Basta mag. 5 janvier 2010 par Ivan du Roy
Tombé dans le piège de la taxe carbone version Sarkozy, le mouvement écologiste, pour ne pas s’aliéner une partie des classes populaires et moyennes en 2010, va devoir s’intéresser à trois dossiers chauds : la Sécurité sociale, les retraites et les conditions de travail.
La conférence internationale sur le climat a donc conclu cette première décennie du nouveau siècle. La présence à Copenhague des dirigeants des pays les plus puissants de la planète, dont les présidents états-uniens et russes ainsi que le Premier ministre chinois, illustre l’importance de l’enjeu. Et symbolise la prise de conscience, de plus en plus répandue ces dernières années, des questions environnementales. Longtemps confinées aux milieux militants écologistes, elles apparaissent désormais comme incontournables. Mais l’échec du sommet, par l’absence d’accord contraignant les Etats les plus pollueurs, vient paradoxalement relativiser cette prise de conscience. Si les chefs d’Etat eux-mêmes n’arrivent pas à placer l’intérêt planétaire avant celui des intérêts économiques et commerciaux, ne serait-ce pas le signe que la situation n’est pas si grave qu’on le prétend ? Tel est le message que les 192 pays présents à Copenhague ont implicitement adressé au monde, involontairement ou pas.
Triple peine écologique
Le retour du scepticisme vis-à-vis de l’écologie risque de trouver en France un terrain fertile. Premier piège : la taxe carbone. Cette mesure-phare du Grenelle de l’environnement a été retardée pour cause de trop nombreuses exonérations. C’est bien le signe que chacun n’a pas les mêmes devoirs face à la pollution qu’il émet. Son impact financier sur les particuliers sera d’abord faible (la tonne de CO2 est fixée à 17 euros mais augmentera ensuite). Le principe même de la taxe est source de grandes inégalités à venir. Ainsi, un couple très aisé sans enfant, qui surchauffe son vaste appartement à l’électricité et se déplace en 4X4, paiera moins de taxe carbone qu’un ménage d’ouvriers ou d’instituteurs avec deux enfants, dont les modestes pavillons sont chauffés au gaz ou au fioul, et qui sont obligés de recourir à leur véhicule diesel pour se rendre au boulot [1]. La raison en est simple : le gaz ou le fioul sont taxés, pas l’électricité. Plus la tonne de CO2 augmentera, plus cette inégalité s’accroîtra.
Les ménages des classes populaires ou moyennes sont triplement sanctionnés. La taxe carbone ne prend pas en compte les inégalités de revenus. A cause de la spéculation immobilière, les moins riches sont souvent obligés de s’éloigner des centre villes et de leurs réseaux de transport en commun, restant dépendants d’un usage quotidien de leurs véhicules. Ils devront également supporter les augmentations à venir de l’essence, du fioul ou du gaz sans forcément avoir les moyens d’investir dans des équipements écologiques ou des maisons à énergie passive (matériaux de construction écologiques, meilleure isolation, chauffage au bois, panneaux photovoltaïques…), encore très onéreuses, même si, localement, des politiques volontaristes les rendent accessibles.
La taxe carbone risque bien, demain, d’être source de mécontentement social. Le mouvement écologiste, malgré ses critiques envers le dispositif mis en œuvre par le gouvernement Sarkozy, sera, qu’il le veuille ou non, associé à cette taxe et aux inégalités qu’elle accentuera. C’est bien là le piège tendu.
Ecologie contre social ?
Cette tension, réelle ou apparente, entre considérations écologiques et sociales n’est pas nouvelle : produits bio pour « bobos » contre « hard discount » pour chômeurs, ouvriers et employés ; diminution des industries polluantes aux dépens, pour les syndicats, de la sauvegarde de l’emploi ; agriculture biologique présentée comme élitiste contre agriculture productiviste très polluante mais peu chère ; développement économique et créations d’emplois contre préservation de la biodiversité…
Comment dépasser ce menaçant antagonisme entre aspirations écologiques et aspirations sociales ? Trois dossiers cruciaux s’ouvrent en 2010 : celui de la Sécurité sociale, des retraites et de la souffrance au (ou du) travail. Il serait opportun que le mouvement écologiste, dans son ensemble, se manifeste sur ces sujets sur lesquels, traditionnellement, il s’exprime encore trop peu. Ces trois dossiers concernent pourtant, au premier chef, les écologistes. La Sécurité sociale, c’est la préservation de la santé et du bien être de chacun. Un impôt spécifique aux activités et produits polluants et source de pathologies (pesticides et cancers par exemple) serait probablement le bienvenu pour élargir les ressources de l’assurance maladie en déficit. A quand un appel de la Fondation Nicolas Hulot ou de France nature environnement sur le sujet ?
La retraite pose la question des conditions de vie dans un modèle où l’on serait, un temps, productif pour devenir ensuite un coût. C’est aussi celle de la pénibilité physique au travail et de la manière de l’alléger ou de la supprimer pour les salariés à partir d’un certain âge. Alors que le gouvernement prépare un énième allongement de la durée de cotisations, les négociations sur la pénibilité s’éternisent, elles, depuis 5 ans ! Cela rejoint le problème du stress et de la souffrance au travail. Mis en exergue par la situation à France Télécom, elle concerne bien des salariés du privé, comme du public. Les conditions de travail, et de vie au travail, l’environnement des salariés au sein de l’entreprise, demeurent encore – et bizarrement - des sujets étrangers à bien des militants écologistes. Le bien être, la réalisation et l’épanouissement de chacun, passent aussi par une profonde transformation de ces conditions de travail. Signe des temps : parmi les administrations les plus touchées par les suicides, figure le ministère de l’Ecologie et de l’Equipement avec 150 à 250 tentatives de suicide par an et un taux de suicide de 25 pour 100.000 salariés. La lutte contre les dérèglements sociaux connaîtront-ils les mêmes mobilisations que celle contre le dérèglement climatique ? Quoiqu’il en soit, Basta !, malgré ses modestes moyens, s’emploiera à ce que luttes sociales et écologiques se métissent.
Ivan du Roy
[1] Selon une estimation que nous avons réalisée à partir du simulateur mis en place par la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV)
2. MORESTIN Jean Luc Le 05/01/2010 à 21:49
1. poncharal Le 05/01/2010 à 20:25