Bakchich Info. Le 7 Novembre 2010 par Jacques-Marie Bourget
Annie Lacroix-Riz se penche sur le silence du Vatican durant la Seconde Guerre mondiale et règle son compte à Pie XII, élu pape en 1939. Où l’on découvre un souverain pontife plus que tolérant à l’égard de la politique hitlérienne.
Ces jours-ci, l’histoire fait des histoires. Nous avons lu dans Bakchich Hebdo un bédéreportage nous informant de la volonté de Nicolas le bien-aimé de transformer l’hôtel de Soubise, qui renferme les Archives nationales, en musée de l’Histoire de France. Est-il obligatoire de dépenser une fortune pour virer archives, archivistes et chercheurs afin d’y dresser le musée cher à ce Président, mari d’une muse et qui nous amuse ? Non, répondent ceux dont les vieux papiers sont le métier. On aurait pu caser ce musée dans les friches industrielles de l’île Seguin, où des ouvriers se sont fait un sang d’encre, ce qui est bien commode pour écrire l’histoire. Hélas, pour plaire à Pinault, on a détruit la citadelle Renault. Pas de vieille ferraille abritant le musée du prêt-à- penser, Sarkozy, lui, exige un palais afin de s’y débarrasser des armures, culottes bouffantes et jabots de dentelle qui occupent son esprit. Et qui, reconnaissons-le, lui donnent la tête lourde. Que mettre en vitrine dans ce musée de l’Histoire officielle ? Les bienfaits de la colonisation ? La francisque de Tonton ? Pas facile. Confions cette tâche à Max Gallo, l’homme qui pense plus vite qu’un cheval.
En attendant Gallo, penchons-nous sur du sérieux et sur le Vatican, l’Europe et le Reich, un livre d’Annie Lacroix-Riz, une historienne balèze détestée par tous ceux qui vont combler les étagères du Sarko Muséum, hostilité qui lui va comme un compliment. Le Vatican, c’est important puisque notre Président, chanoine de Latran, s’est rendu chez le pape pour y faire le plein d’indulgences. Après les signes de croix et les chapelets qui marquent l’allégeance, ce n’est pas en cave du Vatican mais en fils aîné de l’Église que Nicolas Sarkozy est rentré à Paris. Essentiel, donc, de connaître la ligne politique du Saint-Siège qui va dicter la nôtre. Comme souvent, le bouquin de Lacroix-Riz, c’est l’acide qu’on verse sur le vieux bronze pour lui redonner la lumière, un décapant des couches de mensonge.
En avant-propos, la chercheuse nous avertit des questions qu’elle pose sur le Vatican lors de la Seconde Guerre mondiale : « La participation aux massacres d’éléments cléricaux couverts et dirigés par leurs supérieurs hiérarchiques, et le refus d’aide aux victimes confirmé par circulaires ecclésiastiques, voire l’éventuel pillage de biens juifs. La négation vaticane directe du génocide des hitlériens et de leurs séides de diverses nationalités. Le sauvetage recyclage des bourreaux, une opération de masse. » Voyez que ça ne rigole pas, et qu’il faut s’empresser de canoniser Pie XII, un pivot de cette tragédie, avant que les historiens ne le mettent à sa place, au bûcher avec sa sedia gestatoria.
Eugenio Pacelli, futur douzième Pie, s’installe à Munich en 1917 où, au nom de sa sainte mère l’Église, il encourage les malheureux bidasses allemands à fracasser nos pauvres poilus. Deux ans plus tard, nonce à Berlin, il est le seul à s’asseoir sur un trône solide dans un empire défait. Et va aider le Reich, par le biais de ses catholiques, à faire renaître la nation. Lacroix-Riz écrit à propos de Pacelli : « Sa correspondance sur la Bavière d’après-guerre avec le Vatican fourmille de références haineuses au “juif untel”, d’Esner à Lévine, tout révolutionnaire étant par essence un “juif galicien”… Il s’entoura de prélats dont la contribution à l’essor du nazisme et à l’antisémitisme fut éminente. » Sympa, l’Eugène !
Pendant la montée du nazisme, jusqu’en mars 1939 où il est fait pape, Pacelli, c’est le chevalier Ajax ammoniaqué : entre Rome et Berlin, il lessive toute bavure brune capable d’effaroucher le Vatican. Tout va bien. Certes, ce monsieur Hitler est un peu nerveux…, mais il déteste si bien les Juifs et les communistes qu’on ne peut que le bénir. Au printemps 1939, alors que les nazis continuent d’affûter leurs couteaux, François Charles-Roux, ambassadeur de France au Saint-Siège, observe un Pie XII donnant « des preuves de sa joie ». Pendant la guerre, les derniers travaux des historiens et ceux de Lacroix-Riz s’accordent : « Pie XII savait tout du génocide juif et ne fit rien pour y parer. » Rien non plus auprès de ses protégés, catholiques et nazis, les oustachis du Croate Ante Pavelic. En 1945, l’instant de fidélité venu, les émules du pape aident à la fuite de notables criminels nazis vers l’Amérique du Sud. Comme quoi, parfois, le pape n’est pas un homme qui se contente de bénir des chapelets pour le président de la République française.
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