Les pressings font pression pour conserver le toxique perchlo

Rue89. 4 décembre 2010 par Solenne Durox

L'Etat tarde à réglementer l'usage du perchloroéthylène, solvant toxique -parfois mortel- utilisé pour le nettoyage à sec.

Des cintres (Andrew Morrell Photography/Flickr).Pour nettoyer nos vêtements, la plupart des pressings utilisent un solvant dangereux pour l'homme, le perchloroéthylène, sujet que Rue89 avait mis en lumière en 2007. Un poison qui touche les logements avoisinants, au détriment de la santé de leurs occupants impuissants. Le Haut conseil de la santé publique tire la sonnette d'alarme et recommande de ne plus installer de nouveaux pressings à proximité d'habitations.

Jose-Anne Bernard, 72 ans, est morte le 25 décembre 2009 à Nice. A priori d'une attaque cardiaque. Mais l'autopsie pratiquée sur son corps il y a quelques semaines a révélé un taux très élevé de perchloroéthylène (ou tétrachloroéthylène) dans son sang, ses urines et tous ses organes.

Ce solvant, couramment utilisé pour le nettoyage à sec, est non seulement dangereux pour l'environnement mais également toxique pour l'homme. Il provoque nausées et vertiges, irrite les voies respiratoires, attaque le système nerveux et les reins et peut, dans certains cas, s'avérer mortel.

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) le classe comme cancérigène probable, « groupe 2A ». Madame Bernard ne travaillait pas dans un pressing. Elle vivait juste au-dessus.

Depuis l'installation du commerce il y a deux ans, son appartement était envahi d'odeurs persistantes. « Quand je suis retournée chez elle pour récupérer des photos pour la cérémonie funéraire, je n'ai pas pu rester tellement ça sentait fort », explique son fils, Frédéric, qui a porté plainte pour empoisonnement. Le parquet d'Aix-en-Provence a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire le 20 août 2010.

Deux tiers des pressings hors la loi

Plusieurs habitants de l'immeuble avaient porté plainte il y a quelques mois contre le propriétaire du pressing qui s'était installé sans autorisation. Celui-ci ne respectait pas les normes en vigueur censées protéger les travailleurs et les riverains. Il n'y avait aucune ventilation dans son commerce. Et malgré deux arrêtés préfectoraux de mise en demeure, il a pu poursuivre tranquillement son activité jusqu'en juin 2010.

« L'administration a laissé mourir une vieille dame en vingt-quatre mois », constate Frédéric, triste et amer. Le cas de madame Bernard n'est pas isolé. Un avis de l'Afsset publié en janvier 2010 révèle que « des concentrations élevées de l'ordre de plusieurs milliers de µg.m-3, ont été mesurées dans des logements situés au-dessus de certains pressings » Il reconnaît qu'« une exposition aiguë, intermédiaire et chronique au tétrachloroéthylène est susceptible d'entraîner des effets néfastes sur la santé ».

Au mois de janvier 2009, à Montrouge, trois enfants qui habitaient au-dessus d'un pressing ont dû être évacués par les pompiers et hospitalisés. Ils souffraient de graves troubles respiratoires.

Respecter la réglementation ne semble pas être une priorité pour de nombreux exploitants de pressing, comme l'a montré l'opération nationale de contrôle menée par l'inspection des installations classées en octobre 2008. Au total, sur 275 installations visitées, seules 86 étaient en conformité. Moins d'un tiers !

Des taux de perchlo très supérieurs à la norme

Restaurateurs dans une galerie commerciale à Rennes, Pascal Denot et Thierry Drouin respirent depuis dix ans les vapeurs de perchlo du pressing voisin. Tous deux sont victimes de malaises, de violents maux de têtes, de problèmes respiratoires. Thierry Drouin souffre d'hépatite toxique et de troubles cardiaques. On vient de lui découvrir des lésions au cerveau. Après quatre années de combat judiciaire, un expert vient enfin de reconnaître que le pressing est bien la source de la pollution.

Une analyse de l'air a révélé des taux de perchlo de dix à dix-huit fois supérieurs à la norme fixée par l'OMS ; pourtant, impossible de faire fermer le pressing.

« J'ai envoyé trois ou quatre courriers au préfet pour l'alerter. En vain », s'indigne Pascal Denot qui, en attendant le procès, doit continuer à vivre dans cet environnement pollué. « Tous les matins, je suis angoissé à l'idée d'aller travailler. »

Avec d'autres victimes du perchlo, il vient de créer une association pour faire connaître le problème :

« Nous pensons porter plainte contre l'Etat pour mise en danger de la vie d'autrui ».

Les syndicats de pressings font pression

Face à la dangerosité du produit, le Danemark et les Etats-Unis ont interdit l'installation de nouveaux pressings utilisant le perchloroéthylène.

Le produit devrait être totalement retiré du marché américain en 2020. La France, elle, préfère voir venir. Suite au bilan catastrophique de l'opération de contrôle menée fin 2008, le ministère du Développement durable a fait évoluer la réglementation. Mais pas aussi durement qu'on aurait pu l'espérer, puisque les syndicats de pressings ont eu voix au chapitre.

Le président du CFET Pressings de France, dans son bulletin d'information de novembre 2009, se félicite :

« En tant qu'organisation professionnelle, nous avons participé à l'élaboration de ce nouveau texte et avons réussi à l'assouplir. »

« Il y a une énorme pression des syndicats qui disent que cela va leur coûter cher de changer leur matériel », remarque André Cicollela, chercheur en évaluation des risques sanitaires à l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques).

« Attendre, ce n'est pas acceptable ! »

Dans un avis publié en juin 2010, le Haut conseil de la santé publique recommande de « réaliser, à titre préventif, une campagne nationale de mesure des concentrations de tétrachloroéthylène dans les pressings et dans tous les logements et locaux ouverts au public se trouvant au-dessus ou à proximité immédiate de ces installations ».

Le HCSP propose aussi que toutes les personnes exposées bénéficient d'un examen médical gratuit. Il va encore plus loin en préconisant « qu'à l'avenir, aucun nouveau pressing ne soit installé au voisinage immédiat de logements ».

Au ministère de l'Ecologie, on reste prudent. Laetitia El Beze, chargée de mission sur les émissions de composés organiques volatiles solvants, explique :

« Nous n'avons pas suffisamment de recul pour faire interdire le perchloroéthylène. Il n'existe pas de produits de substitution parfaits. Des études sont en cours. »

Ce à quoi André Cicollela rétorque :

« Plusieurs études scientifiques ont clairement démontré l'effet cancérigène du perchloroéthylène. A l'Ineris, nous avons rédigé une dizaine de rapports depuis 2001 qui n'ont pas été suivis des faits. Attendre alors qu'on a toutes les preuves, ce n'est pas acceptable ! »

Pour l'instant, l'intérêt des commerçants passe avant. Jusqu'à quand ?


Commentaire (1)

1. BERNARD Frédéric - Le 10/12/2010 à 07:15

Bonjour à tous

José-Anne BERNARD était ma Maman,

En moins de deux ans, la santé de ma Maman José-Anne BERNARD n'a cessée de se dégrader, cette intoxication dont nous ne pouvions pas imaginer bien sur l'ampleur des dégâts, lui provoquait des migraines des vertiges pertes d'équilibres, toux problèmes de concentration, déprime, etc c'est après son décès que j'ai appris par le policier qui s'est occupé de l'enquête que le perchloréthylène provoquait de l'arythmie cardiaque, et que compte tenu des taux très importants que ma Maman avait dans le corps, allait certainement être ouverte une information pour Homicide involontaire.

Le propriétaire du pressing s'est installé sauvagement sans que le syndic ne soit informé, il a nous a répondu qu'il était désormais chez lui et que nous n'avions qu'à lui faire un procès.
Dés le premier jour de son installation nous avons d'une part fait venir un huissier et entamés une procédure. Ma Maman s'est battue comme une Lionne, elle a écrit en RAR au Préfet à plusieurs reprises, mais également au Maire de Nice, au service de l'hygiène, à l'environnement, à l'inspection du travail, en passant par les ministres, le président de la république, toujours en RAR, nous avons eu des réponses qui disaient toutes que le préfet allait régler le problème...

A force de harceler les services de l’administration, des contrôles ont eu lieu dans le pressing. Le problème c'est qu'il n'y a que le préfet ou le procureur de la république qui peuvent décider de la fermeture d'un établissement, de plus il y a des délais certainement à respecter entre les avertissements et la fermeture réelle.
Les contrôleurs qui vont sur places n'ont aucun pouvoir!!!!!!

Quand au Préfet une des secrétaires du service de la santé que j'ai eu au téléphone m'a clairement dit: " qu'il n'y avait pas d'urgence et que cela n'était pas comme si tout le monde dans l'immeuble était mort", elle se reconnaitra surement. A compter de ce jour j'ai compris que nous étions seuls.
Ma Maman, José-Anne BERNARD est allée, quelques mois avant sa mort, voir le médecin légiste pour faire constater son état de santé, ce qu'il a fait, il a été désolé de dire à ma Maman, José-Anne BERNARD, que malheureusement on ne pouvait connaitre les taux réels de perchloretylene que dans le cadre d'une autopsie...

J'ai pu enfin voir les résultats de l'autopsie de Ma Maman, José-Anne BERNARD, j'ai pu constater que du perchloretylene était présent en grande quantité dans tous ses organes, sauf dans l'estomac, et en très grande quantités dans les graisses.

Malgré tout cela, tout ce qui s'est passé, à ce jour NI le patron du pressing, NI le propriétaire des murs, qui ont été odieux et méprisants à l'égard de ma Maman alors que celle-ci les a prévenus par écrit de ces nuisances, NI l'agence qui s'est occupé de louer à ce marginal, n'ont été inquiétés ou ne serais-ce qu'interrogés.

De plus, le Préfet, les services de Santé et de l'environnement de la ville de Nice, sont à mes yeux responsables de non assistance à personne en danger car le "Principe de précaution" dans cette affaire n'a pas été respecté, de plus les appels au secours désespérés de ma Maman, les constats d'huissiers, les expertises, et le fait que tous les copropriétaires de l'immeubles soient solidaires et appellent au secours auraient du être entendus.

Au lieu de cela, on nous a considérés comme des "Malades qui ont tous le "Sick Building Syndrom"".

C'est la raison pour laquelle ma Maman, José-Anne BERNARD a eu le temps de mourir dans l'indifférence la plus totale.

Le patron de ce pressing ne respecte rien, il n'a pas respecté la procédure normale pour s'installer, il devait demander l'autorisation au syndic de pouvoir installer des machines et une cheminée, ce qui lui aurait été refusé car le cahier des charges de l'immeuble interdit l'installation de machines susceptibles de déranger les copropriétaires.
Il n'a pas respecté les deux premiers arrêtes préfectoraux malgré les risques!!
Il a travaillé pendant plus de 10 mois sans aucune ventilation! Pas le moindre ventilateur, son employée l'a supplié par écrit de ne plus l'obliger de travailler dans ce magasin car elle avait des migraines, et ne se sentait pas bien, c'est à ce moment la que j'ai prévenu l'inspection du travail qui a répondu mot pour mot qu'ils ne pouvaient rien faire de plus que de conseiller à l'employée de travailler avec un masque !!! Son patron lui a donc proposé la même chose le masque ou la porte.

Vous savez j'en ai tellement entendu que, à ce jour je m'attends à tout venant de l'administration. Il faut savoir que j'ai fait venir les huissiers avant et après le décès de ma Maman pour constater les "odeurs très très fortes de perchloréthylène" dans l'appartement de ma Maman. Ils ont tous étés communiqués à l'administration en temps réels, avec pour seul résultat un agacement non dissimilé de mes correspondants ne sachant pas comment de débarrasser de nous et de notre histoire de pressing...

Cela n'a commencé à bouger que grâce au Procureur Eric de Montgolfier qui a fait avancer les choses dés qu'il a eu connaissance du dossier. Un juge d'instruction s'occupe maintenant de l'affaire, et j'ai décidé d'être confiant car le cas de ma Maman n'est pas isolé, de plus si il y a une instruction pour homicide involontaire ce n'est pas pour rien.

J'espère que ma Maman qui était bien tranquille chez elle et qui a été maltraitée psychologiquement et doucement empoisonnée pendant ses deux dernières années de vies, sera heureuse de voir de la ou elle est, que tous les responsables mis en évidences seront justement punis et ce avec "une tolérance zéro", et ce malgré les postes importants à hautes responsabilités que certains occupent. Quand on accepte un poste à hautes responsabilités et le salaire qui va avec, on doit assumer jusqu’au bout et ne pas se cacher derrière le système, car derrière le système il y a ces même responsables.

A titre de pure information, ma Maman, José-Anne BERNARD, avait parlé à tous ses Médecins de ses maux et des liens possibles avec le pressing, tous l’ont noté dans le dossier médical de ma Maman, mais aucun n’a mis un lien entre la présence du perchloréthylène et ses problèmes de santé. Il n’y a que le Neurologue qui a vu ma Maman Jose-Anne BERNARD quelques semaines avant son départ prématuré, qui a constaté sur place l’odeur et qui s’est renseigné ensuite pour connaitre les conséquences sur les neurones de ce produit. Les symptômes sont nombreux, n’hésitez pas à consulter si vous avez un doute mais armez vous de patience avant d’être entendus. Bonne chance.

Un grand Merci à tous ceux qui pourront faire que cette affaire soit connue de tous, et largement relayée, beaucoup de gens sont concernés et peut être intoxiqués tous les jours, il suffit d'habiter à proximité d'un pressing pas Bio qui fait du nettoyage à sec!

Un grand merci à tous ceux qui l'ont déjà fait.

Je vous souhaite à tous une très bonne fin d'année, quoi qu'il arrive la vie continue, j'ai la chance d'être très bien entouré, je ne lâcherais jamais prise.
Je suis "un petit pot de terre" très solide, et j'ai le temps.

A bon entendeur.

Frédéric BERNARD
Un grand merci au Lot en action qui a repris cet article.
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Dernière mise à jour de cette page le 07/02/2011

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