monstruo, Regeneración Radio (105.3 FM) et La Voz de Villa (91.7 FM) ont été bloquées par la transmission de messages ésotériques et de la musique grupera depuis 2009. À l’occasion, l’interférence prend la forme d’une action anti-insurrectionnelle comme cela se produisit à Cancún pendant les mobilisations contre la réunion de l’OMC (2003), lorsqu’un bateau de guerre mouillant dans le port bloqua tous les espaces vides afin d’en éviter l’usage par les radios libres.
- La Ké Huelga Radio a subi quatre interférences au cours de ses onze années d’existence. Pendant la grève estudiantine de 1999 et en 2000, par le bruit d’une sirène ; actuellement au moyen de deux signaux : une station "anonyme" qui transmet des messages ésotériques et de la musique grupera, et Radio Josna, une station liée au PRI de l’État de Mexico qui transmet depuis Ciudad Neza. En juin 2010, les deux interférences ont cessé. Cependant, nous n’écartons ni la possibilité d’une action répressive de l’État contre la Ké Huelga, ni le retour des interférences.
Interférer un signal radio qui n’a pas de but commercial constitue une franche négation du droit universel à la libre expression.
Moins fréquents, les assassinats et les agressions physiques ont également durement touché les médias libres. Rappelons le douloureux souvenir de l’assassinat de Felícitas Martínez et de Teresa Bautista, voix du peuple triqui et animatrices de la radio La Voix qui rompt le silence, qui furent brutalement assassinées en avril 2008. Les camarades de Radio Ñomndaa ont également subi des peines de prison (David Valtierra en 2007), des tentatives de démantèlement (2008) et des bastonnades (Obed Valtierra en 2009).
Face au projet capitaliste qui, au moyen de la terreur, de la force militaire et des mensonges de la propagande, prétend créer un paradis pour les riches et leurs domestiques de la classe politique, maintenir un projet de libre communication n’a pas été une tâche aisée. Notre radio, la Ké Huelga (huelga : grève), née à la faveur de la grève étudiante de 1999 contre la privatisation de l’éducation, a eu comme vocation principale d’ouvrir un espace de communication massive pour toutes les personnes et les organisations qui luttent pour transformer leur vie. Pendant onze années nous avons interagi avec des centaines d’expériences de lutte et de résistance du Mexique et du reste du monde. Notre permanence dans le cadran de la FM et sur Internet a permis que beaucoup de camarades se soient approprié l’espace et l’occupent pour diffuser leurs idées et initiatives. Cela a été possible grâce à l’appropriation des technologies nécessaires pour transmettre l’engagement de centaines de personnes qui ont participé au projet durant ces onze années.
Conçue comme un espace de communication et d’échange, la radio Ké Huelga a ouvert des possibilités de dialogue et de rencontre qui mettent en question deux mécanismes fondamentaux du contrôle social : la non-communication et le silence médiatique. À la « Ké », nous expérimentons une communication où ceux qui parlent au micro ne sont (ni ne se considèrent comme) des "spécialistes", et nous sommes persuadés que la pratique de la communication n’a de sens que si ceux qui écoutent rompent avec la passivité et partagent la parole. Cela est évident dans le cas des luttes sociales qui trouvent dans notre radio le moyen de faire connaître leurs exigences et leurs initiatives. D’une façon plus quotidienne, la « Ké » permet que différentes expressions culturelles, sociales, politiques, et même individuelles, « sin tiempo en el aire » (sans temps à l’antenne), aient des possibilités de découverte mutuelle. Là où les médias commerciaux disent « audience », nous disons « camarades ».
La Ké Huelga est aussi un espace où nous apprenons à lutter en nous appropriant des connaissances que le capitalisme réserve à ses moyens de communication, et surtout en entrant en contact avec d’autres qui, comme nous, essaient de changer ce monde qui se désintègre de manière accélérée, nous menaçant de nous réduire à être les simples spectateurs de notre propre mort.
En dépit des avancées acquises, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation délicate : au milieu d’une criminalisation croissante de la lutte sociale, les médias libres sont menacés de répression. Défendre et étendre les espaces de liberté face au pouvoir est une tâche pour tous et toutes. Nous t’invitons à participer à la défense de la Ké Huelga en occupant un espace de la programmation, en contribuant à la diffusion du projet, en collaborant financièrement ou avec des équipements, ou de toute autre manière que tu considéreras opportune.
Ciudad Monstruo, juillet 2010
Ké Huelga Radio
Libre, sociale et contre le pouvoir
http://kehuelga.org/diario
[email protected]
[1] Note A11 : Luz Y Fuerza Del Centro, gigantesque entreprise nationalisée de distribution d’électricité, datant des années 1960, a été liquidée en octobre 2009 par le gouvernement. Pour les hispanophones, plus d’information sur le sujet ici.
[2] Œuvre du graffeur activiste Banksy.
[3] Note A11 : en radio, l’interférence désigné la superposition de deux ou de plusieurs ondes. Cela correspond en fait à une forme de parasitage, de brouillage de l’émission.
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