Novethic. Le 21 Avril 2011 par Béatrice Héraud
« La crise financière nous a montré les dangers d’une absence de réglementation de la finance, et le lien entre le secteur financier et la société a été rompu. Il est temps non seulement de réparer ce lien, mais également que le secteur financier rende un peu de ce qu’il a pris à la société », voilà les mots qu’adressent 1 000 économistes prestigieux de plus de 50 pays -parmi lesquels Joseph Stiglitz, Paul Krugman ou, en France Jacques Attali- aux ministres des finances du G20 et à Bill Gates dans une lettre demandant l’instauration de la Taxe Robin des bois, autre nom de la taxe Tobin (voir article et document lié). Une initiative symptomatique d’un mouvement citoyen mondial qui demande à prendre une part de plus en plus active dans le contrôle et la régulation du système financier actuel. Ainsi, selon un sondage YouGov, organisé dans 6 pays européens et commandité par Oxfam, plus de 80% des personnes interrogées (de 82% aux Pays-Bas jusqu’à 90% en Espagne) estiment que les banques, les Hedge Funds - fonds de spéculation- et autres institutions financières ont pour responsabilité de réparer les dommages causés par la crise économique, liés à leurs activités. Et, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie, la majorité soutien la création d’une taxe Robin des bois…
« Depuis le lancement de Finance Watch, je suis extrêmement frappé par le niveau de soutien citoyen que l’on nous a témoigné: nous avons reçu des milliers de mails venant de toute l’Europe pour nous encourager dans notre initiative. Et spontanément près de 1000 personnes sont venues discuter de régulation financière sur notre compte Facebook alors qu’il s’agit tout de même de sujets extrêmement techniques et austères », se réjouit Thierry Philipponnat. Cet ancien membre de la commission entreprise d’Amnesty International et ancien professionnel de la finance, est aujourd’hui chargé de coordonner la création de Finance Watch, une nouvelle ONG dont l’objectif est de développer une expertise et un plaidoyer européen pour améliorer la qualité de la règlementation financière (voir article lié). Créée à l’initiative de députés européens, avec en tête de proue Pascal Canfin, ex journaliste économique aujourd’hui membre d’Europe-Ecologie /Les Verts, l’organisation compte aujourd’hui une trentaine d’associations telles qu’Attac, les Amis de la terre, Nordic Financial Unions, le World Development Movement ou Transparency international. « De nouvelles ONG viennent frapper à notre porte mais nous refusons aussi certains membres qui pourraient se trouver dans un conflit d’intérêt, comme des professionnels en activité du monde de la finance. Par la suite, nous allons aussi créer un statut d’amis de Finance watch pour les citoyens qui, à terme, contribueront au financement de l’association dont le budget annuel est évalué à 2 millions d’euros », poursuit Thierry Philipponnat.
En attendant la création de ce lobby professionnel de la finance, qui n’a encore aucun équivalent en Europe, Les Amis de la Terre et Attac viennent de lancer une campagne pour « un contrôle citoyen des banques » explicitement intitulée « A nous les banques ! ». Lassées par les promesses non suivies d’effets des sommets internationaux comme le G20, les deux ONG ont rédigé et envoyé aux principales banques françaises un questionnaire d’une vingtaine de questions portant sur les prises de risques des banques, leur politique commerciale ou encore leur gouvernance, telles que : « A combien s'élève le total des bonus et stock-options distribués au titre des activités 2008, 2009 et 2010 ? » ou « Votre groupe bancaire a-t-il des filiales, ou participations dans des filiales, domiciliées dans les paradis fiscaux, selon l'indice d'opacité financière du Tax Justice Network ? » (voir document lié). Les deux ONG invitent les citoyens à s’en saisir et à les envoyer eux-mêmes à leur banque avant d’en analyser les résultats en mai. « Nous voulons donner aux citoyens des outils pour exiger du système bancaire un comportement responsable », explique Thomas Coutrot, économiste et co-président d’Attac France, dans un communiqué. Lors d’un colloque de la Revue Durable sur les « Initiatives pour une finance globale durable », le 15 avril dernier, il développait : « les gens sont à fleur de peau et de plus en plus hostiles sur la question des banques. Ils sont en attente d’alternatives. Il nous faut développer les initiatives et la pression citoyenne sur les banques et gouvernement. »
En Islande, celle-ci s’est exercée dans les urnes. Le 9 avril, malgré la pression, notamment de l’Angleterre et des Pays-Bas qui menacent le pays d’un procès et de lui refuser l’entrée dans l’Union européenne, les Islandais ont une nouvelle fois refusé, par référendum, de payer 3,9 milliards d’euros (soit 12 000 € par habitant et hors intérêts, souligne Attac) pour la faillite des banques. Un vote qui peut être considéré comme « le seul débat démocratique ayant eu lieu pour savoir qui devait payer pour la crise financière », jugeait Eva Joly, la députée européenne d’Europe Ecologie les Verts, candidate aux primaires de son parti pour la présidentielle, lors de ce même colloque.
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