OCL. 19 mai 2011, mis en ligne par Bluboux
Les manifestations du 15 mai (15-M) ont rassemblé environ 130 000 personnes dans une cinquantaine de villes. Dans les plus grandes d’entre elles, elles ont été suivies par l’installation de campements provisoires destinés à durer jusqu’à la date des prochaines élections municipales et provinciales du dimanche 22 mai. Dès le surlendemain à l’aube, à Madrid, le campement et la centaine de personnes qui s’y trouvaient ont été expulsés par la police. Mais le soir même, ils étaient des milliers à se retrouver en fin de journée et à occuper la place toute la nuit. Dans le même temps, ce mouvement d’occupations des places les plus centrales des principales villes du pays commençait à prendre de l’ampleur (25 villes dès mardi soir).
Retour sur les origines et les derniers développements.
“Democracia Real Ya !”
L’embryon de ce mouvement a vu le jour autour d’un slogan : « Vraie Démocratie, Maintenant ! Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiciens et des banquiers ! », avec un appel à prendre la rue le 15 mai prochain : « Nous les chômeurs, les mal rémunérés, les employés en sous-traitance, les précaires, les jeunes … nous voulons un changement et un futur digne. Nous en avons assez des réformes antisociales, de ce système qui nous laissent dans le chômage, de ces banques qui ont provoqué la crise et qui augmentent les prêts ou s’emparent de nos logements, des lois qu’ils nous imposent et qui limitent notre liberté au bénéfice des puissants. Nous accusons les pouvoirs politiques et économiques de notre situation précaire et exigeons un changement de cap. »
En quelques semaines, ce manifeste a reçu l’adhésion de 28, puis 32 groupes locaux. Début mai, ils sont une quarantaine (43 appels locaux à manifester une semaine avant le 15 mai). C’est un mouvement qui cherche à ratisser très large : « Certains d’entre nous se considèrent progressistes, d’autres plus conservateurs. Certains sont croyants, d’autres non, certains ont des idéologies bien définies, d’autres se considèrent apolitiques » peut-on lire dans son Manifeste (voir Annexes plus bas), phrase qui a d’ailleurs été la plus critiquée dans la plupart des commentaires.
Mais ce n’est pas tout. Dans une forme très désordonnée et spontanée, plusieurs autres initiatives ont été lancées parallèlement mais sur des motivations distinctes. Elle s’appellent “No les votes” (Ne vote pas pour eux), “Estado del Malestar” (État du Mal-être, jeu de mot avec Estado de Bienestar, version castillane du Welfare State) et “Juventud sin Futuro”.
“Jeunesse sans avenir”
Ce dernier mouvement a été lancé dans les milieux universitaires (facs et instituts) de Madrid, et a ensuite essaimé dans d’autres villes, regroupant via Internet, une quarantaine d’associations de la gauche étudiante plus ou moins alternative principalement. Le 7 avril, plusieurs milliers de jeunes (3000 selon la police, 10 000 selon les manifestants) étaient sortis dans les rues de Madrid derrière une banderole reprenant leur slogan : « Sans maison, sans travail, sans pension, sans peur ».
Des rassemblements de moindre importance ont eu lieu dans une douzaine de villes. Ses principales revendications tournent autour de la dernière réforme du travail, celle du système des retraites, la marchandisation de l’éducation publique et plus généralement, l’avenir de cette génération dans la société actuelle. Si la composition est majoritairement étudiante, les revendications sont largement extra universitaires
L’inspiration est bien sûr venue du Portugal avec l’appel à manifester lancé par le mouvement informel Geração À Rasca, “Génération Fauchée” (regroupant des diplômés chômeurs) qui le 12 mars dernier, a fait descendre dans la rue entre 300 et 400 000 manifestants dans les principales villes du pays, principalement des jeunes qui dans ce pays sont pratiquement tous chômeurs et/ou précaires (essentiellement stagiaires et recibos verdes c’est-à-dire embauchés à la tâche).
“No les votes”
L’adoption en février dernier de la Loi Sinde (officiellement contre le piratage et faisant partie d’un “paquet” appelé Loi de l’économie durable) qui vise à contrôler l’Internet en a échauffé plus d’un. Comme en France avec l’Hadopi, le gouvernement espagnol n’a cessé de revenir continuellement à la charge après plusieurs échecs ou refus au niveau institutionnel. Il est finalement parvenu à faire adopter cette loi permettant, entre autre, de fermer un site web en quatre jours. Aucun dialogue avec personne, passage en force contre l’avis des usagers et de professionnels…
Très vite a été adopté un Manifeste « en défense des droits fondamentaux sur Internet ». Rapidement, le hashtag #nolesvotes a commencé à être appliquée et dupliquée sur toutes sortes de nouvelles d’informations politiques. La réaction allait au-delà de la loi Sinde et mettaient en cause l’ensemble des politiciens qui ne cessent de prendre des décisions contre l’avis des citoyens mais toujours pour défendre les intérêts des banques, des multinationales, de la SGAE (équivalent de la SACEM). En plein milieu d’une période où ce même gouvernement du socialiste Zapatero prenait toute une série de mesures de recul social, le vote de cette loi a été un peu la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà archi-plein. De ce premier manifeste, est né un autre appel « No les votes », plus global dans son contenu. La raison est « simple » disent les promoteurs de l’initiative : « étant donné que les politiciens des trois partis principaux de l’arc parlementaire, PP, PSOE et CiU, ont décidé d’ignorer les souhaits et les intérêts des citoyens, nous allons ignorer les leur là où cela leur fait le plus mal : au vote. » Le 22 mai est en effet jour d’élections (municipales et régionales) dans presque tout l’État espagnol. « Les partis politiques vont commencer à nous bombarder jusqu’à la nausée de messages persistants pour demander notre vote. Cela sera notre moment, celui de leur montrer que le petit jeu du soutien à la loi Sinde ne les laissera pas sans qu’ils en paient le prix. Nolesvotes n’est pas une campagne pour un parti, mais bien au contraire : une campagne pour sensibiliser les citoyens sur le pouvoir de leur vote et pourquoi ils ne devraient pas le donner aux partis qui ensuite s’en servent contre leurs désirs et leurs intérêts ».
En fait, ils n’appellent pas tant à ne pas voter qu’à voter plutôt en faveur des « petites listes ». De là à ce qu’ils soient des supporter indirects de mouvements de la gauche dit alternative comme Izquierda Unida (qui regroupe une partie du PC historique) par exemple il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi sans problème : “gauche alternative” qui déclare s’opposer à la politique du PSOE mais gouverne avec lui dans de nombreuses municipalités et quelques régions quand ils obtiennent suffisamment de voix.
Formellement, le mouvement “No les votes” n’appelle pas à descendre dans les rues le 15 mai, mais les appels à manifester ont été “twittées” et largement relayées par les principaux blogueurs de l’initiative. Et l’étiquette #nolesvotes se démultiplie un peu partout, se conjugue en badges, autocollants… et se diffuse en même temps que les autres appels.
“Estado del Malestar”
Avec eux et elles, l’expression du ras le bol sort des réseaux Internet et occupe les espaces publics et visibles. Il s’agit d’exprimer et de donner à voir son « mal-être ».
Le point de départ se situe à Séville. Un jeune homme lance un appel par Facebook contre la gestion de crise et la corruption politique. Des groupes de personnes à Madrid et à Santander suivent son appel pour faire une performance hebdomadaire sur une place centrale chaque ville. Ensuite le nom est trouvé, ce sera : “État du Mal-être”. Deux mois plus tard, une cinquantaine de villes, presque toutes des capitales provinciales, ont leur propre groupe d’agitation intervenant chaque semaine.
« Nous voulons communiquer que ce n’est pas le moment de se plaindre en restant dans les bars », note María, une travailleuse sociale qui fait partie du noeud malestar.org de Madrid, « Ce n’est pas un groupe, c’est un lieu » martèle Marcos au milieu de la huitième performance du groupe à la Puerta del Sol. « Nous voulons ouvrir des espaces et des outils pour que les gens s’organisent », explique-t-il. Mais, dit María, il est important de « laisser l’idéologie à la maison pour pouvoir se rassembler dans la rue. »
Chaque vendredi à 19 heures, sur la place en question, ceux qui ont suivi l’appel se retrouvent et inventent une nouvelle intervention. Jusqu’à présent, à Madrid ont été représentés un match de football entre le PSOEPP et le PPSOE ainsi qu’un jeu consistant à traverser un simple trait tracé sur le sol (« la ligne de l’indignation à l’action »). Parmi les dernières performances madrilènes, une action type théâtre de rue évoquant la fusillade du “Tres de Mayo” (le célèbre tableau de Goya). Le suivi est irrégulier, aussi varié que l’origine des personnes faisant partie des groupes : « Nous sommes ceux qui viennent toujours, et puis les autres tournent », dit María. Sur le forum et le noeud de la page Facebook participent plus de 600 personnes sur Madrid.
Ce sont des appels à se retrouver chaque semaine dans une place centrale afin de « montrer son mal-être de manière pacifique et chaque fois de manière plus créative » (voir le site malestar.org qui met des petites vidéos de ces performances)
En tant que groupes diffus et peu enclins à adopter des positions communes au-delà de l’expression commune dans la rue, il n’y a pas un appui formel de la part de tous les nœuds de l’appel malestar.org pour le 15 mai. « Mais à Barcelone, par exemple, ils l’ont voté et décidé qu’ils soutenaient l’appel », explique Marcos. « Et pour moi il est clair que beaucoup d’entre nous seront à la manifestation du 15 », ajoute María.
Début mai, une dizaine de groupes locaux de Malestar.org avaient adhéré à l’appel pour le 15 mai.
La manif du 15-M…
L’appel à manifester le 15 mai a vu affluer toutes sortes de collectifs, d’associations (chômeurs, pour le logement, victimes des saisies immobilières…). Les rumeurs lancées par les grands médias ont commencé à créer de la panique. Ou encore, ils visent à en réduire la portée, disant que c’est un simple mouvement d’étudiants… A Tolède, la manifestation a été carrément interdite par le pouvoir politique local parce que cette « protestation met en cause majoritairement les gouvernants de la Castilla-La Mancha » !
Parmi les collectifs et organisations libertaires ou “radicales”, les positionnements face au surgissement de ces expressions sont les plus variés. Beaucoup rejettent ces mouvements en arguant qu’ils ne sont pas révolutionnaires mais d’inspiration très réformiste, ou qu’ils n’ont pas un caractère de classe ou encore qu’ils agissent surtout à travers les médias, que leurs actions sont du pur spectacle et que leur discours ne s’en prend pas au capitalisme en tant que tel, etc. Ce qui est parfaitement exact pour l’essentiel. D’autres y voient un mouvement de protestation certes partiel, certes insuffisant, sans doute naïf comme bien des mouvements mais qu’il ne faudrait pas pour autant ignorer ou considérer comme des “ennemis” (ou comme des “alliés du capital”) sous le prétexte qu’il n’aurait pas une visée transformatrice et qu’il regrouperait des gens dépolitisés, simplement révoltés et bien évidemment des militants d’une gauche très peu révolutionnaire dont les contenus se retrouvent dans les “Propositions” de Democracia Real Ya (voir Propustas ici )…
Des divergences et controverses que l’on connaît bien un peu partout, même en dehors de l’Espagne. Du coup, certains ont déclaré qu’ils n’iront pas manifester, d’autres iront « pour voir », d’autres encore, comme certains secteurs de la CGT, soutiennent l’initiative “discrètement” et de manière “désintéressée” (les organisateurs ne veulent pas de soutien officiel de partis et de syndicats), d’autres enfin y participeront mais sur leur propres bases, dans des cortèges propres, notamment à Madrid (Bloque Libertario y Autónomo) ou à Valence (“Pour l’abstention et l’autoorganisation”). Dans cet éventail bigarré de positions, sans doute celle d’un groupe se revendiquant de la “Démocratie Intégrale” pointe de manière convaincante les limites de la plate-forme sur ce qu’elle appelle la “démocratie réelle”, se résumant en fait à une démocratie parlementaire “participative” (et pas directe) et à la dénonciation du bipartisme, de la corruption et des excès du capitalisme (voir leurs positions en annexe : « Sur la manifestation “Democracia Real Ya” »)
Dans un contexte où les mobilisations sociales se font rares, où la très grande majorité du syndicalisme ne prend même pas la peine de faire semblant de résister aux mesures gouvernementales, où les espaces de mobilisations alternatifs ont du mal à émerger comme des pôles d’agrégation, il n’est pas étonnant que ce type de campagne “citoyenne” et “éthique” trouve un écho, même si celui-ci demeure encore très virtuel. Faiblesse des mouvements, pour des raisons “internes”, à la fois historiques et liées à la période, mais aussi à des médias qui font systématiquement le silence sur les protestations sociales et préfèrent ne parler que de sport, de faits divers,, de jeux télévisés et des petites histoires qui opposent les politiciens des deux principaux partis. Ainsi, le 5 mai, près de 20 000 personnes ont manifesté dans les rues de Madrid contre la privatisation de la santé et de l’éducation à l’appel de diverses plateformes et collectifs : résultat, quelques lignes dans la presse parlant de « quelques milliers » de manifestants.
Reste que, si les contenus exprimés sont importants pour qualifier ces mouvements, la manière dont ils émergent et s’expriment ainsi que le nombre de personnes “indignées” ou “en colère”qui décident de sortir dans la rue doivent aussi être pris en compte.
Si les manifestations du 15-M n’ont pas été un raz-de-marée, elles ont quand même rassemblé un peu de monde. Pour certains médias, elle apparaît comme la première mobilisation d’importance d’une génération “jeune” contre la crise. L’idée de prolonger cette journée de manifestation par des occupations permanentes des places centrales des villes, à l’instar de la place Tahir du Caire, est sans doute la meilleure idée, déjà celle qui a été le plus approuvée et immédiatement mise en pratique, surtout par les composantes les plus jeunes du mouvement.
… et ses suites
Tout va donc se jouer maintenant. Les tentatives de campements permanents sur les places centrales des villes vont devenir un enjeu. Il y a peu de chance que les divers pouvoirs politiques laissent faire. A Madrid, le campement a été expulsé à la fois par les polices municipale et nationale et les 300 occupants et manifestants qui se sont retrouvés dans la matinée ont été menacés d’amendes de 1500 euros.
Mais, si le PSOE et le PP croyaient en avoir fini en procédant à une expulsion, c’est raté ! Le rassemblement de protestation du mardi soir a réuni entre 5 000 et 10 000 personnes remplissant pratiquement toute la Puerta del Sol toute la soirée et une bonne partie y est restée toute la nuit. Une assemblée ouverte s’y est déroulée pendant plusieurs heures, où de multiples idées et propositions ont été émises, notamment d’organiser des assemblées tous les soirs à 20 h, de créer des commissions pour tel ou tel aspect de l’occupation (approvisionnement, communication, nettoyage, action…) ou d’envisager une nouvelle manifestation en fin de semaine. Il y a comme un frémissement, peut-être le début de quelque chose d’après les témoignages de plusieurs protagonistes. Il s’agit maintenant de tenir par roulements jusqu’à dimanche. Dans tout l’État espagnol, il y a eu plus de vingt rassemblements et la plupart ont donné lieu à des campements nocturnes. Celui de Grenade a été expulsé au milieu de la nuit et 3 personnes ont été arrêtées, pour, selon la police, « résistance à l’autorité ». Mais le campement de Barcelone, sur la Place de Catalunya, s’est, lui, renforcé en passant de quelques dizaines à plusieurs centaines de personnes et reçoit maintenant les aides “spontanées” de diverses provenances, y compris de la part d’entreprises (nourriture de supermarchés, toilettes et sanitaires mobiles…). Des dizaines de pancartes ont été installées : “Cette place est occupé au nom du peuple”, “Ni les partis, ni les syndicats nous représentent”… A la mi-journée de mercredi, une manifestation d’environ 500 étudiants a rejoint la place. Dans d’autres villes, c’est à partir de ce mercredi que des rassemblements ont été appelés. Ainsi qu’à Londres, en Turquie, en Islande devant les ambassades…
C’est dans la presse que l’on note une évolution, du moins par la place accordée et le traitement de l’information. Pour les médias, du moins la presse écrite et leur site Internet, les « indignés » comme ils les appellent, ont réussi à faire irruption dans la campagne électorale et obligent les partis politiques à se positionner. Partis qui, de droite ou de gauche, s’empressent de dire dans une belle unanimité qu’ils entendent bien le message, qu’ils « comprennent » les inquiétudes d’une partie de la population, etc.
Ce mouvement de protestation civique ou citoyen va donc se trouver face à une nouvelle situation : celle de la conflictualité, même non violente, avec un système établi dont il n’en critique que les abus ou les perversions.
Mais en même temps, ce mouvement encore naissant a clairement une dimension à la fois spontanée et conflictuelle ; il est en grande partie en train de s’autoconstituer (il change d’ailleurs de nom tout le temps, il y a beaucoup d’improvisation…) dans une situation mouvante, évolutive, c’est-à-dire par définition avec plus d’inconnues que de données certaines. Quelque soit son devenir, il ouvre un espace d’expression et d’organisation à cette confrontation où un ras-le-bol diffus et une révolte latente peuvent s’engouffrer, trouver à s’exprimer et à se traduire à leur tour en conflit pouvant aller plus loin que les idées générales avancées par ses promoteurs. C’est ce qu’ont compris plusieurs groupes libertaires, comme le site Internet alasbarricadas.org qui déclare en son nom : « Les mouvements citoyens qui sont sortis dans la rue ces jours-ci, malgré leur pluralité, semblent avoir pour principal objectif de renforcer la démocratie parlementaire. Nous ne croyons pas qu’il y ait quoi que ce soit à récupérer de ce système actuel. Il n’est pas souhaitable que la classe politique survive, qu’elle soit de gauche ou de droite. Nous ne voulons pas que les politiciens changent, nous voulons qu’ils s’en aillent, qu’ils s’en aillent tous » (reprenant là le fameux “que se vayan todos” argentin de 2001) et finissent leur communiqué, intitulé “Abstentionnistes et désobéissants”, en appelant à « prendre les places », à « l’abstention active » le 22 mai et à la poursuite du mouvement de lutte « dans la rue une fois pour toutes » dès le 23 mai.
Au cours de la journée et la mise en place des occupations permanentes, le mouvement a changé de nom. Sans doute parce que de nouvelles personnes s’incorporent et souhaitent se distancier de “Democracia Real Ya” (DRY) [*] : après s’être appelé le mouvement du “15-M”, le nouveau nom est “acampada” (camp ou campement) suivi du nom de la ville. D’une certaine manière, c’est le mouvement de ceux et celles qui luttent, qui sont là, qui manifestent, occupent et campent.
Mercredi 18 mai : rassemblement interdit à Madrid et ailleurs
En début d’après-midi de ce mercredi, la commission électorale provinciale de Madrid a déclaré que le campement de la Puerta del Sol et sa « demande de vote responsable pouvait affecter la campagne électorale et la liberté du droit du citoyen à l’exercice du vote » et a donc décidé d’interdire le rassemblement de ce soir à 20 h. Autrement dit, comme l’a écrit un commentateur sur un site Internet alternatif : les partis peuvent faire de la politique en faisant campagne, en organisant des réunions et des meetings, mais pas les citoyens eux-mêmes ! D’après divers médias et agences de presse, cette commission électorale a déclaré qu’elle déploiera des « dispositifs opportuns et nécessaires » pour faire respecter cette interdiction. L’un des portes parole du campement (“#acampadasol”), Juan Cobo, a déclaré qu’à l’issue d’une assemblée de plus de 200 personnes, ils avaient décidé qu’ils ne partiraient pas, qu’ils maintenaient l’appel à manifester car « on est en train d’enlever un nouveau droit des citoyens, le droit de réunion ». Epreuve de force ? La même décision a été prise par les commissions électorales dans la province de Grenade, à Séville, dans les Asturies, mais dans d’autres régions comme Valence, la décision a été contraire.
Vers 18 heures, un dispositif policier dépendant du gouvernement socialiste a été déployé autour de la place et dans le métro afin d’empêcher les gens de se rassembler. Des dizaines de fourgons ont été placés dans les rues adjacentes. Des appels sont lancés dans le métro disant aux gens de ne pas se rendre à la Puerta del Sol car le rassemblement est illégal. Cependant, le blocage n’est pas systématique ni étanche : les gens, nombreux, peuvent accéder et vers 20 heures la place commence à se remplir. Il y a peut-être encore plus que la veille. Beaucoup de slogans : « Nous ne partirons pas ! », « Yes we camp ! », « La lutte est dans la rue, pas au parlement ! », « PSOE et PP, c’est la même merde ! », « Le peuple uni, n’a pas besoin de partis ! », « Nous ne sommes pas antisystèmes, c’est le système qui est anti-nous ! » [en Espagne, “antisystème” est un peu synonyme d’“anarcho-autonome” en France] , « Et non, et non, ils ne nous représentent pas ! ».
Au même moment, on apprend qu’il y aurait 34 rassemblements dans tout l’État espagnol. A Grenade, près de 1000 personnes se sont rassemblées sur la Plaza del Carmen malgré l’interdiction : ils et elles ont décidé de rester là toute la nuit et les suivantes.
Même si ce ne sont pas des mouvements de masse, partout il y a eu deux à trois fois plus de monde que la veille dans chaque ville (3-4000 à Barcelone, 2000 à Valence, presque autant à Saragosse…) et il y a plus de villes où des rassemblements ont eu lieu.
Au milieu de la soirée, malgré la pluie, la place n’a cessé de se remplir et même la TV d’État le dit (sans donner de chiffres : à Madrid, malgré (ou à cause de) l’interdiction de manifester, il y a plus de monde que la veille. Pour tout le monde : les manifestants ont défié l’interdiction. Symboliquement, ce n’est pas rien.
Des rassemblements ont été annoncés devant les ambassades d’Espagne à Paris et à Londres. Des rassemblements sont également annoncés pour ce jour et le lendemain à Florence, Budapest, Vienne, Buenos Aires, Montpellier, New York…
La « spanish revolution » comme l’appellent déjà les médias anglo-saxons et, à leur suite, ceux de la péninsule, est-elle en route ? Peut-être pas. Mais en tout cas, il se passe quelque chose.
A suivre…
Le 18 mai (vers 22 heures)
[*] A Grenade, le groupe local de DRY s’est publiquement désolidarisé des personnes qui s’étaient regroupées et avaient organisé un campement qui a été démantelé par la police et où 3 personnes ont été arrêtées.
Sites des mouvements cités
http://www.juventudsinfuturo.net/
http://democraciarealya.es/
http://malestar.org/
http://www.nolesvotes.com/
Infos sur Madrid
http://madrid.tomalaplaza.net/
Infos (vidéos) sur Barcelone
http://latele.cat/
Suivi en direct de la Puerta del Sol (Madrid)
http://www.livestream.com/agoranewsdirecto
http://periodismohumano.com/sociedad/en-directo-desde-acampadasol-en-madrid.html
Autres sources
http://www.lahaine.org/
http://www.kaosenlared.net/
http://diagonalperiodico.net/
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