Les jeunes, gibier privilégié de la police de Sarkozy

Basta mag. 29 octobre 2010 par Eros Sana

Loin des caméras, braquées sur les « casseurs » de la Place Bellecour, à Lyon, ou les émeutiers de Nanterre, les forces de police ont apparemment tout mis en œuvre pour juguler le mouvement lycéen. Par la violence et la peur. Récit non exhaustif d’une semaine de mobilisation en banlieue parisienne, où, des tirs de flash-ball à Montreuil à l’usage intensif de gaz lacrymogène aux Ulis, en passant par une chasse aux jeunes à Puteaux et Suresnes, les lycéens mobilisés s’en sont littéralement pris plein la gueule.


Reportage photo : manifestation étudiante et lycéenne du 21 octobre à Paris (© Daniel Maunoury). Voir aussi le témoignage : Comment je suis devenu un casseur à mon insu.

Mercredi 13 octobre : « Ça se fighte à Simone »

« Ça se fighte à Simone. » C’est avec ce type de SMS que l’info commence à circuler entre lycéens à Garges-lès-Gonesse (Val d’Oise). Simone, c’est le surnom donné par les élèves au Lycée Simone de Beauvoir. Ce jour-là, ils tentent de manifester leur solidarité avec le mouvement de contestation sociale. Ils « tentent », car autour du lycée, les véhicules de police et les CRS grouillent. Au lieu de tempérer, de discuter avec les enseignants et les représentants des lycéens qui coordonnent, avec un certain succès, la protestation de leurs camarades, les forces de l’ordre laissent monter la tension.

Et l’ambiance s’envenime. Des élèves sont bousculés puis renversés par des policiers qui se positionnent et se repositionnent. Ceux-ci prennent alors prétexte d’un jet de projectile pour asperger les lycéens de gaz lacrymogène et charger. Au moins deux adolescents sont victimes de malaise respiratoire. Les élèves du Lycée polyvalent Arthur Rimbaud, toujours à Garges, vivent eux aussi une confrontation violente avec les forces de l’ordre. En fin de la journée, de nombreux parents d’élèves, inquiets, demandent à leurs enfants de ne plus participer au blocus de leur lycée. Le lendemain, un lycéen de 16 ans est gravement blessé par un tir de flash-ball à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Rassurez-vous, ces membres du service d’ordre du pouvoir fonctionnaires de police sont là pour protéger les jeunes et garantir le droit de manifester (© Daniel Maunoury)

Vendredi 15 octobre : des enseignants « écœurés »

A Massy, les élèves du Lycée professionnel Gustave Eiffel se mobilisent à leur tour. Immédiatement, un impressionnant cordon de CRS et de policiers se déploie. Retour au Lycée Arthur Rimbaud de Garges-lès-Gonesse. Cette fois, les élèves ne sont pas seuls à protester : des représentants des syndicats (CGT et Solidaires), ainsi que des élus de l’opposition, sont là. Ils ont été appelés par les lycéens pour que tout se déroule bien, pour que la police les laisse manifester en toute tranquillité. En dépit de cette présence, la répression est de nouveau au rendez-vous. Très vite, lycéens, enseignants, représentants politiques et syndicaux se retrouvent sous une pluie de grenades lacrymogènes.

Hugo a 17 ans, et il est bien conscient de l’enjeu de la réforme des retraites. Vers huit heures et demi du matin, avec d’autres lycéens, il invite les élèves du lycée professionnel Louis Blériot à Suresnes (Hauts-de-Seine) à bloquer leur « bahut ». Là encore, la police laisse la situation s’envenimer. Les forces de l’ordre n’engagent aucune discussion avec les élèves, les encerclent au fur à mesure qu’arrivent de nouvelles voitures et de nouveaux policiers. Vers 9h30, ils prennent la décision de dégager le blocus et chargent. Divers projectiles leur répondent. Les manifestants seront tous dispersés. Pendant ce temps, aux Ulis (Essonne), les habitants déplorent « une présence très agressive de la police ». Face aux lycéens, les policiers ont la détente des flash-balls facile. Heureusement, aucun élève du Lycée polyvalent de l’Essouriau ne souffre de blessures sérieuses.

Un « gardien de la paix » tout disposé à renseigner le citoyen égaré, matraque télescopique plan de Paris en main (© Daniel Maunoury)

Mannone vient de Fresnes (Val-de-Marne), il n’est plus lycéen mais étudiant. Il est de la génération qui a défilé contre le CPE. Il garde encore de nombreux contacts avec son ancien bahut, le lycée Frédéric Mistral. Des élèves l’appellent d’ailleurs le matin pour l’informer de leur mobilisation. Ils essaient de manifester « tranquillement » devant les grilles. A proximité, la police nationale est présente de « manière massive », sans pour autant intervenir quand quelques jeunes mettent le feu à des poubelles. « Les enseignants étaient écœurés par le comportement des jeunes… comme de la police nationale qui a laissé s’envenimer mes choses », raconte Mannone. Les CRS étaient tellement nombreux qu’ils bloquaient toute la rue menant au lycée, empêchant même des femmes et des enfants en poussettes de se déplacer. Le lycée est finalement fermé. « A mon époque, commente l’étudiant, on partait à 500 en manif et tout se passait bien. On allait voir les responsables des flics et on leur disait que l’on montait sur Paris tranquillement ». Cette époque semble révolue sous Brice Hortefeux.

Mardi 19 octobre : le marché des Ulis noyé dans le gaz lacrymogène

La veille, des affrontements opposent lycéens et membres des forces de l’ordre à Combs-la-ville (Seine-et-Marne). Aux Ulis, la tension est à son paroxysme. Les affrontements débordent jusqu’au marché. Un bus est incendié. Le véhicule était en stationnement et à l’arrêt. Il était vide et n’appartenait à aucune une ligne desservant la ville. La police recourt massivement au gaz lacrymogène, y compris sur le marché, pour disperser une foule composée de toutes les catégories de population de la commune. Les habitants - mères de familles, enfants en bas-âge, retraités - doivent évacuer tant bien que mal les étalages, l’air étant devenu irrespirable. « Ne touchez pas à nos mères ! », lancent les jeunes, passablement énervés. Pendant les trois jours suivants, aucun bus ne desservira la ville. Punition collective ?

A Fresnes, au prétexte de surveiller les jeunes lycéens et « d’assurer la protection des habitants », la police bloque de nombreuses rues, empêchant des riverains de circuler ou leur imposant d’importants détours. A Garges-lès Gonesse, la mobilisation se poursuit. Les lycéens « se montrent très responsables en dépit des provocations policières ou de celles venant d’éléments perturbateurs inconnus », assure Yassine Ayari, responsable associatif local, et ancien élève du lycée Simone de Beauvoir.

Mercredi 20 octobre : chasse aux lycéens à Puteaux

Les élèves de l’établissement Louis Blériot de Suresnes tentent de se rendre en transports en commun à Paris pour participer au cortège, à l’appel des organisations lycéennes et étudiantes. Autour de la gare de Puteaux, la police s’amuse à « courser » les jeunes qui s’approchent. Certains se mettent en danger en s’enfuyant par les voies ferrées, poursuivis par des policiers. Plusieurs témoins parlent d’usage de flash-ball. Toutes les personnes qui paraissent avoir moins de 25 ans sont systématiquement contrôlées. Des lycéens sont forcés de repartir vers leur lycée. Un élève qui ne manifestait aucun signe d’agressivité est « matraqué par les policiers ».

A Combs-la-Ville, en face du Lycée Galilée, Julie, élève de première, remarque que tous les « basanés, noirs et arabes et tous les gars en capuche » sont systématiquement pris en photo par la police massivement déployée. La répression a atteint un tel niveau que des syndicats d’enseignants et des associations de défense des Droits de l’Homme viennent de lancer « un appel à témoins ». « Loin de contenir le mouvement contre les projets de régression sociale, ces menées ne font que renforcer la détermination des salariés, des jeunes étudiants et lycéens et de toute la population à faire barrage à ces projets », commente les initiateurs.

Eros Sana

Photos : © Daniel Maunoury


Commentaires (3)

3. Aldo Maccione - Le 04/11/2010 à 00:50

Il n'y a pour l'instant pas grand chose à faire face à ce gouvernement, qui rappelons le, représente la droite décomplexée. Pour mémoire, c'est quoi la droite décomplexée. Quand un ministre est englué dans un scandale et une affaire de corruption, il ne démissionne pas ni ne se suicide. Il reste, continue comme si de rien n'était et il emmerde tous ses détracteurs. Quand un président fait une promesse, il met un point d'honneur à ne pas la tenir, avec un gros doigt en prime...Quand des lycéens manifestent, on leur fait passer le goût du pain,et on n'hésite pas à cogner sur la jeunesse...Etre de droite et décomplexé, c'est employerla force et l'intimidation, c'est flatter les puissants et mépriser les faibles... Bref pour l'instant ça craint... Il y aurait bien une solution. C'est de les prendre à leur propre jeu capitaliste. Souvenez vous de Martin Luther King et de la grêve des Noirs qui pendant de longues semaines refusèrent de prendre le bus parce qu'on les parquait dans le fond, debouts... Ils marchèrent à pied, pendant des jours et des jours, pour se rendre à leur travail, harassés, épuisés, à bout de nerfs, mais ils tinrent bon... Tant et si bien que la compagnie des bus se retrouva au bord de la faillite...Et qu'ils durent accepter que les Noirs puissent s'asseoir, au même titre que les Blancs...
Et bien nous on fait quoi,??
On arrête d'acheter les produits cosmétiques, on freine drastiquement la consommation de Pastaga, on ne change pas de voiture,ni de téléphone portable pour un oui ou pour un non, on ne fait pas les soldes et on se débrouille avec les vieilles fringues qui ne sont pas si tartignolles que ça,on arrête d'acheter au supermarché des produits tous préparés et on se remet à la cuisine, on limite au strict minimum les déplacements automobiles, on arrête de flipper avec les assurances vie, on arrête d'acheter des magazines débiles, on coupe la télé le plus souvent possible, on réduit la consommation de tabac,on économise l'eau, l'électricité, le gaz, on arrête d'acheter des play stations au mômes à Noël, on n'achète pas de foie gras ou de saumon hors de prix sous pretexte que c'est les Fêtes... etc etc... On essaye de vivre simplement et sobrement, avec la famille et les amis... Quand ces bons messieurs du Cac 40 commenceront à voir que leurs profits baissent dangereusement, alors peut être demanderont ils à ceux qui nous gouvernent de prendre des mesures plus sociales... Ou bien ils en ont rien à foutre, et ils se disent que de toute façon il y a des centaines de millions de niakoués pour acheter leurs cochonneries.. Auquel cas... Sale temps pour les mouches...

2. Beligue - Le 02/11/2010 à 07:27

Le gars avec un brassard et le visage masqué il ne tombe pas sous le coup de la loi qui stipule qu'il ne faut pas se rendre à une manif le visage masqué? Si ses collègues l'on reconnu ils doivent le dénoncer sinon il y a complicité.
J'adore tous leur règlements....

1. jaffre dominique - Le 30/10/2010 à 09:38


Que puis je faire ? moi qui ne suis dans aucun circuit syndicaliste ou associatif. Car je commence vraiment à paniquer avec ce putin de gouvernement de merde !
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Dernière mise à jour de cette page le 29/10/2010

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