Les révoltes d'esclaves: une histoire occultée, une leçon toujours d'actualité

Le Lot en Action mag n°33, 14 avril 2011 par Seb

Pendant environ 400 ans, de la fin du XVe au milieu du XIXe siècle, les nations occidentales ainsi que certains empires orientaux se livrèrent à la traite des esclaves. Les portugais furent les premiers européens à organiser le trafic de « matériel humain » en provenance d'Afrique Noire, en 1441 d'après les traces écrites. L'esclavage ne fut aboli qu'en 1807 par l'Angleterre, les derniers navires négriers atteignant les côtes de Cuba en 1867. Des millions d'africain(e)s, entre 10 et 50 selon les estimations, furent déporté(e)s pour être réduit(e)s à l'état d'esclaves dans les plantations du Nouveau-Monde. Beaucoup d'entre-eux(elles) mourraient lors de la traversée de l'Atlantique, de maladie, de malnutrition ou des mauvais traitements qui leurs étaient infligés. On estime à 20% en moyenne les pertes pendant la traversée, avec des pics à 40%.

Une fois arrivé(e)s à destination, les esclaves n'avaient qu'une idée en tête: tenter de s'enfuir. C'est un épisode peu connu et souvent occulté de notre histoire. Or, les révoltes d'esclaves furent nombreuses et certaines d'entre-elles ont laissé des traces qui perdurent aujourd'hui, donnant aux êtres humains du XXIe siècle un message d'espoir: quelle que soit la puissance de l'oppresseur, la seule volonté de liberté peut déplacer des montagnes. Pouvons-nous aujourd'hui tirer les leçons des révoltes d'hier? L'esprit de ces rebellions passées peut-il être repris par ceux et celles qui luttent aujourd'hui?

 

Historique non-exhaustif des révoltes

Il existe une école de pensée qui affirme que les esclaves étaient heureux(ses) dans les plantations. Ainsi, jusqu'en 1998, l'université de Chapel Hill en Caroline du Nord, USA, proposait un cours qui enseignait cette théorie. Celle-ci, très répandue jusque récemment, se basait sur l'idée que les esclaves africain(e)s ne s'étaient jamais rebellé(e)s parce qu'ils(elles) étaient satisfait(e)s par leur condition. Cependant, de tels propos n'étaient possibles que parce que les livres d'histoire ont sciemment été expurgés de toute référence aux révoltes d'esclaves. Or, nous allons le voir, dès les prémices du commerce d'esclaves transatlantique, connu sous le nom de commerce triangulaire, les africain(e)s capturé(e)s tentèrent de se libérer de leurs chaînes.

Ainsi la première colonie européenne implantée sur le futur sol des États-Unis dut faire face à une révolte d'esclaves, documentée par les historiens: en 1526 dans le hameau de San Miguel de Guadalupe, qui ne perdura que trois mois, les esclaves profitèrent des divisions internes des colons espagnols pour se soulever et prendre la fuite vers l'intérieur des terres. Il semblerait que ce groupe se soit réfugié chez un peuple amérindien, auquel il se mélangea.

En 1547, le Mexique connut officiellement sa première révolte d'esclaves: ceux-ci se réfugièrent dans l'arrière-pays et fondèrent leurs propres villages, qui existent toujours, les palenques.

En 1605, dans la région de Pernambuco au Brésil, une quarantaine d'esclaves se révoltèrent contre leur maître. Ils tuèrent tous les employés blancs et brulèrent les maisons ainsi que la plantation. Ils se réfugièrent dans une zone de montagnes hostiles, appelée Palmares en référence aux nombreux palmiers qui peuplaient cet endroit. Le groupe y fonda un royaume, composé de 11 places fortifiées, qui perdura pendant presque cent ans, auquel se joignirent des esclaves en fuite, arrivés des plantations environnantes, mais aussi des Indiens, des Mulâtres et de nombreux Blancs, déserteurs ou paysans sans terre, portant la population du royaume à environ 20 000 âmes, qui se mélangèrent et créèrent ainsi leurs propres culture et religion, développant même les premières formes d'un nouvel art martial, la capoeira. Ce peuple leva une armée et résista à sept assauts des forces portugaises et une attaque de l'armée hollandaise, qui avait colonisé une partie de cette région auparavant. Dans la jungle, ils inventèrent des techniques de guerre qui impressionnèrent les européens et préfiguraient les techniques de « guérilla » actuelles. Ils refusèrent même une offre de paix du roi du Portugal. Leur plus grand leader fut Zumbi Dos Palmares, qui est encore célébré aujourd'hui au Brésil.

En 1608, au Mexique, un esclave rebelle du nom de Yanga réussit à négocier auprès des autorités espagnoles la création d'un village d'esclaves libres, dans la région de Veracruz. Ce village porte le nom de son fondateur et existe toujours.

En novembre 1639, sur l'ile caribéenne de Saint-Kitts, alors sous commandement français, une soixantaine d'esclaves prit la fuite vers les hauteurs, en compagnie de femmes et enfants, et installa un petit camp sur les flancs du Mont Misery. Protégé par un précipice et accessible seulement par une passe très étroite, le village lança régulièrement des raids vers les plantations environnantes. Il fut malgré tout attaqué et détruit par un corps d'armée de cinq cents hommes, missionnés par le gouverneur français Philippe de Longvilliers de Poincy. Cependant, un des chefs du groupe réussit à s'enfuir: il nargua les militaires pendant près de trois ans avant d'être capturé, déclenchant les plus folles rumeurs à son sujet. On lui attribua des dons de magie car nul ne pouvait expliquer comment il arrivait à échapper depuis si longtemps aux soldats. Une fois le fugitif attrapé, le gouverneur Longvilliers de Poincy décida de le faire éviscérer et d'exposer son corps et ses entrailles sur la place publique pour faire passer aux esclaves le goût de la révolte.

Le 7 avril 1712, dans l'état de New York, un groupe d'esclaves complota une révolte, chacun prêtant le serment du secret en suçant un peu de sang de la main des autres. Quelques mois plus tard, ils mirent le feu à un bâtiment et s'attaquèrent aux Blancs qui voulurent s'en approcher, tuant neuf personnes. Soixante-dix Noirs furent arrêtés, certains innocents, dont vingt-sept furent condamnés. L'un d'eux fut pendu vif et enchaîné car, d'après le gouverneur, c'était « la punition la plus sévère que l'on puisse infliger. »

En 1763, dans la colonie hollandaise de Berbice, au sein de l'actuel Guyana, éclata une révolte d'esclaves, menée par un dénommé Koffi. En moins d'un mois, les africains révoltés, au nombre de 3833 dans cette colonie, prirent le contrôle de la région de Berbice, tenue seulement par 346 européens. Ils réussirent à tenir la colonie sous leur joug pendant un an. Ils subirent cependant une lourde défaite par la suite: les hollandais attendaient des renforts et proposèrent donc aux rebelles de signer un traité de paix, ce qui laissa le temps aux armées de relève d'arriver sur place. Ainsi, les armes et le surnombre firent le reste et la rébellion fut réprimée dans le sang. Koffi préféra se suicider plutôt que de perdre sa liberté.

En 1783 dans l'actuel Surinam, un groupe d'esclaves rebelles dirigé par un dénommé Aluku Nengué, après un siècle de guérilla contre les troupes coloniales européennes, obtint la signature d'un traité avec les autorités néerlandaises, leur assurant une quasi-indépendance. Leur population fut estimée entre 25000 et 50000, d'après des recensements des XVIIIe et XIXe siècles.

En 1839, le navire négrier espagnol Amistad fut pris dans une tempête. Les esclaves en profitèrent pour tuer l'équipage mais gardèrent en vie le capitaine, auquel ils demandèrent de les ramener en Afrique. Celui-ci les trompa et prit la direction des Amériques, où le navire fut arraisonné par les autorités des Etats-Unis. On plaça les Africains en prison et s'en suivit un long procès pour meurtre qui suscita une vive émotion dans ce pays. Après deux ans de procès et un recours auprès de la Cour Suprême qui fit vaciller la présidence américaine, il fut décidé que les révoltés n'étaient pas la « propriété » de l'Espagne et que leur action ne s'apparentait pas à un meurtre mais bien à une tentative de libération, l'esclavage ayant été aboli depuis peu. Les captifs furent libérés de prison et on arma un bateau pour 1860$, afin de les ramener en Sierra Leone, auprès de leur peuple, les Mendé. Cette histoire a été portée à l'écran par Steven Spielberg en 1997.

Autre lieu, autre crise: en 1865, en Jamaïque, l'esclavage était officiellement aboli depuis 27 ans. Cependant, les anciens esclaves se retrouvèrent sans terre et accessoirement sans citoyenneté effective malgré les promesses. Dans ces conditions de survie très difficiles, comment se nourrir sans terre à cultiver? Certains se regroupèrent et par le biais des Noirs les plus lettrés envoyèrent une demande à la Reine d'Angleterre. Celle-ci leur refusa l'octroi de terre et leur conseilla de « travailler plus dur pour s'en sortir ». Quelques-uns décidèrent donc de prendre de force des plantations abandonnées et d'en faire leur lopin de terre. Dans ce contexte, le 7 octobre, un homme Noir fut condamné et emprisonné pour avoir franchi les limites d'une plantation abandonnée qu'il comptait exploiter. Après quoi le 11 octobre, un groupe se dirigea vers Morant Bay pour manifester, mené par un diacre du nom de Paul Bogle, devenu héros national en Jamaïque. Cependant une milice de volontaires européens ouvrit le feu sur eux, embrasant ainsi l'ile toute entière. 439 Noirs furent tués et 354 capturés pour être jugés puis exécutés, parmi lesquels Paul Bogle. Un soldat dira plus tard: « Nous avons massacré tout ce qui se présentait devant nous: hommes, femmes et enfants. »

 

Pour terminer cet inventaire incomplet des révoltes d'esclaves, parlons de la révolution de l'ile de Saint-Domingue, qui de 1791 à 1801, permit la naissance de la première république Noire indépendante dans les anciennes colonies, Haïti, nom dérivé de l'amérindien Ayiti. Avant la Révolution Française de 1789, grâce à ses 500 000 esclaves, Saint-Domingue est le fleuron des colonies françaises: premier producteur mondial de sucre et de café, son commerce extérieur représente plus d'un tiers de celui de la France. Quand éclate la révolution en métropole, les riches planteurs s'inquiètent de la possible émancipation des Noirs prônée par la Déclaration des Droits de l'Homme, qui signifierait leur perte. D'autant plus que certains intellectuels, tels Mirabeau, Lafayette et Condorcet fondent la Société des Amis des Noirs, qui propose l'abolition progressive de l'esclavage et l'égalité immédiate des « libres » de couleur. Cependant, un groupe de planteurs, à force de pression (de lobbying dirait-on aujourd'hui), réussit à faire voter un décret qui écarte Haïti du droit métropolitain. Même Condorcet se désavoue en disant: « Ajoutons un mot à l’article premier de la Déclaration des droits : Tous les hommes ’’blancs’’ naissent libres et égaux en droits ! » La révolte ne fait que commencer, suivie et entremêlée de massacres, de trahisons et d'une guerre d'indépendance qui donnera à la postérité le nom de Toussaint Louverture. L'histoire de cette révolte prendrait tout un livre, c'est pourquoi nous retiendrons surtout qu'elle fût la seule qui donna liberté et indépendance à tout un peuple, de manière définitive.

 

Les traces de ces révoltes dans le monde d'aujourd'hui

Que reste-t-il aujourd'hui de ces révoltes? Que nous ont légué ces milliers de personnes qui ont payé de leur vie l'émancipation et la liberté?

Tout d'abord, attardons-nous sur les lieux, qui, en particulier en Amérique Latine, gardent beaucoup de traces de cette période sombre. Prenons l'exemple des qilombos et des mocambos: ces deux mots proviennent de la langue Kimbundu, parlée par certains peuples Bantus, principalement en Angola et donc par les esclaves qui provenaient de cette région, sous contrôle portugais, comme le Brésil. Un mocambo est une hutte ou un rassemblement de quelques huttes. Un qilombo est un ensemble de mocambos, c'est à dire un village regroupant plusieurs mocambos dispersés. Ces deux termes sont toujours utilisés dans certains endroits du Brésil et jusqu'au Vénézuela, où qilombo est utilisé pour parler d'un village reculé, dans la campagne profonde. Le qilombo le plus célèbre est le Qilombo dos Palmares, dont nous parlons plus haut, qui abrita les révoltés menés par Zumbi Dos Palmares. Ce dernier est toujours célébré, la date de son exécution, le 20 novembre, étant le Jour de la Conscience Noire, fêté dans les états de Rio de Janeiro et de Sao Paolo. Son visage est (ou a été) représenté sur des timbres, des billets et des pièces. Un film brésilien de 1984, du nom de Qilombo, retrace l'histoire de cette révolte.

Un autre terme, palenque, est encore usité aujourd'hui dans certains pays d'Amérique Centrale. Lorsqu'ils réussissaient à fuir les plantations, les esclaves s'organisaient en petits villages que les colons appelèrent palenque. Les habitants furent donc surnommés palenqueros. Certains d'entre-eux restèrent si longtemps à l'écart des européens qu'ils développèrent une langue palenquero quasiment incompréhensible des colons, mélange d'espagnol, de langues amérindiennes et de mots d'origine africaine. Par exemple, le mot ngombe, qui veut dire bétail, est un mot que les peuples bantous utilisent en Afrique et qui est présent dans la langue palenquero. On note aussi certaines influences de la langue Kongo. Ces peuples palenqueros vivent aujourd'hui principalement en Colombie dans des zones très rurales.

Par ailleurs, bien qu'il soit sûrement le seul peuple Noir des Amériques à n'avoir pas connu l'esclavage, car le destin lui a fourni le moyen d'y échapper, il nous faut parler ici du peuple Garifuna. Leur histoire commence en 1695, lorsque le navire négrier Bight of Biafra qui les transporte de force depuis l'Afrique de l'ouest est pris dans une tempête. Celui-ci s'échoue sur l'ile de Bequia, au large de l'actuel Vénézuela, et les captifs en profitent pour s'échapper. Ils sont recueillis par les indiens Carib, auxquels on doit le nom des Caraïbes. C'est à ces derniers ainsi qu'aux indiens Arawak que se mélangent les fuyards africains, donnant naissance au peuple Garifuna, présent aujourd'hui sur les côtes de l'Amérique Centrale, du Belize au Nicaragua en passant par le Honduras et le Guatemala. Cette culture, qui est un mélange d'Afrique et d'Amériques, à été reconnue Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'Unesco. Leurs plus célèbres représentants sont les membres du groupe Original Turtle Shell Band, qui ont enregistré leur premier album à Paris.

 

Comme on peut s'en rendre compte, de nombreuses figures historiques prennent racine dans les révoltes. De la même manière que pour Zumbi Dos Palmares, il faut braquer les projecteurs sur Nanny, reine des Marrons de Jamaïque, qui défia le pouvoir britannique pendant des années. Elle est et restera le personnage central de l'histoire jamaïcaine, célébrée par des statues, des timbres, des films, des livres, des billets de banques, etc. Mais tout d'abord, qu'est-ce qu'un Marron ? Ce mot prend son origine dans la langue indienne Arawak des Caraïbes, où il signifiait « bétail qui a pris la fuite dans la nature. » Puis ce terme est passé dans la langue espagnole, première puissance coloniale sur les lieux, qui donna le nom de cimaron aux esclaves en fuite. Ce cimaron devint maroon en anglais et marron en français. Dans le cas de la Jamaïque, les marrons provenaient pour la plupart de tribus Akan d'Afrique de l'Ouest. Nanny, quant à elle, venait du peuple Ashanti, donc d'une longue lignée de fiers guerriers. Encore jeune fille, elle quitta avec ses trois frères la plantation dans laquelle elle travaillait. Ils rejoignirent d'autres marrons dans les Montagnes Bleues de Jamaïque et se divisèrent en trois groupes qui fondèrent trois villages, ceux-ci fonctionnant comme des villages Ouest-Africains. Le village de Nanny, qu'on appela Nanny Town, était situé dans un endroit escarpé, ce qui lui permit de résister pendant 20 ans aux assauts des britanniques. Nanny avait un charisme naturel qui lui donna une influence particulière sur les autres marrons. Les rumeurs circulèrent sur sa pratique de l'Obeah, un rite proche du Vaudou et il ne fallut pas longtemps pour que sa réputation se propage à toute l'ile. Ce qu'il nous faut surtout retenir, c'est qu'elle fût une fine tacticienne et combattante, qui inspira courage et espoir à tout un peuple. Elle reste une icône en Jamaïque, sorte de Jeanne d'Arc Noire, toujours chantée par les rastas et tous les jamaïcains, dans un grand nombre de chants traditionnels et de chansons reggae. A noter également le groupe français Neg' Marrons, qui depuis 1997 et son premier album, porte fièrement le nom des « Nègres Marrons » de l'époque esclavagiste. Pour clore notre panorama du marronnage, remarquons que le dernier marron à avoir fui l'esclavage vivait encore il y a vingt ans à Cuba.

Pour en terminer avec les nombreuses références du passé encore présentes dans nos cultures actuelles, citons le groupe de reggae Culture, qui, dans la chanson de 1977 Pirate Days, nous rappelle que « le peuple Arawak était le premier » habitant des caraïbes. En effet, nombreux sont les descendants d'esclaves à se souvenir de leurs cousin(e)s d'infortune, certains peuples caribéens ayant été purement et simplement rayés de la carte et des mémoires collectives.

 

Que faire de cet héritage ?

A l'aune des luttes qui caractérisent notre siècle, pouvons-nous utiliser cet héritage de révoltes et l'adapter? Il n'est pas question ici de comparer les conditions inhumaines de survie qui caractérisaient l'esclavage avec les conditions de notre époque. Cependant, dans le lexique des luttes contemporaines, le terme d'esclavage revient régulièrement. Ainsi la notion d''esclavage moderne est souvent brandie par ceux qui se battent pour des conditions de travail décentes: comment évidemment ne pas parler des conditions de vie, de travail, des hommes et femmes des pays émergents qui parfois connaissent un mode de vie proche de celui des plantations, dans les usines où règne le travail forcé? Comment ne pas évoquer la précarisation rampante de la main d'œuvre occidentale, qui nous force à travailler pour une bouchée de pain, à prostituer nos compétences et nos savoir-faire pour avoir à peine de quoi payer les factures?

Dans un autre registre, le recul des libertés dans les soi-disant démocraties occidentales n’est-il pas source d'asservissement et de perte d'autonomie? Les puces RFID qui feront bientôt de nous du bétail traçable ne sont-elles pas les chaines des esclaves d'aujourd'hui? Dans quelques années, quelle différence y aura-t-il entre un esclave du XVIe siècle et un être humain libre du XXIe ?

Nous le voyons, il y a des rapprochements qui ne sont pas dénués de sens entre les différentes époques. Dans cette optique, les esclaves marrons, partis se réfugier en marge des zones dévolues à l'esclavage, apportent sûrement un éclairage différent sur ceux qui de nos jours ont préféré rejoindre la marge de la société en vivant dans des camions, des habitats non-conventionnels, dans la nature, loin de l'asservissement de nos cerveaux par les médias et la société en général. Ceux qui s'affolent de la montée en puissance de lois totalitaires telles que la Loppsi 2 verront peut-être une note d'espoir et un exemple de résistance dans le fait que des palenques, des mocambos et des qilombos ont survécu jusqu'à notre époque, échappant à l'anéantissement d'un mode de vie par le rouleau compresseur des états. Ceux et celles qui s'insurgent des violences faites aux femmes de par le monde trouveront peut-être l'inspiration dans la vie de Nanny, qui résista pendant 20 ans aux assauts de la puissance dominatrice européenne.

Quoi qu'il en soit, tout cela a été possible parce que ceux qui fuyaient le système finissaient par se regrouper, à l'instar des qilombos ou se retrouvaient Noirs, Amérindiens et Blancs pour former une seule et même fratrie d'êtres humains. C'est la plus grande leçon de l'histoire de ces révoltes: l'union fait la force. Quel que soit le contexte de l'oppression, quelle que soit la situation géographique, nous avons constaté au fil de cette réflexion que les révoltés ont toujours fait cause commune: dans les Blue Mountains de Jamaïque, dans la jungle amazonienne, dans l'arrière-pays nord-américain, sur le Mont Misery de l'ile Saint-Kitts, tous ceux qui fuyaient ont mis leurs forces en commun, ont accueilli les nouveaux arrivants et les ont intégrés à leur groupe.

Servons-nous alors de ces exemples pour nous organiser, mettons un terme à l'individualisme contemporain, mélangeons nos différences, nos cultures, nos langues, nos spiritualités, bref, toutes nos forces pour faire émerger un qilombo géant, une fraternité d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont en commun de dire non à l'oppression d'un système dirigé par les mêmes qui, il y a 400 ans, traitaient déjà les êtres humains comme du bétail. Ne nous laissons pas impressionner par la force et les moyens de l'oppresseur, car tel David contre Goliath, les Africains révoltés nous ont montré la voie.


Commentaire (0)

Aucun commentaire

Ajouter un commentaire
Vous

Votre message

Champ de sécurité

Veuillez recopier les caractères de l'image :

Dernière mise à jour de cette page le 17/05/2011

Membre du réseau Infovox, je publie sur Agoravox, coZop, etc.