Blog d'asso. 4 décembre 2010 par Noël Billiet
Il était une fois, dans un pays enchanté où respirait la joie de vivre, un gentil petit incinérateur. Il était né en l'an de grâce 1985. Sa maman, Simigedine, et son papa Novergeo, étaient très fiers de leur bébé. Ce dernier le leur rendait bien, car il avait gros appétit. Il n'était pas difficile, il avalait tout ce que ses parents lui servaient : déchets ménagers en tous genres, mais aussi industriels, toxiques ou pas. Parfois il mangeait un peu trop et n'importe quoi, si bien qu'à la longue, il laissait s'échapper de très vilaines fumées chargées de gaz toxiques et de métaux lourds et même de... DIOXINES ! Sans parler des gros paquets de "cacas" qu'il fallait lui retirer souvent et dont on ne savait plus que faire tellement ils sentaient mauvais et souillaient les endroits où on les répandait, souvent autour de lui. Le "bébé" qui devait toujours manger plus, pour satisfaire ses parents, n'arrivait pas à tout digérer et on trouvait des restes de déchets dans son... enfin ses déjections.
Le pire, encore, c'était ces fumées noires qui sortaient de sa cheminée. Elles faisaient peur. D'ailleurs, au bout de quelques années, tous les voisins se plaignaient et beaucoup tombèrent gravement malades. Ils s'en remirent au "préfet" de la contrée. Celui-ci connaissait bien les parents et savait qu'ils n'étaient pas très attentionnés avec leur rejeton. Tous se moquaient bien de ce que pouvaient dire les voisins ; les parents n'en faisaient qu'à leur tête, sous l'oeil bienveillant de leurs compères : le préfet, d'abord, et nombre de représentants du peuple, sensés pourtant le protéger dans des cas comme celui-là. Et il y avait de plus en plus de fumées, et cela sentait de plus en plus mauvais. Pendant la nuit, les parents retiraient les filtres limitant les fumées, puisque personne ne pouvait les voir. Mieux, ils augmentèrent sérieusement les rations de leur goinfre de bébé. Rien ne les arrêtait.
Ce qui devait arriver, arriva : un jour d'octobre 2001, ce dernier cessa de vivre et l'on s'aperçut que les dégâts causés durant son vivant du fait de l'insouciance ou de la folie de ses parents étaient considérables. On trouva de la dioxine dans le corps et le lait des animaux qui avaient mangé les récoltes gâtées par les fumées toxiques pendant des années. Tout ce que les gens de la contrée avaient mangé pendant tout ce temps était contaminé aussi. Les bébés qui se nourrissaient du lait de leur mère étaient également victimes de ce fléau. Pour éviter la catastrophe, le préfet, enfin, ordonna de détruire des milliers de tonnes de foin récolté dans la vallée, des miliers de litres de lait et de tuer des centaines d'animaux dans les fermes : veaux, vaches, moutons... En échange, on donna de l'argent aux fermiers et aux cultivateurs.
Mais les malades, leurs familles, les habitants de la contrée, réclamèrent justice pour condamner les mauvais parents, madame Simigedine, monsieur Novergeo, mais aussi monsieur le préfet et monsieur De Ladrire, le docteur qui devait surveiller la santé du bébé. Ceux-là n'avaient rien fait pour éviter ce drame. Forcément, c'étaient des amis des parents, alors... Même dans le gouvernement du pays, personne n'a jamais rien fait pour tenter de sauver les malheureuses victimes. Pourtant, les représentants du peuple et certains ministres étaient au courant de la mauvaise santé du "glouton".
"Ca se passera pas comme ça" criait le peuple, "on veut que justice soit faite". Ces cris arrivèrent aux oreilles du gouvernement et du ministre de la justice : Père Béni. Celui-ci était un enchanteur. Il dirigeait une armée de procureurs répartis dans tout le pays. Celui de la "vallée perdue" où vivait l'incinérateur est un homme mesquin et sournois si dévoué à son maître qu'on l'appelait Père et Fils ou simplement Père Et.
Père Béni comprit vite que cette affaire devenait trop embarrassante pour certains hauts dignitaires de la vallée et même du pays. Il demanda à Père Et... de contenir le juge qui faisait son travail avec un peu trop de zèle, selon lui. Mais comme cela ne suffisait pas, il sortît alors son bâton magique. Après quelques manipulations accompagnées de formules secrètes et dans un tourbillon de poussières d'étoiles, il sauva du scandale et du déshonneur ces personnalités, oh combien respectueuses, qui ne pouvaient pas, compte tenu de leur rang, être traitées comme des brigands. Tous seront contents, ils auront "bien fait leur travail". Il n'y aura donc point pour les "rescapés" de véritable procès. Le préfet ainsi que monsieur De Ladrire mais aussi Père Et obtinrent de l'avancement. Monsieur Novergeon et madame Simigedine se séparèrent après cette mésaventure. Novergeo partit dans une autre vallée et Simigedine disparu dans la nature. Contrairement à d'autres contes, ils ne se marièrent point et n'eurent pas de nombreux enfants. Un, cela suffisait déjà bien...
Eh ? Les quoi ? Les victimes ? Ah oui ! Les victimes !...
Eh bien, avec le temps on les oubliera, d'ailleurs beaucoup ont déjà disparu. Et puis, qui dit que c'est bien à cause des fumées qu'elles tombèrent malades. Rien ni personne ne le prouva, alors...
Enfin, le calme et la joie de vivre sont revenus dans le pays enchanté...
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