Les grèves se multiplient dans le privé en France

Le Monde. 23 avril 2010  par Aline Leclerc

AFP/LIONEL BONAVENTURE

Début avril, pour réclamer un meilleur plan social, les salariés de l'usine Sodimatex de Crépy-en-Valois (Oise) menaçaient d'incendier une citerne de gaz.

Début avril, pour réclamer un meilleur plan social, les salariés  de l'usine Sodimatex de Crépy-en-Valois (Oise) menaçaient d'incendier  une citerne de gaz.

Il y a les grèves ponctuelles des médecins généralistes, des personnels des crèches. Un jour en mars, un jour en avril, d'autres prévus en mai. Rares mais réguliers. Il y a les journées de mobilisation des enseignants,  nombreuses depuis février dans les zones d'éducation prioritaires. Il y a bien sûr la grève à la SNCF depuis le 6 avril et la grève au SAMU Social, depuis plus de quinze jours. Et les mobilisations des salariés de Sodimatex à Crépy-en-Valois (Oise) et de Poly Implant Prothèses à La Seyne-sur-Mer (Var), médiatisées parce que particulièrement dures, les salariés ayant menacés d'incendier leur sites de production.

Voilà pour les plus exposés. Mais des conflits sociaux plus discrets ont lieu en ce moment partout en France, démontrant que si les mobilisations historiques des 29 janvier, 19 mars et 1er mai 2009 sont loin, le climat social reste tendu. La presse régionale se fait ainsi l'écho de nombreux mouvements de protestations : séquestration chez Essex, qui fabrique des fils de cuivre à Mâcon (Saône-et-Loire) et chez le fabricant de pneumatiques Sullair à Montbrison (Loire) ; grève chez Siedoubs, sous-traitant automobile à Sochaux (Doubs), chez Forest-Liné, qui fabrique des machines outils à Capdenac-Gare (Aveyron), à la Fonte ardennaise à Vivier-au-Court (Ardennes), chez Sin et Stes, entreprises de nettoyage à Crolles (Isère), chez Delphi, sous-traitant dans l'électronique à Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Villaine), chez les salariés des magasins Surcouf, notamment à Strasbourg (Bas-Rhin), chez les travailleurs sociaux du foyer Interval à Lille (Nord). Les salariées du fabriquant de lingerie Lejaby, à Rilleux-la-Pape (Rhône), ont su, elles, attirer les photographes, grâce à un défilé original.

En Ile-de-France, des salariés des Caisses d'épargne étaient en grève mardi, ainsi que des salariés parisiens de l'Urssaf, et un appel à la grève était lancé à La Poste des Hauts-de-Seine pour jeudi.

UNE RADICALISATION PLUS RAPIDE

D'autres luttes, bien réelles, apparaissent à peine dans la presse. Pourtant, les salariés sont aussi mobilisés chez Gardy à Barentin (Seine-Maritime) ou chez Grass Valley en Ille-et-Vilaine, ou chez France Transfo en Moselle. La liste est trop longue pour qu'ils soient tous nommés.

"L'année dernière nous avons connu les grandes restructurations et les fermetures. Cette année, ce que l'on voit se développer ce sont les conflits autour des questions salariales. Car lors des négociations annuelles obligatoires, les augmentations proposées étaient très faibles ou inexistantes", explique Stéphane Vannson, secrétaire régional de la CFDT Lorraine. "Et ce que l'on constate, c'est que les salariés se radicalisent beaucoup plus vite qu'avant. J'avoue que l'on a parfois été débordé par des réactions dures, avec des blocages de sites. Ce que l'on sent remonter chez tous nos militants, c'est qu'ils ne peuvent plus accepter des injustices criantes, comme des refus de primes aux ouvriers alors qu'on augmente les dividendes des actionnaires."

Le ressenti est le même à Rouen, Rennes ou Toulouse. "En 2009, on a connu les annonces dans les très grosses entreprises à Molex et Freescale, où la lutte est toujours en cours. Mais ces derniers mois, on connaît des luttes dans de plus petites entreprises, notamment sur la question des salaires et des conditions de travail. Les salariés de la clinique privée Pont-du-Chaume de Montauban, qui n'avaient jamais revendiqué, viennent de faire trois semaines de grève, avec 90 % de grévistes" raconte Roger-Pierre Lemouzy, secrétaire régional CGT Midi-Pyrénées.

ON SUBIT PLUS LA CRISE QU'EN 2009 !"

Alors que l'attention médiatique n'est plus focalisée, comme en 2009, sur les plans sociaux, sur le terrain, personne ne voit de sortie de crise. "Les annonces sont peut-être moins spectaculaires que l'année dernière, mais on continue de supprimer des emplois. Huit ici, neuf par là. Ce sont les sous-traitants, des PME et des TPE, qui sont désormais plus touchés que les grands groupes. Et ils ont dû mal à se faire entendre", explique Jacques Bouilly, secrétaire général de la CFDT en Ille-et-Vilaine. "La crise n'est pas derrière nous. Nous la subissons bien plus aujourd'hui qu'en 2009 ! Les suppressions d'emplois continuent, et les augmentations de salaires annuelles n'ont pas eu lieu. Cet été, les chiffres de non-départ en vacances vont être impressionnants", confirme Philippe Boutant, secrétaire de l'Union départementale CGT en Seine-Maritime.

De là à dire que ces conflits localisés pourraient se traduire par une mobilisation massive le 1er mai, il y a un pas que tous ne franchissent pas. "Il y a une chappe de plomb économique qui pèse sur les gens. Cela se manifeste par des rapports de plus en plus agressifs au quotidien que nous rapportent les salariés qui travaillent dans les services publics, notamment les chauffeurs de la RTM [Régie des transports de Marseille] ou les agents de la Caisse d'allocations familiales", a constaté Alain Comba, de l'union départementale FO des Bouches-du-Rhône. "Mais ce n'est pas pour autant que les Français vont gagner les manifestations du 1er mai. Ils ont vu ce qui s'est passé l'année dernière : des manifestations massives, et pour quel résultat ?"

Pour Stéphane Vannson, de la CFDT Lorraine, "mobiliser sur l'emploi, les retraites et le pouvoir d'achat est difficile. Car il est difficile de voir le résultat rapide et concret d'une lutte sur ces thèmes. C'était plus facile par exemple pour le CPE (contrat première embauche) : le contrat a été retiré, on a gagné". "La lutte individuelle, sectorielle peut nourrir la lutte collective, espère Roger-Pierre Lemouzy, de la CGT Midi-Pyrénées. Lors de la manifestation du 23 mars, nous avons constaté que beaucoup de salariés d'entreprises privées, qui avaient déjà connu quelques journées de grève sur leur site, ont rejoint les cortèges. C'est un phénomène plutôt nouveau." En Midi-Pyrénées, une journée de tractage est spécialement prévue le 20 avril pour mobiliser en vue du 1er mai.

 

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