Le Lot en Action. 13 novembre 2009 par Bluboux
Le maire de Saint-Julien-en-Beauchène (120 habitants, dans les Hautes-Alpes) ne décolère pas et vient d'adresser une lettre à Brice Hortefeux. "Pour des aérodromes ou des autoroutes, il est possible d'organiser un débat public et même un débat national, quand il s'agit d'identité française. Pourquoi cela n'a pas été fait pour les réformes des collectivités locales ?".
Dans cette lettre il fait des propositions concrètes au nom des petites communes.
Monsieur le Ministre,
C'est avec grand intérêt que j'ai lu votre lettre ainsi que de nombreux documents concernant la réforme des collectivités locales. Maire d'une commune de 120 hab. dans les Hautes-Alpes, donc en zone de montagne, je me permets de vous faire part de quelques unes de mes réflexions :
Même si j'ai l'impression de plus en plus que nous, les "fantassins" de la République, en bas de la pyramide, nous sommes là pour courber l'échine, obéir à des règles venues d'en haut et surtout ne pas penser, d'où notre lassitude.
En effet, la méthode consistant à nous présenter des projets de loi conçus par des élus et des technocrates urbains ne me semble pas satisfaisante.
Vu l'importance de l'enjeu, il aurait été plus démocratique et efficace d'organiser une consultation nationale des élus [...] afin de bien appréhender le désir de réforme de tous les élus ruraux et urbains (seul notre sénateur nous a envoyé un questionnaire)
Pour des aérodromes ou des autoroutes, il est possible d'organiser un débat public et même un débat national, quand il s'agit d'identité française. Pourquoi cela n'a pas été fait pour les réformes des collectivités locales ?
Si l'esprit de la réforme est bon, il y a certains éléments qui me laissent perplexe.
Tout d'abord, le conseiller territorial risque d'être un animal politique bien étrange. De fait, vous excluez, dans le cadre de la candidature à ce poste, une grande partie de la société civile, et en particulier les agriculteurs.
Seuls des retraités en possession de tous leurs moyens physiques et intellectuels pourront, s'ils prennent à cœur leur mandat, assumer une présence de deux jours à l'hôtel de la Région et de deux jours à l'hôtel du Département.
Nous risquons de voir ainsi, vu la charge importante de ces nouvelles responsabilités, un transfert vers les techniciens, l'élu n'étant plus bon qu'à couper le ruban ou déposer des gerbes; et, en plus, il pourra cumuler avec les fonctions d'élu parlementaire ou de maire.
Je ne doute pas qu'il y ait pléthore de surhommes ou naturellement de "sur femmes" dans les Hautes-Alpes, mais quand même.
Et les jeunes et les femmes, trouveront-ils leurs places dans ce chamboulement ? Tant que des réformes importantes des statuts de l'élu ne seront pas réalisées, je ne vois pas comment le personnel politique pourra se renouveler.
Pourquoi de ne pas avoir maintenu un suppléant "actif" au poste de conseiller territorial?
Ceci aurait eu l'avantage de créer un tandem opérationnel et efficace, capable d'assumer toutes les charges en Région et au Département et de répondre au souci de parité, en imposant que le suppléant soit du sexe opposé à l'élu.
L'avenir des "pays" me semble incertain, mais comment se solutionnera leur dissolution et la réintégration des techniciens ?
Ensuite, comment s'effectuera le nouveau découpage des cantons ? Suite à ce découpage, les limites départementales seront-elles modifiées ?
De plus, si vous instituez un nombre plancher pour des conseillers territoriaux, les "petits" départements risqueront d'être sur-représentés en Région, au grand dam des "grands" départements. Il me semble que vos technocrates auraient pu penser à cela avant.
La part d'élection à la proportionnelle que vous voulez instituer lors des élections des conseillers territoriaux me semble imprécise et obscure, pour ne pas dire incompréhensible. Nous voulons de la clarté.
Enfin, dernière chose (pour ne pas vous lasser). Vous n'avez pas osé vous attaquer aux communes de moins de 500 habitants. Ces communes sont une aberration en Europe en 2010.
Cet esprit de clocher, et ce petit pouvoir autocratique des maires de ces petites communes sont une grosse épine dans notre démocratie. Et le mode de scrutin inadapté à une société moderne. C'est cela qu'il fallait rénover.
Toutes ces petites communes sont la base de notre monde rural et il faut avoir le courage de les regrouper pour leur insuffler une nouvelle énergie ou, a minima, changer le mode de scrutin et réduire le nombre de conseillers municipaux à 5 ou 6, pour avoir une équipe plus soudée, donc plus efficace.
Je ne vous parlerai pas de la suppression "asséchante" de la taxe professionnelle sans contreparties identifiables, d'autres s'en chargent mieux que moi.
Mais que d'approximations dans ce projet de loi... Nous pensions nous attendre à un peu plus d'exigences...
Voilà, Monsieur le Ministre, quelques réflexions qui risquent, je le crains, d'aller bien vite dans les oubliettes de votre ministère, mais je voulais participer au débat public que vous n'avez pas initié.
En comptant malgré tout sur votre compréhension, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.
Le Maire,
J.C. GAST
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