Les Islandais refusent (toujours) de payer pour les banquiers

Politis. Le 11 Avril 2011 par Erwan Manac'h

 

 

Pour la deuxième fois en un an, les Islandais ont rejeté un plan de remboursement de la dette provoquée par la faillite de la banque en ligne « Icesave » en 2008. Décryptage de cette « bonne nouvelle » avec Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac.

Bis repetita. À 93 %, les Islandais avaient giflé une première fois la finance européenne il y a un an, en rejetant un plan de remboursement de l’ardoise laissée par la banque « Icesave » en 2008. Une seconde mouture du plan, avec des intérêts moindres et un étalement du remboursement, a été rejeté samedi 9 avril par 60 % des électeurs.

« La pire option a été choisie », s’est alarmée dimanche la Premier ministre Johanna Sigurdardottir, tandis que 70 % des députés s’étaient prononcés pour le oui. « Nous devons tout faire pour éviter un chaos politique et économique après ce résultat », a-t-elle ajouté. Avec ce vote sur fond d’euroscepticisme, les sociaux-démocrates au pouvoir accusent le coup : depuis leur arrivée au gouvernement en 2009, ils travaillent à une adhésion de l’Islande à l’Union européenne [1].

Les 318 000 habitants de la « terre de glace » devaient se partager une facture de 3,9 milliards d’euros, après l’évaporation des placements financiers de ressortissants européens (britanniques et hollandais pour la plupart) au moment de la crise financière. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui avaient réglé la note, demandent désormais des comptes (lire notre article du 22 février).

- Le point avec Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac.

Comment interprétez-vous le vote des Islandais ?

C’est une bonne nouvelle. La somme qui leur est demandée représente 40 % du PIB du pays et environ 12 000 euros par citoyen. C’est une dette qui couvrirait plusieurs générations avec des conséquences énormes en terme de précarité, à cause des politiques d’austérité que le remboursement entraînerait.

L’Islande était l’élève modèle du néolibéralisme. Ses banques en ont bénéficié à plein et elles engrangeaient des profits hallucinants. Elles se sont brulés les ailes et on demande aujourd’hui aux citoyens de payer les pots cassés. Il s’agit en plus d’une loi rétroactive avec laquelle les Islandais se porteraient garants des risques pris. Mais la population n’a pas vu la couleur des profits pendant l’euphorie bancaire.

L’autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) pourrait désormais adopter des sanctions envers l’Islande à la demande des Britanniques et des Hollandais [2]. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir ?

Si les Islandais étaient forcés de payer la dette, ce serait un cas de jurisprudence extrêmement dangereux au niveau européen. Nous pouvons le craindre, vus les avis qui ont été émis ces derniers temps. Les pays de la zone de libre échange pourraient être tenus de payer les pots cassés des investisseurs à l’avenir. C’est un très mauvais signal envoyé au monde de la finance. Jusqu’à présent il n’existe aucune obligation légale pour un Etat de rembourser les dettes de ses banques.

Derrière cela il y a un problème très politique. L’Union européenne préfère favoriser son image par rapport aux agences de notation, en montrant que les Etats se portent garants des investissements bancaires. Il y a des pressions en coulisse de la part du FMI et de l’UE, qui exercent un chantage à l’entrée dans l’Union européenne.

Le grain de sable islandais peut-il faire changer la finance mondiale ?

L’Islande est un cas d’école, car elle était un élève modèle du néolibéralisme. C’est aussi devenu un exemple de résistance d’un peuple qui a dit non. Il faudrait que cela serve de levier pour un mouvement social européen, notamment dans la perspective des discussions sur le « pacte pour l’euro » qui contraindra les gouvernements européens à poursuivre les politiques d’austérité.

Est-ce aux Européens de payer la crise financière ? Ou aux banques ?

Il faut se coordonner au niveau européen, car les votes populaires ne sont pas pris en compte. En Islande, il y a eu un premier référendum il y a un an, dont on n’a pas tenu compte, comme on a adopté le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) malgré l’opposition du peuple français. Il y a un énorme problème au niveau démocratique.

Scènes de joie en Islande à l’annonce du résultat du référendum, dimanche 10 avril 2011.


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Dernière mise à jour de cette page le 12/04/2011

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