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Avril 2011
par/von Christian Campiche
Vingt ans après la guerre du Golfe, l’affaire des puits de pétrole en feu au Koweït rebondit devant la justice. Elle pourrait embarrasser Dominique Strauss-Kahn.
L’assignation qui se trouve sur le bureau de l’huissier du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris ressemble à une bombe à retardement. L’objet de la demande émane d’un citoyen niçois, Christian Basano, et vise à «condamner l’Etat français à réparer le préjudice causé à cet expert-comptable et commissaire aux Comptes des faits de déni de justice et faute lourde de l’Etat». M. Basano, lit-on dans le document, «a été victime d’usurpation d’identité, faux et usage de faux, vol et recels dans l’affaire dite Kuwait Gate, de 1991 à ce jour».
Le «Kuwait Gate»? Un gigantesque trafic d’argent qui a suivi l’incendie, par les troupes de Saddam Hussein, de 1100 puits de pétrole au Koweït. Les feux ont pu être éteints en quelques semaines grâce au système développé par Joseph Ferrayé, un industriel libanais établi dans le midi de la France. Une catastrophe écologique majeure a été ainsi évitée. Mais tant le concepteur du procédé que son associé Christian Basano n’ont jamais touché un sou de dédommagement, à la différence d’une myriade d’intermédiaires, notaires et banquiers, notamment suisses. Dominique Kounkou, l’avocat parisien de Christian Basano, parle d’«une escroquerie internationale à 22 milliards de dollars».
L’affaire Clearstream
Dans son livre «La boîte noire» qui dénonce les mécanismes de corruption du scandale Clearstream, le journaliste Denis Robert résume: «L’affaire Basano a commencé quand ce dernier s’est rendu compte qu’on s’était servi de son identité et de ses papiers pour transférer, via une banque hollandaise, des fonds provenant du Koweït. Ces fonds seront investis en titres grâce à un compte non publié de Clearstream.»
Le texte de l’assignation relève aussi qu’une filiale de l’Institut français du pétrole, la société Horwell, a obtenu le marché d’extinction des puits de pétrole, «exploitant sans licence les procédés brevetés par le mandant de M. Basano, l’inventeur Joseph Ferrayé». Horwell, poursuit le document, a été «fortement recommandée» au gouvernement koweïtien par Dominique Strauss-Kahn, alors ministre délégué à l’Industrie et au commerce extérieur français dans le gouvernement d’Edith Cresson, aujourd’hui directeur général du Fonds monétaire international.
«Il est clair, lit-on encore dans l’assignation, que M. le ministre Dominique Strauss-Kahn fut très bien informé du dépôt de ces brevets par Joseph Ferrayé, puisque l’INPI (Institut national de la propriété industrielle, ndlr), dépositaire, était un de ses services et qu’il a très simplement affecté l’exploitation des brevets nouvellement déposés à la société Horwell qui n’était à l’époque des faits qu’une coquille quasiment vide.»
Accord à point nommé
Représentant de l’Etat français devant le tribunal, l’agent judiciaire du Trésor n’a pas encore pris position. «Les conclusions sont attendues à une audience fixée au 16 mars prochain. Ensuite une enquête approfondie devra être diligentée par le TGI dans les prochains mois», précise Me Kounkou.
«La sagesse serait de crever l’abcès en parvenant à un accord sur l’indemnisation avant la fin de la procédure», commente l’avocat de Christian Basano. Une allusion nullement voilée à l’échéance de 2012, l’année de l’élection à la présidence française. Beaucoup, dans les rangs de la gauche, poussent Dominique Strauss-Kahn à annoncer officiellement sa candidature. Mais il ne faudrait pas pour lui que le «Kuwait Gate» se transforme en boulet.
Article paru dans « La Liberté » du 1er mars 2011
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