Mascarade pour l’Euro

Marianne 2. Le 16 décembre 2010 par Hervé Nathan

Le conseil européen de Bruxelles se tient le 16 et 17 décembre. Pour Paris et Berlin, il doit clore la crise de l’Euro, en lançant le processus de modification du traité de Lisbonne. La mise en scène de l’unité retrouvée se prépare.

 

 

C’est aujourd’hui jour de l’Euro. Les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 membres de l’Union européenne se réunissent à Bruxelles. Vers 17 heures, on commencera par la traditionnelle photo de famille. C’est toujours la même et on se demande pourquoi le protocole européen s’obstine dans cette tradition qui rappelle aux anciens les réunions du Comecon  dans les années 60 du siècle passé. Mais passons. Après la photo, réunion de travail, puis dîner de travail. Dodo vers  onze heures et minuit, et on recommence vendredi à 10 heures. A 13 heures, conférences de presse.

Autant dire qu’il ne devrait rien se passer de passionnant. Il faut imaginer l’intérieur de la salle du conseil : 27 délégations, environ 5 personnes chacune. Plus la BCE, plus le Parlement, plus la Commission (27 membres…). Un tour de parole de 2 minutes pour chacun des dirigeants nationaux prend …une heure. S’il faut une second tour, c’est une autre heure. Et ainsi de suite. Autant dire que tout, ou presque, est préparé à l’avance.

En fait le fond de l’affaire qui réunit les puissants de l’Europe ce soir a été tranché le dimanche 28 novembre, en pleine crise irlandaise, sur la base d’un projet franco-allemand ou plutôt germano-français. Le futur « mécanisme de stabilisation de l’euro » (un fonds destiné à prêter de l’argent aux Etats qui ne peuvent plus se financer sur les marchés), y a été défini : il sera pérenne, dans la main des Etats membres de la zone euro qui permettront l’émission d’obligations avec leurs garanties. Il sera « conditionnel » (il faudra que les Etats appliquent des plans de rigueur  définis par le FMI), et les banques et fonds d’investissements devront, éventuellement, accepter d’abandonner une partie de leurs créances.

Le principal sujet du Conseil européen sera donc la modification du traité qui inscrira le  nouveau mécanisme, destiné à être opérationnel en 2013. Certes, il en existe déjà un, de 440 milliards (on reviendra dans le prochain post sur les détails). Mais il est réputé « provisoire », car l’Allemagne pour des raisons internes (sa cour constitutionnelle est chatouilleuse sur els abandons de souveraineté), a refusé de s’engager sur un système définitif, lors de la crise grecque en 2009.

Pour contenter le juridisme allemand, le traité de Lisbonne (qui était réputé « non-négociable »…) devra donc être amendé sous la forme d’un alinéa ajouté à l’article 136. Le choix des mots demeure le seul suspense. Les juristes britanniques sont très pointilleux, fait remarquer un Français. Les Allemands tiennent à ce que l’expression « last resort » soit employée pour bien marquer que le fonds ne peut être employé qu’en dernier recours lorsque la stabilité de l’euro est menacée. Lundi dernier, les juristes européens sodomisaient encore les coléoptères, pour trouver la formule magique. Hier, l’entourage de Nicolas Sarkozy soupirait à l’idée de retrouver de telles discussions en séance plénière  du conseil européen ! On les comprend un peu.Une fois la difficulté levée, le conseil européen lancera officiellement le processue de modification du traité. Il utilisera voie la plus facile, celle de l’article 48-1 qui permet  des consultations simplifiées (de la commission, du Parlement, de la BCE) à condition qu’il ne soit pas question d’élargir les compétences de l’Union européenne.

Sur le plan politique, on devrait assister à force embrassades, tirages de manches complices et déclarations d’amour, entre les dirigeants. Ce sommet doit être celui de l’unité retrouvée.  « La principale fragilité de la zone euro est sa division, parce que les marchés pourraient alors douter de son unité » explique un responsable, qui insiste:  « Les marchés font plus attention à la politique qu’aux mécanismes que nous pouvons mettre en place ». Les dirigeants sont donc priés de sourire sur la photo et d’éviter d’afficher les divergences dans les conférences de presse. C'est du moins ce que souhaitent les gouvernements français et allemands. Pas sûr que les trublions comme Jean-Claude Juncker accepte de faire ce genre de figuration. Dans une interview à Libération ce matin, il maintient son idée d'eurobonds. Celle-ci est soutenue par l'opposition à Angela Merkel. En   Allemagne, on  trouve davantage de partisans d'une intégration plus poussée de la zone euro (le SPD, les Grünen, le FDP ...) que de partisans de l'éclatement de l'euro...

Les garnements européens, luxembourgeois, Italiens, belges ou les Anglais se tiendront-ils à carreau? C’est ce que nous verrons dans les prochains épisodes, puisque Antibobards se déplace à Bruxelles pour rendre compte de l’événement !


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Dernière mise à jour de cette page le 07/02/2011

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