Plume de presse. 27 octobre 2010 par Olivier Bonnet
« Le mouvement semble s’essouffler chaque jour un peu plus », annonce la présentatrice intérimaire du 13h de France 2, Sophie Le Saint. Elle illustre le premier volet du triptyque gouvernemental pour tenter de briser la contestation : les mensonges médiatiques (les deux autres étant la répression et la division). Vingt-deuxième jour de grève du zèle pour la défense de nos retraites : voici le Contre-13h de plumedepresse.
Un mouvement d’une ampleur telle que la contestation de la contre-réforme des retraites ne saurait évidemment conserver toutes ses forces en même temps sur tous les fronts. Il est amusant (sic) de voir combien les médias se jettent sur le moindre signe d’affaiblissement pour frétiller aussitôt que la fin du conflit approche. A chaque manifestation, l’on commence par nous annoncer une mobilisation en baisse – « Il s’agit de démoraliser les combattants », analyse Jean-Luc Mélenchon -, pour finir par convenir en fin de journée, malgré des chiffres truqués (pour le nombre de manifestants comme pour celui des grévistes), que les citoyens étaient bien au rendez-vous pas millions. L’on nous tient régulièrement la chronique de l’évolution parlementaire du texte pour signifier là aussi la fin du mouvement : le ministre Eric Woerth ne serine-t-il pas à qui veut l’entendre qu’ « Il ne sert plus à rien de faire grève aujourd’hui » sous prétexte que la loi va être votée ? Surréaliste antienne : que la minorité présidentielle (à peine 30%), encore majoritaire dans les assemblées, pratique le passage en force pour imposer sa contre-réforme inique signifie-t-il pour autant que le peuple, par miracle, va soudain l’accepter ? C’est pourtant ce qu’indique ce titre à la « Une » du 13h de France 2 : « Retraites : la loi pour finir ». Pour finir quoi ? D’achever la crédibilité de l’information livrée sur le service public, ça oui ! Mais ce qui fait le plus peur au Medef, commanditaire de la réforme comme l’avoue sa présidente Laurence Parisot – qui ne craint pas de s’en revendiquer comme « la marraine » – prestement exaucé par ses larbins UMPistes, c’est la pénurie de carburant. Nous en prévenions nos lecteurs dès le 7 octobre, revenant sur le sujet une semaine plus tard pour constater, alors que l’approvisionnement était déjà de moins en moins garanti, que les médias se gardaient bien de l’annoncer. Une communication qui se retourne comme un boomerang contre ceux qui la propagent – et le Premier ministre François Fillon en tête, qui a si longtemps nié toute pénurie : comme si les Français ne constataient pas d’eux-mêmes que les stations d’essence sont à sec !
Mais dans des efforts désespérés pour éteindre le feu, l’on raisonne à courte vue : un mensonge médiatique permet de gagner 24 heures, ou parfois seulement une demi journée, ce qui est toujours ça de pris… Dérisoire et pathétique. Mais faute de trouver une autre solution, ils continuent ! Ainsi, suite à la fin de la grève dans trois raffineries, le choeur politico-médiatique s’empresse d’entonner l’air triomphal de la reprise de l’approvisionnement. Pas de chance : les camarades anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail relaient un texte issu d’Indymédia Nantes : « Les raffineries ne redémarreront pas ! (…) La raffinerie de Reichstett (Bas-Rhin) (…) est alimentée en pétrole brut par un pipeline qui vient du port pétrolier de Fos-sur-mer qui lui est en grève et ne lâche rien. La raffinerie ne peut donc pas redémarrer ! Deux raffineries du groupe Exxon, une à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et une à Port-Jérôme (Seine-Maritime) (…) celle de Fos est alimentée par le même terminal pétrolier de Fos-sur-mer. Celle de Normandie est alimentée par l’entreprise SIM qui est également en grève et ne lâche rien non plus ! La pénurie de pétrole ne s’éloigne pas. L’approvisionnement par bateau ne suffira pas a couvrir les besoins quotidiens. Ce n’est pas le moment de se faire duper par une presse mal renseignée et démobilisatrice ! Continuons à généraliser la grève, à durcir le ton et à soutenir les grévistes. Des caisses de solidarité circulent un peu partout. » A l’heure où ces lignes sont écrites, outre les trois établissements cités ci-dessus, deux nouvelles raffineries viennent de voter la fin de la grève : Total La Mède (Bouches-du-Rhône) et Petroplus Petit-Couronne (Seine-Maritime). Nous allons donc avoir droit à une recrudescence du déferlement médiatique sur l’air du « ça y est, cette fois c’est vraiment fini ». Coup bas pour le moral des troupes mais, là non plus, rien ne redémarrera, les approvisionnements provenant des ports de Fos et du Havre, toujours bloqués ! « Il s’agit de démoraliser les combattants »… Le mouvement s’essoufflerait-il vraiment ? C’est « oublier » les dizaines d’actions qui s’inventent chaque jour aux quatre coins du pays. Tenez, les éboueurs marseillais ont-ils cessé leur grève qui menaçait de rendre la cité phocéenne insalubre ? « Environ 250 personnes bloquaient mercredi matin les accès à l’incinérateur de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) à l’appel de la CGT pour protester contre la réforme des retraites », rapporte Le Parisien. Et de telles actions se multiplient partout sans que n’en soit informée l’opinion, autrement qu’au plan local – bien obligé !
Sur Facebook, Infos grèves recensait ce matin : « Une centaine de personnes ont bloqué un dépôt de carburant (pendant 1h30), ce matin, à Grigny (Essonne) ; une quarantaine de personnes bloquaient depuis lundi soir un site logistique qui approvisionne le groupe Carrefour, à Bassens (Gironde) ; environ 70 personnes ont bloqué, entre 6h et 9h ce matin, le dépôt RATP de Neuilly-sur-Marne ; une vingtaine de personnes ont bloqué, ce matin, l’accès aux Papeteries de Mauduit à Quimperlé ; plusieurs barrages routiers ont été organisés tout au long de la journée, à Rennes ; une quarantaine de personnes ont bloqué, ce matin, l’accès aux trois entrées du siège du conseil général UMP de l’Orne à Alençon ; dès 4h30, ce matin, le dépôt des bus était bloqué, sur la zone industrielle de Saint-Barthélemy ; même scénario à Nantes, où les dépôts de bus et de trams ont été bloqués ; plus d’une dizaine de lycées perturbés, des opérations de blocages de routes, 2000 jeunes mobilisés ce matin sur l’Île de la Réunion ; le dépôt de carburant de Vovray, près d’Annecy, a été bloqué dès 4h du matin. Débloqué à 5h30 ; les syndicats Sud et CNT ont bloqué ce matin le dépôt de bus Transpole de Sequedin. Leurs collègues de la CGT et de la CFDT, de leur côté, ont retardé le départ de plusieurs TGV en gare de Lille ; les dépôts de carburant de Dijon-Longvic étaient bloqués dès 7h du matin ; dans les Ardennes, dès 5h, l’intersyndicale a bloqué différents lieux stratégiques du département (entre Sedan et Bazeilles, au rond point de Donan accès à Unilin, mais aussi à Cliron, entre Revin et Hirson, ainsi qu’à Vireux, et, à Poix Terron) ; limoges : barrages filtrants sur les routes avec distribution de tracts ; à Caen, plus de 250 étudiants ont bloqué vers 15h le périphérique dans les deux sens ; à Rennes, cet après-midi, plusieurs dizaines de jeunes ont organisé une opération « poubelles barricades » en bloquant l’avenue Janvier ; plus de 500 personnes se sont rassemblées devant le Medef de Nantes, à midi ; affichage de banderoles et mobilisation de plus de 200 personnes, place de la Comédie, à Montpellier ; des manifestants ont bloqué les accès à la zone industrielle de Lamballe ; Lyon : Environ soixante-dix manifestants ont bloqué à midi le tramway T3, reliant la gare de La Part-Dieu à Meyzieu et le Rhônexpress, la liaison vers l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. 500 personnes ont par ailleurs manifesté devant la permanence UMP, dans l’après-midi ; la CGT de l’Isère a bloqué le site de ST Microelectronics à Crolles ; Toulouse : 200 manifestants se sont installés rues Deville et du Collège de Foix pour bloquer quelques heures toute entrée et sortie des camions de la Banque de France. C’est la série des «un jour, une action» censée tenir son monde mobilisé jusqu’à la manifestation nationale de ce jeudi (Source : Libération) ; plusieurs universités étaient bloquées aujourd’hui. La Sorbonne est fermée administrativement depuis 12h30. Une AG devait avoir lieu… ; plus d’un millier de personnes se sont rassemblées devant le Sénat, à Paris, cet après-midi ; à Lorient, plus d’une centaine de lycéens, étudiants et représentants syndicaux (FO et CGT) ont bloqué dans l’après-midi la voie ferrée, au niveau du cours de Chazelles ; etc. » Pardon pour cette énumération fastidieuse mais il s’agit de démontrer la vitalité du mouvement. Pour suivre son actualité, le site Pour une grève générale jusqu’au retrait de la réforme tient à jour autant que possible les actions menées (Perturbations sur France Inter, affiche-t-il comme article le plus récent). Une contestation protéiforme, imaginative, qui coûte au Medef des centaines de millions d’euros chaque jour. Voilà bien pourquoi ils sont en réalité aux abois, derrière leur feinte assurance tranquille, et pourquoi ils tentent par tous les moyens de nous persuader que le mouvement vit ses dernières heures. Voilà pourquoi il faut plus que jamais tenir bon. Tous dans la rue demain !
1. Michel Ménard de la frontière dit michmule - Le 29/10/2010 à 09:51