Agoravox. par mardi 26 mai 2009
Interview d’une institutrice
Le RASED, créé en 1990, a été mis en place dans une perspective de prévention et d’aide aux élèves en difficulté et concerne principalement la classe élémentaire.
Leur objectif est de permettre le maintien ou le retour de ces élèves dans un cursus ordinaire de scolarisation. On compte parmi cette organisation un milieu professionnel varié : 3000 psychologues scolaires, 4111 enseignants spécialisés chargés de l’aide à dominante rééducative que l’on appelle plus couramment les « maîtres G » et 6835 enseignants spécialisés chargés de l’aide principalement pédagogique que l’on surnomme les « maîtres E ».
La richesse de ce réseau est sa complémentarité. Le « maître G » aide surtout l’enfant qui a des difficultés affectant ses capacités à être un élève (problèmes de comportement, de concentration, enfant rêveur, violent ou inhibé). Tandis que le « maître E » s’occupe de remédier aux difficultés d’apprentissage de l’élève en lui proposant des techniques de travail mieux adaptées. Un dispositif qui décharge considérablement le travail de l’instituteur, qui n’a ni le temps, ni forcément les méthodes pour aider un élève en particulier dans des classes qui peuvent compter plus de 30 enfants. Cela permet à des élèves pour qui le soutien scolaire est inefficace, de reprendre les socles pédagogiques, et de pouvoir, une fois les bases acquises, réussir en tant qu’élève.
Le réseau reçoit l’enfant et les parents lors de séances qui peuvent s’étaler sur une année. L’efficacité de cette aide est qu’elle ne dépend pas de programmes scolaires ou d’exigence éducative particulière.
Mais cette façon de procéder, qui s’étend sur la durée, est incompatible avec la détermination du gouvernement à vouloir faire des économies à tout prix.
Depuis longtemps déjà, le R.A.S.E.D est menacé.
En effet, très peu de réseaux se trouvent aujourd’hui au complet. La volonté du gouvernement de démanteler ces réseaux, ne diminue pas pour autant, malgré la réduction de la formation des enseignants spécialisés en 2006, pour réaliser plus d’économies.
Mais c’est en 2008 que la mort programmée du R.A.S.E.D semblait véritablement prononcée.
En effet, Xavier Darcos, obstiné à respecter les restrictions budgétaires de Bercy, annonce le 16 octobre 2008, la suppression de 3000 postes du réseau. Face à la grogne que cette décision suscite, il fait finalement machine arrière le 8 janvier 2009 en décidant de supprimer 1500 postes dès la rentrée 2009 et de réaffecter les 1500 autres en postes surnuméraires.
Quelle supercherie se cache derrière ces postes surnuméraires ?
Cela signifie concrètement que les 1500 enseignants spécialisés restants ne seront plus attachés aux autres professionnels du réseau, mais affectés dans une seule école.
Ce principe de postes surnuméraires va diluer le système, qui fait la particularité du RASED. Or, un enseignant spécialisé écarté d’une équipe pluridisciplinaire ne peut pas apporter seul, les réponses plurielles qu’appellent les multiples origines de la difficulté scolaire (aides pédagogiques, rééducatives et psychologiques).
Individualiser l’enseignant spécialisé, c’est retirer la raison d’être même du RASED, qui fonctionnait en « réseau ».
Xavier Darcos promet à la place, deux heures d’aide personnalisée par des enseignants non spécialisés et des stages de remise à niveau pour les CM1-CM2. Mais cette aide qui s’étend seulement sur 6 semaines est d’une autre nature que celle à dominante pédagogique ou rééducative que pouvait proposer le RASED. Et beaucoup d’instituteurs savent combien cette mesure peut être particulièrement inefficace quand l’élève ne sait toujours pas compter, qu’il n’arrive pas à appliquer les consignes, ou encore lorsqu’il présente un comportement particulièrement violent.
Alors que deviennent les enfants en grande difficulté, si le RASED en tant que tel n’existe plus ?
L’objectif du gouvernement est de médicaliser la difficulté scolaire, de la faire passer sur le budget de la santé à travers des centres médico-psycho-pédagogiques (C.M.P.P), structure où la liste d’attente dépasse très souvent 6 mois, contrairement à celle du RASED qui n’excède pas 3 semaines.
Les familles aisées pourront bien sûr faire appel à des officines privées qui offrent des cours de soutien à des prix très élevés. Mais la gratuité de l’école est alors à ré-envisager officiellement.
Reste que le gouvernement communique de façon très habile, pour masquer sa volonté de supprimer le R.A.S.E.D, alors que le budget voté pour 2009 prévoit officiellement la suppression des 3000 postes. À défaut de pouvoir supprimer les difficultés scolaires, il trouve plus facile de supprimer les R.A.S.E.D et ainsi d’assainir, au détriment de l’éducation, les finances publiques.
Interview par Acturevue de Armelle Michelt, Institutrice à Champigny-sur-Marne
David Perrotin : En quoi le RASED était-il condamné avant la loi ?
A. Michelet : Il n’était pas condamné mais sa mort était préméditée sans être annoncée explicitement. Auparavant, jusqu’en 2003, l’enseignant spécialisé suivait une formation sérieuse en deux ans avec des stages sous tutorat avant de se présenter au diplôme le CAPSAIS. Puis à partir de 2004, la formation a non seulement été réduite à une année mais en plus elle s’opère en alternance entre le terrain où l’on est censé être un enseignant spécialisé et l’IUFM où l’on recoit un enseignement théorique spécifique selon l’option que l’on a choisi. Les moyens n’ont cessés d’être réduits.
On ne s’y prend pas autrement quand on veut supprimer un service. On le fait dysfonctionner suffisamment pour qu’il ne soit plus efficace, on lui enlève ses moyens pour qu’il ne soit plus crédible aux yeux mêmes de ses propres utilisateurs afin de justifier sa suppression.
Que dénoncez-vous après les mesures de X. DARCOS et la suppression de 3000 postes ?
Xavier Darcos l’a dit lui-même, toutes les mesures qui ont été prises sous couvert de réformer l’enseignement ne vise qu’un objectif:diminuer les dépenses publiques. C’est ce qu’il y a de plus monstrueux, en particulier de la part d’un ex-enseignant (certes, pas n’importe lequel et pas dans n’importe quel lieu). Il est impossible de faire croire à qui que ce soit que la suppression de ces 3000 postes dans le milieu spécialisé vise à accompagner une réforme qui se voudrait aller dans le sens de l’augmentation de la réussite des élèves.
Que vont devenir les 1500 postes non supprimés mais qualifiés de postes surnuméraires ?
Cela consiste à utiliser provisoirement des maîtres spécialisés pour accompagner des groupes scolaires notamment dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP) en attendant de les sédentariser sur des postes d’enseignants dits ordinaires l’année suivante ou au plus tard d’ici deux ans. Avant la fin de son quinquennat, Sarkozy aura définitivement réglé le soi-disant surcoût de l’enseignement spécialisé en en supprimant les membres et leurs structures. Surnuméraire veut dire qu’il y a un enseignant de plus par rapport au nombre de classes. Alors que des textes officiels définissent depuis 2005 la mission des maîtres spécialisés, le projet de réforme propose sans que cela soit officialisé, un nouveau statut "batard" où le maître spé sera mis à disposition des équipes enseignantes pour des missions qui restent à définir !C’est oublié qu’auparavant il travaillait en RESEAU dans un cadre bien défini.
Que pensez-vous de l’aide personnalisée proposée en remplacement ?
C’est de la mascarade ! Un enseignant ordinaire n’est pas formé pour répondre aux difficultés graves des élèves. Il pourra éventuellement réajuster pour certains qui n’avaient pas assimilé une notion. Mais la plupart des difficultés d’apprentissage que présentent les élèves qui nécessitaient le travail avec les membres du RASED, ne peuvent pas être abordées par un enseignant non spécialisé. Les troubles cognitifs, les troubles du comportement, les troubles neurologiques ne pourront jamais être traités ainsi à la légère ; c’est déjà presqu’un autre métier, et le reléguer après la classe à midi ou à 16h30, sous l’appellation "aide personnalisée", ce n’est pas sérieux. Tout est fait pour au contraire faire baisser la qualité de l’enseignement, et l’entraver en supprimant l’ aide du RASED (devenue depuis longtemps volontairement parcimonieuse)
Que pensez-vous de la masterisation, que dénoncent également les enseignants-chercheurs ?
La logique continue, avec l’allongement des études universitaires à 5 années après le bac mais plus du tout de formation pédagogique pour les futurs profs des écoles, car les IUFM seront fermés d’ici 2010.
C’est ce que les enseignants en université dénoncent car les futurs profs devront aller jusqu’à la mastérisation à l’issue de laquelle ils se présenteront à un concours au sein de l’université qui ne leur permettra pas de bénéficier d’une formation comme c’était le cas pour les bac + licence. S’ils réussissent le concours, les étudiants deviendront profs des écoles, du jour au lendemain (apparemment il a été pour l’instant obtenu que quelques heures de formation seulement seraient octroyées), et ceux qui n’auront pas réussi le concours gagneront le droit d’être pour certains sur une liste d’attente, afin d’être recrutés comme vacataires (donc non titulaires, donc corvéables à merci) pour enseigner sans avoir reçu une seule heure de formation pédagogique. Ce qui est très grave c’est que le gouvernement ne cesse de décliner sur les médias les mérites de cette réforme qui viserait soi-disant un meilleur enseignement, alors qu’on le voit bien, il est bien difficile de faire admettre à toute personne sensée comment un enseignant non formé pourrait être plus performant. La logique est simple : REDUIRE LES DEPENSES DE L’ETAT A TOUT PRIX. On utilise des travers tels que faire croire que les enseignants seront revalorisés du fait de l’allongement de leurs études, et qu’il seront mieux formés alors qu’ils ne recevront qu’un enseignement théorique.
Qui pourra se permettre de faire cinq années d’études après le bac sans aucune sécurité sur l’avenir, sans assurance sur l’obtention d’un diplôme ?
Le but est de casser l’école publique et d’encourager l’enseignement privé, car après faute de combattants, l’école publique deviendra l’école poubelle, comme aux Etats-Unis.
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Propos recueillis par D. Perrotin
1. acturevue Le 27/05/2009 à 21:23