Depuis la fin de 2007, le ministère de l’Intérieur expérimente un nouveau système de surveillance automatique des citoyens. En application de l’article 8 de la loi du 23 janvier 2006 « relative à la lutte contre le terrorisme ». Toujours utile, « la menace terroriste », pour faire accepter la généralisation des contrôles pouvant attenter à la liberté des Français. Le dispositif entré récemment dans sa phase finale après une nouvelle expérimentation dans la ville des Mureaux, près de Paris, consiste à installer dans les rues et sur le bord des routes de minuscules caméras qui lisent les plaques d’immatriculation des voitures et des deux roues. Pour, ensuite, les transmettre automatiquement aux fichiers centraux des cartes grises et aux fichiers des véhicules volés ou disparus. Ces fichiers centraux retransmettent tout aussi automatiquement une alerte dans les commissariats d’une ville ou d’un département.
Ce système, le Lapi (pour Lecture automatisée des plaques d’immatriculation) a vocation d’être rapidement étendu à tout le territoire en liaison constante avec la police, la gendarmerie, les douanes et le Système d’information Schengen. Les caméras seront fixes et dissimulées, ou embarquées sur les véhicules des forces de l’ordre. Dans ceux-ci, un système d’alerte transmis par le ou les fichiers centraux signalera en temps réel aux gendarmes et aux policiers qu’ils suivent ou viennent de croiser une « voiture suspecte ». Depuis deux ans, les premières expérimentations ont coûté 14 millions d’euros, inscrits dans la loi de Finance.
Les terroristes ont bon dos
Première bizarrerie, quand on interroge les responsables de la police ou de la gendarmerie sur le dispositif, il est facile de remarquer qu’ils n’évoquent aucunement la « chasse aux terroristes ». Ils avancent, sans plus de précisions, le repérage de 600 voitures volées pour un peu plus de 5 millions de contrôles automatisés. Le projet est d’étendre le système à tous les véhicules de police et de gendarmerie et d’installer plusieurs dizaines de milliers de mini-caméras dans les villes et au long des routes et autoroutes. Des caméras pratiquement indécelables qui fonctionneront en automatique et en permanence.
Dans sa conception, le système n’est pas nouveau. Il a été mis en place à Londres en 2006 pour vérifier automatiquement que les voitures pénétrant dans le centre ville ont bien acquitté le péage obligatoire, la lecture automatisée des véhicules non autorisés entraînant immédiatement l’envoi d’une amende par le fichier central. Sans la moindre intervention humaine. D’ailleurs, il y a quelques jours, en évoquant l’interdiction de certains véhicules dans les centres villes, la ministre de l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a fait allusion à des « systèmes automatiques de contrôle » pour faire respecter la réglementation en gestation.
En Grande-Bretagne, la mise en place de 800 caméras lisant toutes les plaques d’immatriculation a servi d’expérience grandeur nature pour étendre progressivement le contrôle à toutes les routes et rues du pays. Les caméras sont reliées à un ordinateur qui permet d’emmagasiner 80 millions de lectures de plaque par jour et d’archiver les déplacements de 30 millions de voitures. L’ordinateur enregistrant aussi l’heure de la prise de vue. La puissance de ce système permet donc d’archiver le parcours de millions de véhicules.
La chasse aux « suspects »
Il est donc évident que ce dispositif français coûteux n’est pas, comme son homologue anglais, seulement destiné à repérer les véhicules volés. Comme il conservera officiellement toutes les données pendant un minimum d’un mois, il va permettre, une fois opérationnel, de suivre tous les « suspects » choisis par le ministère de l’Intérieur : des écologistes aux syndicalistes en passant par les politiques et les militants associatifs qui causent des soucis au pouvoir en place. Ceci, sans aucun contrôle citoyen. Il va devenir impossible à des dizaines de milliers de personnes de se déplacer sans que le ministère de l’Intérieur n’en soit informé, heure par heure, jours après jours.
Alors que dit la CNIL, la Commission nationale informatique et liberté ? Elle regrette la mise en place de fichage, comme d’habitude. Mais ses « regrets » n’ont été suivis d’aucun effet... et Lapi se met tout doucement en place, encore plus pervers et « efficace » que les caméras de vidéosurveillance. Comme pour la création, en 1998, du fichier des empreintes génétiques pour lutter contre « la délinquance sexuelle » peu à peu étendu à 145 cas dont le « trouble à l’ordre public », on est bien loin de la lutte contre le terrorisme et de la répression du vol de véhicule.