Décomplexée par les discours du Latran et de Riyad du Président Sarkozy qui vantaient notamment la prétendue supériorité du curé ou du pasteur sur l’instituteur dans la transmission des valeurs, la droite n’est depuis pas en manque d’imagination pour favoriser l’enseignement privé et lui consentir des avantages sonnants et trébuchants.
Dernier exemple en date, dans la nuit de mardi à mercredi, la majorité UMP du Sénat a ainsi adopté un amendement au projet de budget 2011. Celui-ci était proposé par le désormais célèbre sénateur Carle qui en 2009 avait déjà fait assouplir le financement des écoles primaires privées par les collectivités locales. Cette fois, il s’agit de soustraire à l’enseignement public l’équivalent de 250 postes supplémentaires (soit 4 millions d’euros) pour les reverser à l’enseignement privé. Même devant la saignée des 16 000 suppressions de postes déjà prévues pour la rentrée 2011, public et privé ne sont pas mis sur un plan d’égalité, la contribution des établissements privés aux suppressions de postes étant proportionnellement deux fois moindre que pour ceux du public !
Quelques jours auparavant, le 19 octobre, la Présidence de l’Assemblée nationale a enregistré une proposition de loi présentée par 81 députés UMP allant dans le même sens. Elle vise à exonérer les écoles privées sous contrat d’association de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent en décider ainsi pour peu que le propriétaire des bâtiments concernés en fasse la demande avant le 1er janvier. Cet avantage est consenti au motif spécieux que « les écoles privées sous contrat d’association rendent des services extrêmement appréciables aux communes », car « elles permettent aux collectivités territoriales d’être dispensées de lourdes charges », notamment « dans un certain nombre de communes dépourvues d’établissements publics ». Outre la part de tartuferie induite par un tel raisonnement, cette loi entérine un renoncement à rendre effective la loi républicaine indiquant que « toute commune doit être pourvue d’au moins une école élémentaire publique ». Pire, ces dispositions favoriseront puissamment la transgression de la loi en contribuant à réduire à peau de chagrin le service public d’éducation.
Il s’agit là d’un nouveau financement déguisé de l’enseignement privé dont la charge reposera au final sur les contribuables. En effet, il est prévu que les éventuelles pertes de recettes pour les collectivités territoriales qui feraient le choix de telles exonérations soient compensées par l’État via la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs. Autrement dit, ceux qui décideront ne supporteront pas le coût effectif d’une telle mesure. Cette proposition de loi tendrait à créer une nouvelle niche fiscale, en contradiction flagrante avec le discours gouvernemental visant à les raboter dans le sens d’un nécessaire effort partagé. Il est vrai que les déclarations d’intention n’engagent que ceux qui veulent bien y croire.
Il convient de dénoncer cette nouvelle attaque contre le principe intangible de laïcité. Par ce biais et par la suppression de la carte scolaire qui l’accompagne, les libéraux souhaitent instituer un vaste marché des établissements publics et privés au nom de la sempiternelle concurrence libre et non faussée. De l’École de la République, nous glisserions vers une école à la carte débarrassée de l’exigence de l’intérêt général et de la nécessité de mixité sociale. Plus que jamais, au nom de l’égalité devant l’éducation que sont en droit d’attendre tous les élèves, l’urgence est de réaffirmer l’impératif que les fonds publics aillent exclusivement à l’école publique.
Nous appelons en outre, conformément au serment de Vincennes prononcé par le camp laïque le 19 juin 1960, à l’abrogation de la Debré de 1959 qui fait office de véritable concordat sans en porter le nom en assurant le financement public des écoles privées.