Pour celles et ceux qui en douteraient encore, la privatisation de l'éducation nationale, c'est parti ! Je vous invite, en plus de l'article ci-dessous, à relire les articles sur l'AGCS (voir dans la rubrique Archives).
LE MONDE | 08.04.09 | 13h47
Les premiers jardins d'éveil devraient voir le jour à l'automne 2009 : installées dans des écoles ou des locaux municipaux, ces structures accueilleront les enfants âgés de 2 à 3 ans. La secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, a annoncé, mardi 7 avril, que le financement de 8 000 places d'ici à 2012 était inscrit dans la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
Lancée à l'été 2008 par la députée (UMP) Michèle Tabarot, l'idée de créer des jardins d'accueil pour les 2-3 ans a été reprise, à l'automne, par un rapport du Sénat. "Ces enfants sont à la fois un peu grands pour fréquenter la crèche et un peu petits pour une école plus encline à les placer en situation d'apprentissage", estimaient les sénateurs (UMP) Monique Papon et Pierre Martin.
Dans son rapport sur la petite enfance, Mme Tabarot proposait que ces jardins soient ouverts de 7 heures à 19 heures afin de s'adapter aux horaires décalés de certains parents. Le taux d'encadrement devrait se situer entre celui de la crèche et celui de l'école maternelle. La participation financière des parents, elle, variera en fonction de leurs revenus, comme pour les crèches.
Pour le SNUipp-FSU, le principal syndicat des enseignants du primaire, ces jardins d'éveil sont un "subterfuge" destiné à remettre en cause le principe de gratuité de l'école et "économiser des postes" dans l'éducation nationale. "Il s'agit de substituer à l'école maternelle, lieu d'éducation et d'apprentissage, une garderie beaucoup plus coûteuse pour les familles", affirme le syndicat.
Développée à partir des années 1970, la préscolarisation des enfants de moins de 3 ans a rapidement progressé : elle concernait 10 % des "2 ans" en 1960, 18 % en 1970, 36 % en 1980. Les chiffres se sont ensuite stabilisés pendant une décennie avant d'amorcer une décrue dans les années 2000 : en 2007, seuls 20 % des enfants de 2 ans étaient préscolarisés en maternelle.
Menée au nom de l'égalité des chances, la préscolarisation des 2 ans était censée offrir un environnement stimulant aux enfants issus d'un milieu "social défavorisé", selon les mots de la loi d'orientation de 1989. Vingt ans plus tard, elle se révèle scolairement "neutre" : les performances des enfants qui ont fréquenté la maternelle à un âge précoce sont semblables à celles des autres enfants.
OFFRIR UNE LIBERTÉ DE CHOIX
Pour Nadine Morano, les jardins d'éveil qui ouvriront à l'automne ne concurrencent en rien la préscolarisation. "Nous ne sommes pas à l'école, et ce n'est pas une rentrée scolaire, a-t-elle déclaré, mardi, sur LCI. Nous sommes dans un développement des modes de garde. Les maires pourront, s'ils le souhaitent, l'adosser ou l'inclure dans des locaux qui peuvent être aussi leurs groupes scolaires, mais ce n'est pas l'école maternelle."
Avec les jardins d'éveil, le gouvernement veut pallier la faiblesse de l'offre de garde pour les moins de 3 ans : la France compte à peine un million de places pour 2,4 millions d'enfants. Pénurie de crèches, manque d'assistantes maternelles, recul de la préscolarisation à 2 ans... "Le besoin d'accueil non satisfait est évalué entre 300 000 et 400 000 places", estimait en 2008 le rapport Tabarot.
Mme Morano a promis l'ouverture de 200 000 nouvelles places d'ici à 2012. L'enjeu de ce développement de l'offre d'accueil est d'apporter une véritable liberté de choix aux femmes qui souhaitent travailler : aujourd'hui, la pénurie est telle que beaucoup de mères sont contraintes de prendre un congé parental contre leur gré. Selon le rapport Tabarot, un tiers des femmes qui ont interrompu leur activité ont pris leur décision parce qu'elles n'avaient trouvé aucune solution de garde.
Anne Chemin